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Comment la Russie se joue des sanctions sur le pétrole

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La Russie exporte dorénavant son brut en échappant largement au plafonnement du baril à 60 dollars mis en place par le G7. Les sanctions occidentales sont-elles en train de passer à côté de leur cible ?

Une pompe à pétrole de la compagnie russe Rosneft, dans la région de Krasnodar, dans le sud de la Russie.
Une pompe à pétrole de la compagnie russe Rosneft, dans la région de Krasnodar, dans le sud de la Russie. REUTERS/Eduard Korniyenko
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On savait déjà que la Russie avait très rapidement trouvé de nouveaux clients en Asie, surtout en Chine et en Inde, des pays qui n’ont pas souscrit au régime des sanctions. Ils ont fait une bonne affaire puisque ce pétrole était vendu avec une grosse décote sur le cours officiel. On découvre aujourd’hui que la Russie vend désormais son brut à un très bon prix, bien au-delà du plafond des 60 dollars, en s’affranchissant des assurances occidentales. Car ce plafond en place depuis décembre s’applique aux seules cargaisons couvertes par les assureurs. Or d’après le Financial Times les trois quarts du brut exporté par les compagnies russes au mois d’août ont été acheminés sans être assurés. Enfin, Moscou bénéficie de la complicité d’intermédiaires localisés dans des pays amis, comme la Turquie et les Émirats arabes unis, par où transitent les livraisons.

Depuis cet été Moscou profite donc pleinement de l’embellie des marchés pétroliers

Une hausse de cours qu’elle contribue à entretenir, de concert avec l’Arabie saoudite, en diminuant son offre au sein du cartel de l’Opep+. Par ailleurs, la décote appliquée à cette variété de brut a rétréci. Il y a quelques mois « l'Oural » s’écoulait avec une ristourne pouvant aller jusqu’à 40 dollars par rapport au marché. Cette décote est tombée à 12 dollars d’après l’étude publiée récemment par l’école d’économie de Kiev. Selon la même source, entre le mois de juin et le mois d’août, le prix du brut russe à l’export a bondi de 55 à 73 dollars le baril.

La rente pétrolière continue à doper la croissance russe

Cette croissance devrait être de l’ordre 1,5% selon le FMI. C’est bon pour les finances publiques. Vladimir Poutine prévoit une hausse de 70% du budget de la défense pour 2024. La Berd, la banque européenne fondée pour aider les anciennes républiques soviétiques confirme ce matin les prévisions de croissance donnée par le FMI et elle fait part de sa déception : « nous nous attendions, dit le communiqué, à ce que les sanctions soient plus efficaces ». Pour les rendre plus efficaces les Ukrainiens souhaitent que l'étau se resserre, avec un abaissement du plafond des 60 dollars le baril et de nouvelles mesures. Comme un embargo sur les diamants, il est actuellement en discussion au niveau du G7. Ou encore que l'Europe soit plus assidue dans la traque des exportations de composants indispensables à l'industrie militaire transitant par des pays tiers. Car les importations russes de ces précieux composants, comme des semi-conducteurs, ont retrouvé le niveau d'avant la guerre.

Les Ukrainiens appellent également les Européens à renoncer au GNL russe

Les sanctions concernent le pétrole, le charbon mais pas le gaz, une exception prise pour éviter que les pays européens les plus dépendants pour leur approvisionnement ne soient pénalisés. Depuis la fermeture des gazoducs russes, les Vingt-sept ont su trouver rapidement des fournisseurs alternatifs, en augmentant notamment les importations de gaz naturel liquéfié, surtout en provenance des États-Unis. Mais, contre toute attente, plusieurs pays importent aussi de grosses quantités de GNL russe, en attestent les statistiques européennes. Cette année c’est le cas surtout de la Belgique et de l’Espagne. Madrid qui détient actuellement la présidence de l'Union souhaite que ces achats cessent. Parce qu'ils sont contraires aux objectifs des sanctions, c'est-à-dire de priver la Russie de ressources, mais aussi parce qu'ils mettent l'Europe à la merci du Kremlin : 16% des importations européennes de GNL proviendront encore de Russie cette année.

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