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Présidentielle argentine: Milei contre Massa, deux projets radicalement différents pour l'économie du pays

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Les Argentins sont appelés aux urnes ce dimanche 19 novembre pour le second tour d’une élection présidentielle particulièrement polarisée. Dans un pays plongé dans une profonde crise économique, l’ultralibéral Javier Milei, qui a recueilli 30 % des voix au premier tour, affronte le ministre de l’Économie sortant, Sergio Massa. 

À une semaine du second tour de l’élection présidentielle en Argentine, Sergio Massa (dr.) et Javier Milei (g.) ont débattu en direct à la télévision.
À une semaine du second tour de l’élection présidentielle en Argentine, Sergio Massa (dr.) et Javier Milei (g.) ont débattu en direct à la télévision. AFP - LUIS ROBAYO
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Veste en cuir noir, faux airs de rockeur, Javier Milei veut appliquer une politique de la motosierra (la tronçonneuse). Pour symboliser la réduction drastique du budget de l’État qu’il souhaite mettre en œuvre s’il gagne la présidentielle, le candidat ultralibéral exhibe l’engin pendant certains meetings et fait vrombir le moteur devant la foule. L’objet est devenu l’un des symboles de la campagne du candidat libertarien, qui promet de faire tomber les dépenses de l’État central à 9,3% du produit intérieur brut (PIB) contre 24,3% aujourd’hui. Une baisse de 15 points que bon nombre d’économistes jugent irréalisable, en particulier en l’espace d’un mandat présidentiel de quatre ans. 

Admirateur des économistes les plus libéraux - il a nommé ses chiens des prénoms de plusieurs d’entre eux, dont « Milton » en hommage à Milton Friedman, l’un des pères du néolibéralisme - Milei veut réduire autant que possible la place de l’État dans l’économie. Il compte ainsi supprimer les aides sociales, les subventions, mettre fin à l’éducation gratuite, privatiser la santé... Il tient dans le même temps des discours véhéments contre les impôts : « c’est du vol », tout comme la « justice sociale » assure-t-il, avant de comparer le prélèvement de l’impôt à un héritage de « l’esclavage » et à une pratique pire que celle des voleurs de droit commun.

Abandon du peso

Mais la mesure phare du candidat (qui a obtenu 30% des voix au premier tour, derrière le ministre de l’Économie sortant Sergio Massa) est de dollariser l’économie argentine. « Cela mettrait fin à cette arnaque qu’est le peso, qui fond comme des blocs de glace dans le désert du Sahara en pleine journée », a assuré le candidat lors d’une interview télévisée, pendant la campagne. La monnaie nationale a perdu plus de 90% de sa valeur face au dollar depuis quatre ans et l’inflation dépasse les 140 % sur un an, au point que les commerçants changent les étiquettes de prix des produits plusieurs fois par semaine : pour Javier Milei, la solution passe donc par l’abandon du peso au profit du billet vert. Pendant ses meetings, ses partisans brandissent même des billets de 100 dollars à son effigie.  

Rosana Reinaga, qui soutient le candidat Milei, exhibe un dollar à son effigie (octobre 2023).
Rosana Reinaga, qui soutient le candidat Milei, exhibe un dollar à son effigie (octobre 2023). © RFI/Márcio Resende

 

Sans monnaie nationale, l’ultralibéral compte se débarrasser également de la Banque centrale. L’Argentine serait alors dépendante de décisions de politique monétaire prises aux États-Unis, sans avoir de marge de manœuvre au niveau local.

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Une économie en crise

Dans un pays en plein marasme économique, le ministre sortant de l’Économie a - contre toute attente - réussi à se hisser en tête du premier tour de l’élection présidentielle. Sergio Massa, centriste rallié à la majorité péroniste, a obtenu 37 % des voix. Au gouvernement depuis août 2022 (avec un portefeuille élargi), il n’a pas réussi à freiner significativement l’inflation à trois chiffres. La Banque centrale argentine a les taux d’intérêt les plus élevés au monde (130 %). Près de quatre Argentins sur 10 se trouvent sous le seuil de pauvreté. Le pays est lourdement endetté auprès du Fonds Monétaire International (FMI), à qui il doit près de 44 milliards de dollars. La sécheresse historique enregistrée cette année n’a fait qu’empirer la situation : les mauvaises récoltes agricoles n’ont pas permis de renflouer en devises étrangères les caisses de l’État. 

Équilibriste

À la fois ministre et candidat, Sergio Massa a joué durant toute la campagne les équilibristes. D’un côté, il a dévalué le peso de près de 20% en août, pour répondre aux exigences du FMI. De l’autre, il a baissé l’impôt sur le revenu et la TVA, pour montrer à son électorat qu’il tente de lutter contre les effets de l’inflation. Malgré l’endettement colossal du pays, Sergio Massa promet aussi de préserver les services publics et d’alléger les taxes à l’exportation des produits agricoles, très critiquées par les producteurs de viande ou encore de soja et de blé. 

À quelques jours du scrutin, les sondages ne permettaient pas dégager une tendance claire en faveur d’un candidat ou de l’autre. Quel que soit le gagnant de l’élection, il fera face à une économie argentine à l’agonie et devra sans doute renégocier la dette du pays auprès du FMI.

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