Aujourd'hui l'économie

Pourquoi les économistes minimisent-ils le risque climatique

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Dans un rapport publié en amont de la COP 28, qui démarre jeudi 30 novembre à Dubaï, l’ONG Finance Watch dénonce l'influence néfaste des économistes. Elle les accuse de sous-estimer les conséquences du réchauffement climatique. Selon l'ONG, leurs prévisions optimistes ralentissent l’action politique.

Des dizaines de millions de personnes dans le nord de la Chine ont reçu des alertes à la pollution sévère, les autorités les invitant à réduire leurs activités de plein air, le 31 octobre 2023.
Des dizaines de millions de personnes dans le nord de la Chine ont reçu des alertes à la pollution sévère, les autorités les invitant à réduire leurs activités de plein air, le 31 octobre 2023. © Wang Zhao / AFP
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Et c’est un expert de cette matière qui l’affirme. Thierry Philipponat, le fondateur de Finance Watch en est aujourd’hui le chef économiste. Cette ONG basée à Bruxelles cherche à rendre la finance plus utile à la société. Son constat : le calcul des prévisions de croissance intégrant la hausse des températures qui servent de base à l'action des gouvernants est erroné. Finance Watch prend l’exemple des prévisions trop rassurantes émises par le NGFS, le réseau des banques centrales pour le verdissement de la finance. Ce réseau réunit plus d’une centaine de banques centrales et il fournit chaque année des prévisions de croissance intégrant les différents scénarios possibles du réchauffement. D’après leur dernière prévision publiée au début du mois, 3,5 degrés en plus d'ici à la fin du siècle, ce qui est considéré comme un scénario catastrophe par les climatologues, ferait perdre 7 à 14 % de PIB. Une perte qui parait relativement surmontable.

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Thierry Philipponnat est économiste en chef chez Finance Watch.
Thierry Philipponnat est économiste en chef chez Finance Watch. © finance-watch.org

Une prévision biaisée, car elle fait l’impasse sur des données très concrètes des bouleversements qu’on est en train de vivre

Thierry Philipponat constate que la hausse du niveau des océans et les migrations concomitantes du réchauffement sont des paramètres totalement ignorés dans les prévisions du réseau ; ces phénomènes de grande ampleur auront pourtant un fort impact sur l’économie. Le Conseil de stabilité financière, l’organe de régulation du G20, minorise lui aussi la destruction de PIB que provoquera le réchauffement. Idem pour le modèle proposé par l'Américain William Nordhaus consacré par un prix Nobel d’économie en 2018. Ses travaux, salués pour l'intégration du changement climatique, sont aussi très critiqués pour leur sous-évaluation systématique des dommages causés par la hausse des températures.

Comment expliquer cette sous-évaluation systématique ?

L’économie fonctionne encore sur des concepts hérités du 19ᵉ siècle. Le modèle dit de l’équilibre général suppose que, passé le choc d’une crise, l’économie tend à revenir à un niveau d’équilibre. Ce qui est valable pour la crise financière de 2008 ou pour la crise provoquée par le Covid ne l’est plus du tout pour la crise climatique. Parce que celle-ci implique des modifications profondes et irrémédiables de notre environnement. Des éléments que les économistes dominants dans les organes de régulation peinent à intégrer dans leur modèle. Ce n’est pas seulement un problème de méthode. Les modèles alternatifs existent, ils aboutissent à des prévisions alarmantes, le modèle dit exponentiel prévoit la destruction quasi-totale de l’économie d’ici à la fin du siècle avec une hausse de 3° des températures. Pas vraiment un discours audible aujourd’hui. D’autant plus que les conséquences des actions d’aujourd’hui ne seront pas perceptibles avant une échéance lointaine. Très lointaine pour les décideurs comme pour les marchés.

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