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L’industrie du jeu vidéo déjà face au défi de l’IA

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Quelque 40 % des emplois dans le monde seront affectés par l’intelligence artificielle et même 60 % dans les économies les plus développées, d’après un rapport du FMI paru le 14 janvier. Une réalité déjà très concrète pour le secteur du jeu vidéo.

Des visiteurs de la Gamescom jouent à Tekken 8, le 24 août 2023, à Cologne, en Allemagne.
Des visiteurs de la Gamescom jouent à Tekken 8, le 24 août 2023, à Cologne, en Allemagne. © INA FASSBENDER / AFP
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L’industrie du jeu vidéo se situe à un carrefour où travaillent ensemble des corps de métiers très différents. Pour faire un jeu vidéo, il faut des artistes, des illustrateurs qui vont dessiner, mettre en image le jeu, des auteurs qui vont rédiger l’histoire, les dialogues ; il faut des développeurs et des programmeurs qui vont écrire le code informatique. Dans les plus grosses productions, on trouve aussi des comédiens qui vont prêter leur voix, leur image aux différents personnages. Leur point commun : tous ou presque sont déjà affectés par l’intelligence artificielle. À toutes les étapes, il est possible de déléguer au moins en partie le travail à une IA.

Par exemple, plutôt que d'employer 6 ou 7 artistes pour fabriquer le décor de leur futur jeu, certains patrons de studios pourraient être tentés de se contenter d'un ou deux développeurs humains assistés d’une IA générative chargée de fabriquer des lampadaires ou des arbres à la chaîne. Ubisoft a déjà intégré en interne une IA chargée d’assister les auteurs à rédiger les dialogues. Mais certains veulent aller plus loin encore. Au dernier salon CES de Las Vegas, le constructeur de puces Nvidia a annoncé mettre des outils à la disposition des développeurs pour créer des personnages capables d'interagir directement avec les joueurs.

Les programmeurs ne sont pas épargnés

Dans une démonstration sous contrôle, on peut voir un joueur interagir avec un personnage du jeu et lui parler directement. Le système est capable de reconnaître sa voix et le sens de ce qui a été dit, de produire une réponse textuelle et de la faire prononcer par le personnage fictif. Nvidia promet même que le personnage sera capable d’interagir dans l’univers du jeu. Dans l’exemple présenté, le barman contrôlé par l’IA sert un verre au joueur qui le lui demande. Les studios chinois NetEase et Tencent, mais aussi le Français Ubisoft, ont déjà signé et ce sont loin d'être les seuls à vouloir capitaliser sur l'IA.

Les développeurs ne sont pas à l’abri de ces changements. L’IA est déjà capable de rédiger à leur place des bouts de code informatique. Sous une forme ou une autre, il y a déjà de l'IA dans de nombreux jeux vidéo. À tel point que Steam, la principale place de marché numérique pour le jeu vidéo sur ordinateur, vient de mettre à jour ses règles d'utilisation : désormais les studios auront l'obligation de dire si leur jeu contient de l'IA et sous quelles formes elle a été utilisée. Pour le plus optimiste, l’IA déchargera les équipes de développement des tâches les plus ingrates pour les laisser se concentrer sur ce qui demande d’être plus créatif. Mais de nombreux développeurs, à l’instar des graphistes, se demandent si leur travail existera encore dans quelques années.

Les professionnels du doublage s’organisent

Les comédiens qui prêtent leurs voix et parfois leur image aux différents personnages de jeux vidéo sont particulièrement inquiets. L'acteur spécialisé Zeke Alton membre du syndicat SAG-AFTRA a lancé un avertissement sur les réseaux sociaux : « Si vous scannez votre visage pour un jeu vidéo, lisez très attentivement le contrat avant de signer. Pas de problème pour céder les droits de votre image pour un rôle ou même un jeu en particulier, mais faites attention à ne pas céder les droits de votre image indéfiniment et pour n'importe quelle utilisation, ce serait vraiment grave... »

Les comédiens craignent de perdre le contrôle de leur outil de travail, de voir l’IA s’emparer de leur voix ou de leur apparence pour jouer à leur place de nouvelles lignes de dialogues, sans qu’ils soient compensés ou qu’ils aient leur mot à dire sur le contenu. Certains produits existent déjà à destination des développeurs de jeu vidéo. L’entreprise Replica Studios propose des voix générées par l’intelligence artificielle avec une personnalité, voire un accent. Le résultat est encore robotique et la performance laisse à désirer, mais les professionnels ne veulent pas attendre d’être potentiellement dépassés pour se protéger.

Inspirés par les acteurs et les doubleurs d’Hollywood qui ont obtenu des garanties l'été dernier, les syndicats aux États-Unis négocient en ce moment pour adapter les contrats et garantir que les acteurs et actrices aient un droit de regard sur la manière dont leur voix ou leur apparence est utilisée, et que tous et toutes soient compensés en cas de nouvelle utilisation.

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