La transition électrique de l’industrie automobile plus lente que prévu
Publié le :
Les États-Unis ont adopté cette semaine de nouvelles normes anti-pollution très strictes pour les véhicules dans le but affiché d’encourager la transition des moteurs thermiques aux moteurs électriques. Mais sous la pression de l’industrie, l’administration américaine accorde finalement beaucoup plus de temps aux constructeurs pour faire cette transition. En Europe aussi, le secteur automobile questionne les objectifs fixés par Bruxelles.

Ne vous y trompez pas : la transition est bel et bien enclenchée, sous l’impulsion des gouvernements en Europe, en Chine, aux États-Unis et ailleurs qui ont fixé des objectifs et donc un cap à l’industrie automobile. L’administration Biden a, par exemple, annoncé cette semaine de nouvelles normes antipollution « les plus strictes pour les véhicules jamais prises dans l'histoire des États-Unis », s’est targué Michael Regan, à la tête de l'Agence américaine de protection de l'environnement. Dans les faits, ces normes qui s’appliqueront aux véhicules construits entre 2027 et 2032 pénaliseront beaucoup plus qu’aujourd’hui les véhicules à moteur thermique, mais cette annonce a été perçue comme une victoire majeure de l’industrie automobile.
Pour le comprendre, il faut comparer le projet initial présenté par l’Agence américaine de protection de l’environnement au printemps 2023 et ce qui a été réellement annoncé cette semaine : l’an dernier, l’administration Biden disait vouloir fixer comme objectif que 60% des véhicules vendus aux États-Unis d'ici à 2030 soient des véhicules électriques. Un objectif qui a disparu dans la version finalement adoptée mercredi 20 mars au profit d’un objectif plus flou et plus général de réduction des émissions de CO2. En pratique, cela permettra aux constructeurs de respecter les objectifs fixés en proposant des véhicules hybrides plutôt qu’en devant à tout prix miser sur les véhicules 100% électriques.
À lire aussiLes États-Unis durcissent les normes d'émissions des voitures pour stimuler l'électrique
Les véhicules électriques représentent 7% des ventes aux États-Unis
Surtout, le gouvernement américain donne beaucoup plus de temps à l’industrie automobile pour faire cette transition. Le secteur a pesé de tout son poids pour obtenir ce délai, arguant que « les consommateurs ne sont pas prêts ». Les véhicules électriques n’ont représenté que 7% des ventes l’an dernier aux États-Unis. Après l’engouement initial, la progression de l’électrique ralentit : les consommateurs américains se disent toujours intéressés, mais déplorent le manque d’infrastructures adaptées et notamment de bornes de recharge. En pleine année électorale au pays de la voiture reine, l’administration Biden avait aussi à cœur de ne pas se mettre à dos une industrie qui compte aux États-Unis et qui emploie encore des centaines de milliers de personnes. Avant d’annoncer ces nouvelles normes, Michael Regan a pris soin de préciser devant un immense drapeau américain : « J’aime la voiture, j’ai toujours aimé la voiture et je l’aimerai toujours. »
Une formule qui fait écho à celle du président français en septembre dernier : « On aime la bagnole, et moi, je l’adore. » Emmanuel Macron a fixé un cap à l’industrie automobile française : produire 2 millions de véhicules électriques d'ici à 2030. À l’échelle européenne, la vente de véhicules à moteur thermique sera de toute façon interdite à partir de 2035 (même si l’Allemagne a obtenu une concession sur les carburants synthétiques).
Le groupe Renault ne renoncera pas complètement aux moteurs thermiques
Un objectif qui fait grincer des dents de ce côté de l’Atlantique. Le président de Renault, Jean-Dominique Senard, déplore une décision qui impose à l’industrie une technologie plutôt qu’une autre. Auditionné par la commission des affaires économiques du Sénat mercredi 20 mars, il a aussi pointé du doigt une décision prise avec une « analyse d’impact proche de pas grand-chose ». « J’en veux pour preuve qu’une fois la décision prise tout le monde a découvert ou fait mine de découvrir que nous avions un énorme sujet sur la question des ressources nécessaires pour alimenter les usines de batteries », a-t-il souligné. « Depuis vingt-cinq ans, la Chine a mis la main sur une quantité significative d’exploitations minières dans le monde, en Afrique et ailleurs. Elle domine 60% à 70% de l’accès aux mines et aux métaux nécessaires pour la production d’énergie électrique », insiste encore le patron de Renault.
« En 2030, la totalité de la production de Renault sera électrique », précise Jean-Dominique Senard, mais pas question pour autant de renoncer à « l’immense connaissance technologique que le groupe a dans le moteur thermique ». Après tout, la réglementation européenne n’empêchera pas après 2035 les groupes automobiles d’exporter hors de l’UE des véhicules à moteur thermique. Des deux côtés de l’Atlantique, l’industrie veut bien contribuer à sauver la planète, mais elle préfère quand même ne pas insulter l’avenir.
À lire aussiUE: les 27 décident de ne pas durcir les nouvelles normes d'émissions des moteurs thermiques
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne