Pourquoi la concurrence de l’Ukraine alimente le malaise des agriculteurs européens
Publié le :
Le malaise du monde agricole gagne toute l’Europe, et en particulier la France, où le gouvernement vient de reporter la présentation d'une réforme contestée. Le Premier ministre Gabriel Attal reçoit le principal syndicat agricole en fin de journée. Le mécontentement chronique du secteur a décuplé sur fond de concurrence accrue des produits ukrainiens.
Avec l'inflation, les coûts de production ont augmenté alors que les distributeurs et les consommateurs rechignent à payer plus. Dans ce contexte déjà défavorable, l'arrivée des produits ukrainiens a aggravé les difficultés des agriculteurs de l'Union Européenne. Ce sont d’abord les plus proches voisins du pays en guerre, comme la Pologne, la Roumanie, la Bulgarie, qui ont souffert de la concurrence du blé ukrainien. La mer Noire étant sous la menace de la marine russe, les cargaisons ont transité par le nord de l’Europe, encombrant au passage les silos et perturbant les marchés locaux.
Une deuxième vague de denrées ukrainiennes a envahi les marchés européens à partir de mai 2022. Quand Bruxelles a levé les droits de douane imposé à ce pays tiers pour soulager son économie, ont déferlé sur l'Europe le sucre, les œufs ou les poulets ukrainiens.
Des produits ukrainiens bien moins chers que leurs équivalents européens
Le coût de production du poulet ukrainien, par exemple, est inférieur de 25% à celui des éleveurs polonais, de 75% par rapport au coût des aviculteurs français. Dans l’hexagone, où seulement un poulet sur deux est produit localement, les importations de volaille ukrainienne ont doublé les six premiers mois de l’année 2023.
Les importations de miel, de coulis de tomate ou d’avoine en provenance d'Ukraine se sont aussi envolées à des niveaux sans précédent à travers toute l’Europe. Cette année, les importations de sucre ukrainien devraient doubler en volume par rapport à la saison précédente. Entre 2021 et 2022, l’année où a commencé la guerre, la facture des importations agricoles en provenance d’Ukraine a bondi de près de 12 milliards d’euros à plus de 15 milliards d’euros.
L’Ukraine est le troisième pays fournisseur des 27
Avec des avantages en nature indiscutables. Des terres noires réputées pour leur fertilité ; et en très grande quantité : 41 millions d’hectares sont cultivés, contre 28 en France, le premier pays agricole de l’Union européenne. Et avec une organisation très compétitive : la moitié des terres est gérée par des grandes entreprises orientées vers les marchés étrangers. Le bond des exportations de poulet ukrainien par exemple ne profite qu’à une seule société, MHP, le numéro un de la volaille en Ukraine et en Europe, coté à la bourse de Londres.
Enfin, le secteur subit beaucoup moins de contraintes environnementales, bureaucratiques qu'à l'intérieur de l'Union, c’est pourquoi les paysans européens dénoncent une concurrence déloyale. Même affaiblie par la guerre qui la prive de bras et de débouchés, cette puissance agricole, indispensable grenier à blé de la planète, est de plus en plus perçue comme une menace existentielle par les neuf millions de paysans européens.
À lire aussiEurope: le monde agricole en ébullition des Carpates à la Manche
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne