Toxoplasmose: le parasite qui manipule le cerveau des animaux
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Toxoplasma gondii est un microbe qui a su déployer un moyen ingénieux pour parvenir à ses fins. Le parasite agit sur le comportement de ses cibles pour pouvoir contaminer les félins.

Les souris ont un problème quand elles rencontrent un parasite nommé Toxoplasma gondii… Elles n’ont plus peur des chats ! « Cette désinhibition s’exprime par un comportement exploratoire un petit peu plus effronté que pour les souris qui sont d’habitude assez peureuses et qui explorent moins bien », décrit Isabelle Tardieux, directrice de recherche au CNRS, qui travaille sur la biologie cellulaire du parasite. Toxoplasma gondii inhibe aussi la crainte ressentie par les rongeurs lorsqu’ils sentent l’urine d’un chat.
Dans cette histoire, la souris n’est qu’un hôte intermédiaire du parasite, qui lui préfère le chat et tous les félins. C’est pour, in fine, atterrir dans les intestins d’un chat ou d’un lion que ce microbe a développé une capacité à modifier le comportement des animaux qui l’accueillent involontairement. Toxoplasma gondii agit dans le cerveau, et on sait comment depuis une dizaine d’années. « La grande probabilité pour un chat d’être infecté, c’est réellement d’ingérer une souris, dont le comportement est légèrement modifié parce qu’elle porte dans son cerveau des formes du parasite qui vont altérer le métabolisme cérébral sans pour autant tuer la souris. Cela permet au chat d’avoir une souris vivante et de pouvoir ensuite ingérer le parasite », détaille Isabelle Tardieux.
Des loups précoces
Voilà comment un microbe de quelques micromètres, évidemment invisible à l’œil nu, composé d’une seule cellule, est capable de manipuler un comportement des rongeurs, en agissant sur un neurotransmetteur, la dopamine. Dans quel but ? Justement pour être mangé par un chat, l’hôte définitif du parasite, parce que c’est seulement dans les intestins des félins que Toxoplasma gondii peut se reproduire de manière sexuée, pour enrichir son patrimoine génétique. « C’est le résultat de millions d’années d’évolution », précise Isabelle Tardieux.
Mais il n’y a pas que les rongeurs qui se font manipuler par Toxoplasma gondii. Au Kenya, on s’est rendu compte que les bébés hyènes touchés par le parasite s’approchaient deux fois plus près des lions que leurs congénères sains. Et dans le parc de Yellowstone aux États-Unis, une étude, qui vient d’être publiée, réalisée sur une vingtaine d’années, montre que les loups gris infectés quittent beaucoup plus tôt la meute dans laquelle ils sont nés, dès six mois – c’est près de deux ans pour les animaux non porteurs. Toxoplasma gondii rend téméraire et agressif. Un loup touché par le parasite a 46 fois plus de chance de devenir chef de meute.
Homo sapiens n’est pas épargné par la toxoplasmose et son vecteur Toxoplasma gondii qui désinhibe. Une étude, par exemple, a montré que les êtres humains touchés par Toxoplasma gondii avaient plus de risques d’avoir un accident de voiture. Dans le monde, environ 40% de la population possède des anticorps de la toxoplasmose, qui s’attrape essentiellement par l’alimentation (viandes, légumes), et non pas en caressant un chat… C’est d’ailleurs sans gravité, sauf pour le fœtus ou les personnes immunodéprimées. 40% de la population mondiale a eu la toxoplasmose, le plus souvent sans le savoir, mais le chiffre grimpe à plus de 60% dans le bassin méditerranéen, où on consomme davantage de viande crue ou saignante - seule la cuisson peut tuer le parasite. Ce qui expliquerait, selon une étude qui reste controversée, la prépondérance de la domination masculine dans ces pays. Le machisme est un parasite.

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