«La Rivière», portrait filmé d'un écosystème menacé
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Le documentaire La Rivière de Dominique Marchais, qui sort mercredi prochain dans les cinémas français, raconte au fil de l'eau le déclin de la biodiversité.

« On est en train de détruire ce qui nous reste de biodiversité, ce qui nous reste de beauté… » C'est le constat amer que dresse dans son dernier film le réalisateur français Dominique Marchais. Entre les Pyrénées françaises et l’océan Atlantique, La Rivière (ou la gave, comme on appelle les cours d'eau au Pays basque) est le portrait d’un écosystème porté par l’eau. Ce documentaire sensuel prend le temps de s'installer dans les paysages, rivières, ruisseaux, zones humides et ce qu'il en reste aux côtés des femmes et des hommes qui y vivent. Visible dans les cinémas français à partir du mercredi 22 novembre, il vient de recevoir le prestigieux Prix Jean-Vigo, habituellement décerné à des fictions.
« Il y a le réseau de surface, et puis il y a un réseau souterrain, les nappes phréatiques, les résurgences, décrit Dominique Marchais. C’est très fascinant, en fait, cette alternance de visible et d’invisible. L’eau, ce n’est pas du stock, c’est un flux, et c’est un flux qui est généré par une machine qui s’appelle le climat. Et en fait, les hommes ne contrôlent pas le climat ! » Ils se contentent de le perturber, avec leurs émissions de CO2, comme ils perturbent le cours de l’eau, les paysages… Il y a les pollutions, visibles et invisibles – le film s'ouvre sur des bénévoles qui nettoient des berges encombrées de plastique, de métal ou de polystyrène.
Barrages mortels
Il y a aussi l’agriculture : en période d’irrigation du maïs, le niveau de la rivière peut baisser de 10 centimètres en une journée. « Le maïs qui demande tant d’eau en plein été, de l’eau du gave et des nappes phréatiques qui devraient rester à la rivière, c’est une partie de notre gave local qui s’en va à l’autre bout du monde », constate l'un des protagonistes en face des silos à grain du port de Bayonne, dans l'embouchure de l'Adour.
Et puis il y a les barrages, ces constructions humaines qui font du mal aux animaux. « Il y en a plein, plein plein plein, rappelle Dominique Marchais. Les gens ne les voient pas, ne les connaissent pas… Ce sont les pêcheurs, les gens qui connaissent vraiment bien la rivière, qui ont conscience que ce petit barrage d’un mètre ou de deux mètres empêche l’accès à des kilomètres de linéaires de rivière dans lesquels les poissons pourraient trouver de la nourriture et des bonnes conditions pour se reproduire. »
Le secret des derniers saumons
Mais dans La Rivière, il y a aussi des raisons d’espérer, grâce aux femmes et aux hommes qui tentent de la réparer. « Il y a des moments où je me dis : c’est foutu, ça ne sert à rien, témoigne une jeune femme, l'eau de la rivière à mi-cuisses. Et puis après, sur des petits coups, par exemple après avoir nettoyé les embâcles (des amas de branches qui peuvent boucher un cours d'eau), on voit les truites venir se reproduire, alors que précédemment, elles ne pouvaient pas accéder au ruisseau, ça nous donne des petits coups de boost, et finalement ça sert quand même, à notre échelle, ce qu’on fait. »
On essaie aussi de sauver les derniers saumons, qu’on ne pêche plus, parce qu’il n’y en a presque plus. Ce poisson mythique, qui faisait la fierté de la vallée, vient se reproduire sur le lieu de sa naissance. La science a percé les secrets de sa migration grâce à son otolite, « une toute petite concrétion calcaire qui se trouve dans l’oreille interne du saumon. L’otolithe croît d’une couche par jour, donc on peut l’analyser couche par couche, et à partir des traces chimiques qu’on trouve dans cet otolithe, on arrive à connaitre l’endroit, la rivière, où le poisson est né, où il était ensuite… »
C’est un monde menacé que raconte La Rivière. Qui coule lentement. La biodiversité en eau douce décline deux fois vite qu’en mer ou sur terre.
Vous l’avez sans doute remarqué, et même pratiqué : devant un goulot d’étranglement, une porte de sortie étroite, en situation de stress, les humains, comme les troupeaux de moutons, ont tendance à pousser, se bousculer, ce qui provoque des bouchons. En revanche, comme l’ont montré des chercheurs français de l'université de Grenoble, qui travaillent sur la gestion des foules, on est beaucoup plus discipliné chez des poissons, les néons : on attend son tour. Le passage est fluide, plus rapide, parce que les poissons ne se touchent pas, respectent la distanciation sociale, comme s'ils étaient dans une bulle sociale : une forme d’intelligence collective dont l’humanité semble parfois dépourvue.
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