Chronique des médias

Une bataille d’idées derrière la mort de Lokman Slim

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Nous revenons avec vous sur l’assassinat au Liban de l’éditeur et intellectuel Lokman Slim. En toile de fond, il y a aussi une bataille d’idées à travers des médias

L'intellectuel et militant Libanais Lokman Slim a été tué par balles.
L'intellectuel et militant Libanais Lokman Slim a été tué par balles. REUTERS - REUTERS TV
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« Un journaliste libanais retrouvé assassiné dans sa voiture ». C’est ainsi que Reporters sans frontières a annoncé la mort de Lokman Slim, jeudi, dans une région sous le contrôle du Hezbollah. Cet intellectuel était sans doute plus un commentateur qu’un professionnel de l’info, mais il était aussi une des voix critiques les plus écoutées contre le Hezbollah. Pas seulement à cause de ses analyses percutantes sur le site qu’il avait fondé, Shia Watch. Mais aussi parce qu’il représentait le chiite à la fois des ambassades, comme on l’a dit, et celui des micros critiques envers le « parti de Dieu ».

Il est mort après une interview, en janvier, sur la chaîne saoudienne Al Adath. Une interview où il dénonçait la corruption qui avait entraîné l’explosion du port de Beyrouth. Le Monde relate qu’il avait alors accusé Damas, allié du Hezbollah, d’avoir entreposé dans le port du nitrate qui aurait servi à fabriquer des barils explosifs contre les rebelles syriens. Le port de Beyrouth, c’est aussi peut-être ce qui conduit le photographe Joseph Bejjani à être assassiné en décembre. Il était l’un des premiers à s’être rendu sur place le jour de l’explosion.

Les médias libanais, à la fois très réglementés et relativement libres, sont l’héritage d’une loi sur la presse de 1964 qui accordait des licences politiques à soixante journaux dont dix quotidiens. Il y avait As Safir, la voix du nationalisme arabe pro-palestinien, An Nahar, le journal d’inspiration libérale et depuis 2006 Al Akhbar, favorable au Hezbollah. Sans oublier le francophone L’Orient le Jour et l’anglophone Daily Star. Aujourd’hui, le pan-arabe As Safir a fermé, An Nahar le libéral a perdu de son aura et le Daily Star comme Al-Mustaqbal, deux titres proches de la famille Hariri, ont suspendu leur édition papier. Quant à Al Akhbar, le journal du Hezbollah, il continue de paraître.

Mais désormais, les audiences glissent vers les chaînes arabes, aux influences étrangères, et sur Internet ou les réseaux sociaux. La crise économique et de liquidités, qui sévit au Liban, précipitera sans doute la disparition de ces journaux. Ce sera peut-être aussi la fin d’un système, avec des plateformes digitales que les plus jeunes lisent. Jusqu’à présent, ces jeunes s’intéressaient moins à la politique qu’à leur génération, ou à leurs moyens de subsistance. L’espoir, c’est qu’avec de nouveaux médias sur Internet comme Now ou Public Source, les gens découvrent une information politique critique moins inféodée à l’oligarchie de dix familles qui font les médias au Liban. Ce serait le plus bel héritage de Lokman Slim.

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