«Les Fossoyeurs», l’enquête-livre qui honore le journalisme
Publié le :
Sorti cette semaine, le livre-enquête Les Fossoyeurs du journaliste Victor Castanet révèle les mécanismes de la maltraitance dans des établissements pour personnes âgées dépendantes.

C’est un livre, mais aussi une enquête qui a duré trois ans. Sitôt parues mardi dans Le Monde, les bonnes feuilles des Fossoyeurs, ce livre de 384 pages paru chez Fayard, ont provoqué une onde de choc dans les médias et sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas tant à cause d’une chute de 50% de l’action d’Orpea, le leader mondial de la dépendance, ou parce que son directeur général est convoqué ce mardi par la ministre à l’Autonomie, Brigitte Bourguignon.
Tremper la plume dans la plaie
Ce n’est pas tellement que son auteur y dévoile des choses extraordinaires ou qui nous soient totalement inconnues. C’est surtout que sont enfin exposés, détaillés, expliqués les mécanismes de la maltraitance dans les Ehpad, ces Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, qui officient sous la marque Orpea. Le journaliste indépendant Victor Castanet, formé à iTélé, nous renvoie par là même à l’essence du journalisme qui est de tremper la plume dans la plaie, selon la célèbre expression d’Albert Londres.
Et c’est vrai que cette plume est très suggestive, car elle montre comment le rationnement des protections hygiéniques, le suremplissage des établissements ou les esquarres qu’on laisse se creuser faute de lits adaptés, est le produit d’une logique capitaliste et d’un système de contrôle défaillant.
L’auteur raconte notamment comment les inspections des Agences régionales de santé sont anticipées un mois à l’avance et jusqu'où va se loger la recherche constante de profit sur le dos de l’extrême dépendance. La principale révélation du livre porte sur un système de détournement d’argent public sous forme de rétro-concessions vers le siège d’Orpea d’une partie importante des dotations consenties par l’État pour soigner les personnes dépendantes.
200 témoignages
Alors bien sûr, la direction de l’entreprise conteste jusqu’au « moindre rationnement » après avoir refusé de répondre à un questionnaire détaillé adressé par le journaliste.
En 2018, le groupe Orpea avait déjà tenté en vain de faire bloquer par la justice la diffusion d’un reportage d’Envoyé spécial, signé Julie Puchot sur France 2, qui mettait en cause ses conditions d’hébergement. Il avait refusé toute prise de vue dans tous ses établissements. En 2020, la même Julie Puchot, avec Xavier Deleu, avait été étrangement désavouée par le Comité d’éthique de France Télévisions pour un autre reportage, cette fois sur le concurrent Korian.
Là, Victor Castanet met en avant 200 témoignages, des rapports confidentiels, des courriels internes et même une lanceuse d’alerte de l’entreprise. Pour le faire taire, dit-il, un intermédiaire lui aurait proposé 15 millions d’euros. Un piège grossier destiné, sans doute, à le disqualifier.
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne