Chronique des médias

Liberté de la presse et lanceurs d'alerte: débâillonnez la vérité!

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Mercredi 27 avril a été présenté à la Commission européenne un projet de directive européenne pour lutter contre les poursuites abusives visant à faire taire les journalistes et les lanceurs d’alerte.

La journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia en était à 47 poursuites au moment de son assassinat en 2017.
La journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia en était à 47 poursuites au moment de son assassinat en 2017. AFP/File
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On les appelle les « procédures bâillons » et elles peuvent prendre toutes les formes d’intimidation. Ce peut être la multiplication d’attaques judiciaires comme on l’a vu avec la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia qui en était à 47 poursuites au moment de son assassinat en 2017.

Ce peut être une plainte pour diffamation, comme celle qui a visé Tristan Waleckx et France 2, lorsqu’ils ont été attaqués par Vincent Bolloré pour un portrait diffusé en 2016 et récompensé par le prix Albert Londres.

Ce peut être des attaques pour dénigrement devant un tribunal de commerce, comme l’avait fait ce même Vincent Bolloré à propos de ce reportage en réclamant 50 millions d’euros à France Télévisions.

Ce peut être du harcèlement judiciaire comme en a connu le journaliste camerounais Nestor Nga Etoga, qui depuis plus de cinq ans a comparu une centaine de fois devant un tribunal à Douala ou à Mfou après des poursuites de la société forestière Fipcam dont il a dénoncé la corruption, selon Reporters sans frontières.

Ce peut être même une contre-offensive pour « dénonciation calomnieuse », comme vient le faire Patrick Poivre d’Arvor, l’ancien présentateur de TF1, à l’encontre de seize femmes alors que six d’entre elles ont déposé plainte contre lui pour viol.

118 « procédures bâillons » recensées en 2021

Très souvent, et c’est notamment le cas avec Vincent Bolloré, ces attaques systématiques ne donnent guère de résultat, au moins devant la justice européenne. Elles aboutissent à une relaxe ou elles sont retirées. Mais les puissants plaignants escomptent que c’est suffisant pour intimider des journalistes ou des lanceurs d’alerte qui pourraient s’en prendre à leurs intérêts.

C’est pourquoi la commission européenne a présenté mercredi 27 avril un projet de directive pour « tuer les procédures-bâillons dans l’œuf, en neutralisant leur effet », comme l'explique la commissaire Věra Jourová. Il y a urgence, car sur 539 cas recensés entre 2010 et 2021, 118 ont eu lieu l’an dernier, année record pour ce type de procédures. La directive se concentre sur les affaires transfrontalières, car des informations touchent plusieurs pays et certains accusateurs sont tentés de faire leur marché pour trouver la juridiction qui leur est le plus favorable. Mais il y a aussi une recommandation aux États pour les affaires nationales.

L’idée est de permettre un rejet anticipé de plaintes abusives ou infondées et un refus de jugements rendus hors de l’Union européenne. Des sanctions et des mesures dissuasives sont aussi prévues pour les plaignants, ainsi qu’une indemnisation pour les victimes de ces procédures bâillons qui payent souvent cher, à la fois en frais de justice et dans la durée, leur opiniâtreté.

À écouter aussi : Le débat du jour - Journalistes et lanceurs d’alerte : faut-il davantage les protéger ?

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