La Chine vise l’autosuffisance en céréales et oléagineux d’ici à 2032
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La Chine entend parvenir à cultiver près de 90% des céréales qu’elle consomme en 2032. C’est en tout cas l’objectif affiché dans un récent rapport sur les perspectives agricoles pour la prochaine décennie. Un plan qui devrait entraîner une réduction des importations.

De notre correspondant à Pékin,
Des noms d’oiseaux, des regards pleins de colère et des gestes menaçants, ces agriculteurs de la province centrale du Hunan en Chine et les hommes en treillis qui leur font face en sont presque venus aux mains. Les images ont circulé sur les réseaux sociaux chinois avec des commentaires laissant entendre que pour stabiliser l’approvisionnent en céréales, les plants de gingembre de l’exploitation devaient être détruits pour être remplacés par du riz.
1,4 milliard de bouches à nourrir
Cette intervention des autorités agricoles a suscité de vives critiques sur les réseaux sociaux. Elle s’insère probablement dans une démarche plus large du gouvernement central qui vise à parvenir à une presque autonomie céréalière à l’horizon 2032. La sécurité alimentaire est une obsession dans un pays qui compte plus d’un 1,4 milliard de bouches à nourrir. Le plan décennal très attendu du ministère chinois de l’Agriculture et des affaires rurales est sur ce point très clair : il s’agit pour la Chine de parvenir dans les dix ans à cultiver 88,4% des céréales qu’elle consomme, en priorité le riz, le blé dont est le premier producteur, consommateur et stockeur, le maïs, mais aussi une partie des oléagineux comme l’arachide, le sésame, le colza et le soja. C’est d’ailleurs sur la légumineuse qu’il faudra le plus faire d’efforts. En 2021, la Chine a importé 96 millions de tonnes de soja, essentiellement pour nourrir ses animaux d’élevages et produire la viande destinée à répondre à l’appétit grandissant des mégalopoles chinoises. 91,1 millions de tonnes importées en 2022, dont près de 60% du Brésil et plus de 30% des États-Unis, rapporte le South China Morning Post.
Un peu comme les touristes chinois, les importations de soja étaient jusqu’à présent une variable d’ajustement de la politique bilatérale avec les pays exportateurs. Les promesses d’achat de Pékin pesant dans les négociations. Sauf que l’invasion de l’Ukraine par la Russie est passée par là ; le réchauffement climatique aussi, les sécheresses à répétition, ainsi que la guerre commerciale avec les USA. Cap donc, désormais, sur l’autosuffisance ou presque, avec un slogan martelé par les dirigeants chinois (à commencer par le chef de l’État et le premier ministre) : « Le peuple doit tenir le bol de riz dans ses propres mains ». Autrement dit, la Chine devrait réduire ses importations de céréales à 122 millions de tonnes, soit une baisse de 16% en dix ans. On parlait des producteurs américains de soja, les achats de maïs aux États-Unis ont reculé de 25% en 2022 ; les riziculteurs vietnamiens et thaïlandais devraient aussi sentir passer le vent du boulet.
Des activités locales sacrifiées ?
Pour tenir les ambitions, il faudra renforcer la productivité et surtout protéger les terres arables. Question sensible : tous les experts que nous avons contactés ont poliment décliné nos demandes d’entretien, l’un d’entre eux nous a même écrit qu’il risquait sa place s’il parlait avec un média étranger. Les autorités centrales ont fixé à 120 millions d’hectares minimum la portion du territoire réservée aux cultures. Problème : la boulimie des promoteurs et des pelleteuses a longtemps nourri les finances des autorités locales en Chine et il est parfois difficile de sortir d’une telle accoutumance. Retrouver des terres agricoles n’est donc pas toujours facile. Autre image qui a circulé récemment sur les réseaux ici, celle de la destruction d’un étang aux lotus connu des touristes près de Chengdu dans l’ouest du pays. Là encore, officiellement, pour cultiver du riz.
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