Royaume-Uni: Sue Gray, la haute-fonctionnaire qui pourrait faire tomber Boris Johnson
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Son nom était encore inconnu il y a quelques mois au Royaume-Uni il est désormais sur toutes les lèvres. Sue Gray est la haute fonctionnaire chargée de l’enquête sur le « Partygate », et ces fêtes alcoolisées organisées en plein confinement au 10 Downing Street, la résidence officielle du Premier ministre… Sue Gray, enquêtrice redoutable et redoutée, pourrait avoir entre ses mains l’avenir politique de Boris Johnson.

Une fonctionnaire « irréprochable », « intransigeante », et « inflexible » : ce sont les termes utilisés par d’anciens ministres pour la décrire. Cette réputation d’enquêtrice redoutable, Sue Gray l’a acquise dans les années 2010, alors qu’elle s’occupait des questions de déontologie au sein du gouvernement.
« Depuis les scandales des années 1990, on a érigé des contrôles, des commissions, des codes d’éthique », explique à RFI Denis MacShane, ancien député travailliste et ministre de Tony Blair. « Et donc si on veut trouver une solution à un problème, si vous avez un ministre qui provoque un scandale et dont on se demande s’il faut le virer, on donne le dossier à Mme Gray et tout le monde accepte son verdict. Si Sue Gray existait en France, je me demande si Nicolas Sarkozy, ou même le président Chirac auraient terminé calmement leur période à l’Élysée ! »
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Tenancière d’un pub
Aujourd’hui âgée de 64 ans (ou de 63 ans selon certaines sources – l’incertitude ajoute au mystère qui entoure le personnage), Sue Gray a commencé sa carrière de fonctionnaire dans les années 1970. Mais avant de gravir un à un an les échelons de la fonction publique, elle s’offre une parenthèse pour le moins étonnante et devient tenancière d’un pub, dans les années 1980, en Irlande du Nord. Elle s’y installe au plus fort du conflit qui oppose alors les républicains à la couronne britannique.
« C’est très curieux, que faisait-elle là-bas ? », s’interroge Denis MacShane. « Dans le secteur où se trouvait son pub, l’armée britannique n’osait pas pénétrer parce que c’était totalement contrôlé par le Sinn Fein et par l’IRA (Irish Republican Army). Et l’on se demande pour quelle agence elle travaillait… Et l’on dit, non seulement dans la presse, mais aussi dans les coulisses, qu’elle a encore de bons contacts avec les services de renseignements. »
Le mensonge au cœur du scandale
De retour à Londres elle occupe toutes sortes de postes, à hautes responsabilités, au sein de l’administration. En 2021, elle est nommée numéro 2 du Cabinet Service, le ministère en charge de coordonner l’action du gouvernement. En décembre, elle est chargée de mener l’enquête interne sur le « Partygate », et ces festivités arrosées organisées à la résidence officielle du Premier ministre alors que le pays est soumis à de strictes règles de confinement.
Son enquête est menée avec un soin méticuleux : Sue Gray épluche les mails et les textos, regarde les images de vidéosurveillance, et interroge les fonctionnaires, les ministres, les conseillers et les policiers en charge de la sécurité. Au cœur de ses recherches, il y a une question qui pourrait être fatale à Boris Johnson : devant le Parlement britannique, le Premier ministre a assuré qu’il n’était pas informé du caractère festif de ces réunions.
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Si, à l’issue de son enquête, Sue Gray montre qu’il a menti, ce pourrait être la fin de la route pour le chef du gouvernement. « La question du mensonge au Parlement est quelque chose qui pose un problème grave pour la classe politique, rappelle Agnès Alexandre-Collier, professeur à l’Université de Bourgogne et spécialiste de la politique britannique. Car le mensonge est contraire au “Rule of Law” qui est dans la Constitution britannique une façon de se comporter et d’adhérer à un certain nombre de principes. »
Coup de pouce inespéré
Boris Johnson peut-il malgré tout échapper au pire, à savoir une motion de défiance au sein de son propre parti, ce qui le pousserait à la démission à l’image de Margaret Thatcher en 1990 ? « Jusqu’à présent il s’en est sorti avec des pirouettes et aussi une sorte de jovialité qui divertit les Britanniques », analyse Agnès Alexandre-Collier. « Cela lui a porté chance notamment au moment des élections de 2019. Mais, face au sérieux de la situation et de la crise que traversent les Britanniques et face à la répétition des mensonges à la Chambre des Communes, il semble qu’on arrive quand même un peu à un point de non-retour pour Boris Johnson. »
Le Premier ministre britannique pourrait néanmoins profiter d’un coup de pouce inattendu venu de la police britannique. Celle-ci a en effet ouvert sa propre enquête et demandé à Sue Gray de ne pas dévoiler l’intégralité de son rapport… pour ne pas entraver ses recherches. Ce répit inespéré pour Boris Johnson suscite déjà l’indignation de l’opposition qui réclame à cor et à cris la publication intégrale de l’enquête menée par Sue Gray.
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