Vladimir Kara-Mourza, premier opposant condamné en Russie pour haute trahison
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Ce lundi 17 avril, Vladimir Kara-Mourza va connaître la peine que va lui infliger la justice russe après ce que l’on peut qualifier de parodie de procès. Le parquet russe réclame vingt-cinq ans de prison pour cet opposant notoire, poursuivi pour haute trahison, diffusion de fausses informations sur l’armée russe et également pour travail illégal pour une organisation qualifiée d’indésirable. Vladimir Kara-Mourza, qui a déjà été empoisonné à deux reprises en 2015 et 2017, des tentatives d’assassinats qui sont attribuées au pouvoir russe, fait face à une justice russe qui démontre depuis des mois, même des années, que l’État de droit n’existe plus en Russie.

Depuis le début de l’offensive russe en Ukraine, peu sont ceux qui osent encore braver les interdits et crier haut et fort leur rejet d’une guerre injustifiée. Vladimir Kara-Mourza en fait partie. Ce jeune opposant de quarante et un ans, père de trois enfants, est resté en Russie après le déclenchement de l’offensive, malgré les risques que cela impliquaient, et ce, alors que sa femme et ses enfants vivent aux États-Unis.
Marie Mendras, politologue au CNRS et professeur à Sciences Po Paris, explique pourquoi cet ancien journaliste, a souhaité continuer à mener son combat dans son pays malgré les menaces : « Comme il le raconte lui-même, il a été fasciné par le travail politique que menait Boris Nemtsov. Boris Nemtsov était vice-Premier ministre de Boris Eltsine dans les années 1990 et dès l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 1999, Nemtsov a été l’un des rares à comprendre que l’ère qui s’ouvrait serait une ère dangereuse pour la démocratie et les libertés. Et en février 2015, quand Boris Nemtsov a été assassiné sur le pont qui mène au Kremlin, Kara-Mourza a décidé de consacrer toute sa vie, son énergie, toutes ses capacités à combattre ceux qui avaient fait tuer Nemtsov et un régime qu’il considérait déjà à l’époque comme une dictature et un régime criminel. »
Le premier opposant condamné pour haute trahison
Vladimir Kara-Mourza, qui a joué un rôle clef dans l’adoption en 2012 aux États-Unis de la loi Magnitski, une loi qui sanctionnait les fonctionnaires russes responsables de la mort en prison en 2009 de l’avocat Sergueï Magnitski et qui depuis a été élargie aux oligarques et responsables russes coupables de violation de droits de l’homme, est considéré comme un ennemi par le régime de Vladimir Poutine. Et après avoir critiqué les autorités russes et l’armée suite au déclenchement de l’invasion en Ukraine, le Kremlin a semble-t-il décidé de s’acharner contre lui, comme le détaille Gilles Favarel-Garrigues, directeur de recherche au CNRS (et auteur du livre « La verticale de la peur : ordres et allégeances en Russie sous Poutine) : « Vladimir Kara-Mourza est un bouc émissaire fabriqué par le pouvoir pour accréditer l’idée selon laquelle il y a une alliance entre des ennemis extérieurs et intérieurs qui veulent déstabiliser le régime. Ce n’est pas le premier à en faire les frais. Quelqu’un comme Ilia Iachin, un autre opposant du même âge, a déjà été condamné il y a quelques mois. Mais c’est en tout cas avec une sévérité inédite que Vladimir Kara-Mourza va être condamné demain. »
Celui que l’on surnomme parfois « l’opposant numéro 2 », après Alexeï Navalny, pourrait bien être ce lundi le premier opposant à être condamné pour haute trahison. Le parquet russe réclame vingt-cinq ans de prison. Et malgré ce que cette peine implique, Vladimir Kara-Mourza n’en démord pas et se dit fier de son engagement, ce qui n’étonne pas Gilles Favarel-Garrigues : « C’est quelqu’un qui a toujours fait face aux épreuves qu’il a subies. C’est quelqu’un qui a subi des tentatives d’empoisonnement, dont la santé s’est dégradée. C’est quelqu’un qui a fait l’objet de nombreuses persécutions et de nombreuses poursuites judiciaires en Russie, donc je pense qu’on est là face à des opposants qui n’ont plus rien à perdre. Il fait penser à ce niveau-là à Alexeï Navalny. Il subit la dictature de la loi comme on dit en Russie, à plein régime. C’est un choix qui vise sans doute à forger aussi une image de détermination par rapport au pouvoir russe. Mais on ne peut que s’inquiéter pour ces opposants et pour le fait qu’ils puissent terminer leur vie en prison. »
Un homme qui fait peur au Kremlin
La santé de Vladimir Kara-Mourza inquiète. Et dans un pays avec un régime que beaucoup qualifie de totalitaire, celui à qui le Conseil de l’Europe a décerné en 2022 le prix Vaclav-Havel des droits de l’homme pourrait bien subir des conditions de détention inhumaine. Car comme l’explique Marie Mendras, les autorités le craignent : « Pourquoi est-ce que Vladimir Poutine et ses services de renseignements ont décidé de se rassurer en se disant qu'ils peuvent écraser Vladimir Kara-Mourza et le laisser mourir dans un camp à régime sévère ? Eh bien, c'est parce que cet homme leur fait peur. »
Vladimir Kara-Mourza devrait connaître la peine de prison qui l’attend ce lundi 17 avril, et malgré les conséquences, il continuera de croire en avenir meilleur pour son pays, un avenir sans Vladimir Poutine.
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