Alberto Núñez Feijóo, le modéré obligé, de négocier avec l’extrême droite
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Alberto Núñez Feijóo a pris les commandes du parti populaire espagnol, le PP, formation conservatrice en avril 2022. Un parti qui était alors en proie à une crise interne après des scandales à répétition. Un an après, le PP s’est largement imposé fin mai lors des élections régionales et municipales et aujourd’hui il est en tête des sondages pour les élections législatives prévues le 23 juillet prochain. Discrètement, cette figure politique de la droite espagnole a su imprimer sa marque.
Alberto Núñez Feijóo est né en 1961 en Galice, la province où il a forgé sa carrière politique au niveau régional jusqu’à l’année dernière et son élection à la présidence du Parti Populaire espagnole. Président de la Junte de Galice durant plus de 13 ans, ce haut fonctionnaire, qui a suivi des études de droit à Saint-Jacques-de-Compostelle, était le dauphin au niveau local de manuel Fraga, fondateur du PP et ancien ministre de Franco. Et c’est à ce poste qu’il a su imprimer sa marque, détaille Mathieu Petithomme, maître de conférence en Sciences politiques et spécialiste de l’Espagne : « C'est quelqu'un qui est libéral économiquement et qui est conservateur sur les questions de mœurs. Son programme en Galice, c'était cela, c'est-à-dire au niveau de l'éducation, c'est une des régions où il y a eu pas mal de faveurs données à l'école privée plutôt qu'à l'école publique. Au niveau de la santé publique, c'est pareil. Dans ces 15 années de mandat local, il a développé beaucoup les cliniques privées au détriment de la santé publique. Une politique aussi de baisse des impôts en faveur des entreprises locales. Une politique un peu de droite, conservatrice, classique. »
Le temps des alliances
Si c’est cette étiquette de modéré qui lui a permis d’être élu président du Parti populaire en avril 2022, depuis les choses ont changé. Car la présence de plus en plus ancrée de la formation d’extrême droite Vox oblige Alberto Núñez Feijóo à faire évoluer son discours. Maria Elisa Alonso, enseignante et chercheuse à l’Université de Lorraine : « Les circonstances évoluent, parce que la vie politique en Espagne est divisée en deux blocs, la gauche et la droite. La société espagnole est très polarisée. Et comme les différences entre ces deux blocs sont limités, les deux grands partis vont avoir besoin quoi qu'il arrive de passer des accords. Et le seul accord possible qui peut faire Alberto Núñez Feijóo, c'est avec Vox. Donc, de ce fait, il est en train de perdre ce virage vers le centre pour aller vers des positions plus conservatrices. »
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L’exemple italien
Ce virage entrepris par ce parti conservateur en Espagne aurait pu faire peur il y a encore peu, mais le contexte actuel, comme le souligne Mathieu Petithomme rend un tel scénario acceptable : « C'est un cycle que l'on observe un peu partout en Europe et ailleurs dans le monde. Le fait qu’en Italie, on ait cette association entre l'extrême droite et la droite conservatrice, ça a quand même ouvert une boîte de Pandore au sens où ce n’est plus un tabou qu'on ait des droites plus conservatrices associées à l'extrême droite qui gouvernent parce que l'Italie est quand même le troisième pays européen. On a vu le cas du gouvernement finlandais récemment. Donc voilà, la question c'est : est-ce que l'Espagne sera le prochain pays où on pourra avoir un tel scénario ? Et c'est quand même assez probable. Même si bien évidemment, la gauche peut aussi parfaitement rester au pouvoir. »
Un virage pas si choquant
En tête des sondages, le parti populaire ne devrait pas obtenir la majorité absolue le 23 juillet prochain. Alberto Núñez Feijóo pourrait donc bien être celui qui ouvrira les portes du pouvoir à l’extrême droite, 46 ans après la fin du Franquisme. Une éventualité qui ne risque pas de faire fuir les électeurs conservateurs les moins radicaux selon Maria Elisa Alonso : « Selon les dernières enquêtes, les électeurs du PP sont très fidèles et en fait, ils ont assumé parfaitement la question de faire coalition avec Vox. Ils préfèrent une coalition avec Vox par exemple, plutôt qu'avec des partis indépendantistes, même s'ils sont des partis conservateurs. En plus, j'ai vu une enquête faite par une université selon laquelle l’électorat du PP situe idéologiquement leur propre parti autour de neuf, sachant que dix, c'était l'extrême droite, donc ils ne seront pas punis par leur électorat qui a déjà assumé, je pense. »
Si Alberto Núñez Feijóo croit encore en la possibilité d’obtenir une majorité absolue le 23 juillet prochain, il se prépare tout de même à discuter avec Vox, à l’image de ce qui se passe en ce moment au niveau local, où les accords entre la droite traditionnelle et l’extrême droite se multiplient.
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