Européen de la semaine

Jaroslaw Kaczynski, le marionnettiste des conservateurs polonais

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Dans une semaine, le dimanche 15 octobre, les électeurs polonais sont appelés à voter dans le cadre des élections législatives. Un scrutin qui pourrait permettre au PiS, le parti Droit et Justice, qui dirige le pays depuis 2015, de conserver le pouvoir. Créditée de plus de 35 % d’intentions de vote, soit moins que lors des précédentes législatives, cette formation emmenée par Jaroslaw Kaczynski pourrait s’allier à l’extrême droite pour former un gouvernement s’il n’obtient pas la majorité à lui seul. Après une campagne électorale marquée par un tournant encore plus à droite du PiS qui n’a de cesse de polariser une société polonaise déjà divisée, Jaroslaw Kaczynski pourrait bien devenir le prochain Premier ministre, à moins qu’il préfère rester dans l’ombre.

Jaroslaw Kaczynski, chef de file du parti Droit et Justice, s'adresse à ses soutiens, le 27 septembre 2023 à Pruszkow, au cours d'un rassemblement dans le cadres des prochaines élections législatives en Pologne.
Jaroslaw Kaczynski, chef de file du parti Droit et Justice, s'adresse à ses soutiens, le 27 septembre 2023 à Pruszkow, au cours d'un rassemblement dans le cadres des prochaines élections législatives en Pologne. AP - Czarek Sokolowski
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Il est difficile de parler de Jaroslaw Kaczynski sans évoquer son frère jumeau Lech Kaczynski, avec qui il a construit sa carrière politique et surtout sans évoquer le décès de ce dernier, le 10 avril 2010. Une disparition qui a donné une nouvelle orientation à cette figure politique qui avait un temps travaillé avec Lech Walesa estime Frédéric Zalewski, maître de conférences en science politique à l’Université Paris-Nanterre et chercheur à l’ISP (Institut des sciences sociales du politique).

« Dans les années 1990, il avait un petit peu disparu de la scène politique. Il a bénéficié en fait à partir des années 2000 du lancement du parti Droit et justice, mais qui était principalement l’œuvre de son frère Lech Kaczynski, ce qui a remis Jaroslaw Kaczynski au centre du jeu, mais plutôt au centre des négociations politiques pour former des gouvernements pour former des coalitions. Et il a acquis un rôle de premier plan uniquement à partir des années 2010, après la disparition de son frère lors de la catastrophe de Smolensk, c'est-à-dire lors du crash de l’avion présidentiel à Smolensk en Russie en 2010. »

Les archives de RFILe président polonais Lech Kaczynski tué dans l'accident de son avion

L’homme qui tire les ficelles

Après cette mort tragique, Jaroslaw Kaczynski, qui n’a jamais occupé le devant de la scène, va se révéler dans un nouveau rôle, celui de chef d’orchestre, un homme de l’ombre, comme le détaille Jean-Yves Potel, universitaire, écrivain et grand spécialiste de la Pologne.

« Son grand talent, c’est de diriger la Pologne à partir du siège arrière. Sur le siège avant, il y avait son frère d’abord et ensuite il a mis Andrzej Duda (l’actuel président du pays) et Mateusz Morawiecki (le Premier ministre en place) par exemple. C’est-à-dire que c’est un homme qui n’est pas un homme de discours qui séduit les foules, c’est au contraire un homme qui est assez discret, mais qui sait véritablement diriger comme cela en mettant ses hommes ici ou là, en construisant ses réseaux, en faisant tout ce qui est possible pour contrôler l’ensemble de la machine étatique. C’est ce qui fait sa force. »

Un discours de plus en plus en conservateur et eurosceptique

Et c’est dans ce rôle de marionnettiste que Jaroslaw Kaczynski se révèle être un maître qui n’hésite pas à faire évoluer le discours de sa formation politique pour conserver la main sur le pouvoir. Un discours de plus en plus conservateur, estime Frédéric Zalewski.

« Parce que la gauche post-communiste a disparu de l’espace politique dans les années 2000, ce positionnement permet de se différencier des libéraux groupés autour de Donald Tusk dans la Plateforme civique, aujourd’hui la Coalition civique. Donc, il y a un enjeu de positionnement et de différenciation politique. Et puis il y a eu aussi une très forte polarisation de la société polonaise à la suite de la catastrophe de Smolensk, avec des oppositions politiques qui se sont progressivement alignées sur des oppositions culturelles. Donc, je dirais que ce positionnement de plus en plus droitier, c’est aussi une stratégie pour faire en sorte que le camp au pouvoir soit servi par un certain nombre de guerres culturelles qui sont entretenues un petit peu sciemment, un petit peu tout le temps, et évidemment surtout dans les phases de campagne électorale. »

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La dernière campagne électorale avant de se retirer ?

Pour cet homme de l’ombre, ces élections législatives pourraient bien être les dernières. À 74 ans, et même s’il est célibataire et sans enfants, Jaroslaw Kaczynski pourrait quitter la scène politique en cas de déconvenue. Une éventualité que n’envisage pas Jean-Yves Potel.

« Je pense que, quelle que soit la situation, y compris si Donald Tusk gagne avec une majorité absolue, ce qui n’est pas possible, mais il est possible que l’alliance libérale, c’est-à-dire entre Donald Tusk, la gauche et le parti centriste fasse une majorité. Mais même dans ce cas-là, de toute façon, il y aura une guérilla entre le PiS et le gouvernement. Et cette guérilla, je pense que Jaroslaw Kaczynski l’orchestrera et qu’il n’a pas du tout l’intention de partir. Bon, il ne se représentera pas aux élections, mais il est certain qu’il va tout faire pour faire craquer la coalition. »

Il faudra donc compter sur Jaroslaw Kaczynski, quelle que soit l’issue du scrutin du dimanche 15 octobre. Car il n’y a pas de limite d’âge pour continuer à travailler dans l’ombre et faire en sorte que son parti reste la principale force politique en Pologne.

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