Fréquence Asie

Sri Lanka: la solidarité comme rempart contre la famine

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Une grave crise économique secoue depuis plusieurs mois le Sri Lanka. Le gouvernement sri-lankais vient d’accorder à ses fonctionnaires, soit 1,5 million de personnes, un jour de congé par semaine, sans réduction de salaire pour cultiver leur propre potager. Une solution qui vise à réduire la consommation de carburant et à combler en partie les pénuries alimentaires. Mais des millions d'autres Sri-Lankais ne pourront compter que sur eux-mêmes. Alors que le pays est menacé de famine, une chaîne de solidarité commence à se mettre en place.

Sur le marché de Colombo, au Sri Lanka, le 10 juin 2022.
Sur le marché de Colombo, au Sri Lanka, le 10 juin 2022. © AP/Eranga Jayawardena
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Face à un pouvoir défaillant et corrompu qui a plongé le pays dans une crise sans précédent, les Sri-Lankais s’organisent. De nombreux jeunes issus de la classe moyenne ou aisée mettent leurs réseaux au profit des familles les plus pauvres.

« Comme beaucoup de Sri-Lankais, je suis très attachée à mon pays, je l’aime. Et en ces temps de crise, nous essayons de nous entraider comme on peut », dit Chanchala Gunewardena. « Alors que nos politiques s’occupent davantage de leurs propres intérêts et ne font rien pour aider la population, il y a un côté positif dans tout ça : les Sri-Lankais sont enfin unis et s’aident les uns les autres ».

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Chanchala a créé il y a 4 ans une petite entreprise d’agroalimentaire tournée vers l’export. Avec la crise, elle s’est reconvertie dans le caritatif.

Nous avons réussi à collecter jusqu’à présent plus de 20 000 dollars, notamment auprès de la diaspora. Cet argent a permis de distribuer des colis alimentaires aux trop nombreuses familles qui sont aujourd’hui touchées par cette crise. La semaine dernière nous avons partagé 1 000 colis dans l’agglomération de Colombo principalement à des travailleurs journaliers, à des enfants de familles pauvres et à des mères célibataires. Chaque colis contient du riz, des lentilles, de la farine, du sucre, des compléments alimentaires, de l’huile, de la noix de coco ou encore du lait en poudre. La situation économique s’est terriblement dégradée. Cette crise a fortement fragilisé la vie des gens qui tentaient tant bien que mal de s’en sortir. Personne ne souhaite se retrouver dans cette situation, ça blesse la dignité. Et pour moi il ne s’agit pas de faire la charité. Nous faisons juste ce qui est de notre devoir.

Derrière l’entraide, un combat politique

Mohamed tient un café dans le centre de la capitale. Il s’est, lui aussi, investi dans la collecte de fonds et la distribution de l'aide, en premier lieu, aux travailleurs parmi les plus pauvres de Colombo, les chauffeurs de tuk-tuk. « Ils essayent de se procurer un peu d’essence pour travailler une journée entière et nourrir leur famille, c’est si difficile et bien souvent le véhicule ne leur appartient pas, ils doivent payer leur location. Le tuk-tuk est donc leur seul moyen de subsistance », explique Mohamed. Puis il ajoute : « On les voit patienter pendant des heures devant les stations-service. Grâce à notre association et aux dons des particuliers, nous avons déjà pu distribuer plus de 500 colis à des chauffeurs de tuk-tuk. On s’est dit, pauvres gens, ils doivent attendre 12h et parfois jusqu’à 24h. Nous voulons juste aider les gens, nous ne voulons pas les voir souffrir. »

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Mais la distribution de biens de première nécessité est également un acte politique. Mohamed veut aider ceux qui luttent pour un changement de pouvoir. « Il y a ceux qui manifestent et ceux qui organisent le mouvement de protestation. Nous voulons leur venir en aide, car personne d’autre ne s’en préoccupe », justifie Mohamed. « Nos amis à l’étranger participent aux dons, nous envoient de l’argent et on achète du riz, des biscuits. De cette manière, les contestataires peuvent rester forts et continuer à manifester. Nous sommes allés sur le site des protestations, sans dire qui nous étions ni d’où venait l’argent. Nous leur avons simplement dit : ceci est pour vous, vous luttez pour la bonne cause », poursuit-il.

Un combat pour la bonne cause, Mohamed n’est pas le seul à le penser. La plupart des manifestants qui se rassemblent chaque jour sur la place Galle Face devant la résidence du président honni Gotabaya Rajapaksa viennent pour demander sa destitution et le départ de toute une classe politique jugée corrompue. Mais beaucoup viennent ici aussi pour prendre leur seul repas de la journée, cuisiné par des bénévoles et grâce aux nombreux dons de particuliers et d’organismes de charité.

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