Fréquence Asie

Leila, employée de maison à Hong Kong: «Si notre patron s’en va, nous aussi on doit partir»

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Presque trois ans après le début de la pandémie du Covid, le retour à la normale est un soulagement pour les 400 000 employées de maison au service des familles hongkongaises, venues pour la plupart des Philippines. Mais sous la mainmise croissante de Pékin, des dizaines de milliers de Hongkongais et d’expatriés quittent la ville, et beaucoup d’entreprises envisagent leur délocalisation. Ces employées de maison, que l'on appelle les « helpers » se demandent quel sera leur avenir.

Des employées de maison profitent de leur jour de repos à Hong Kong. Elles sont près de 400 000 au service des familles hongkongaises.
Des employées de maison profitent de leur jour de repos à Hong Kong. Elles sont près de 400 000 au service des familles hongkongaises. © AFP/Jayne Russell
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De notre envoyée spéciale à Hong Kong,

L’heure est à la fête, un dimanche après-midi. Entre les vitrines bling-bling de Gucci, Dior et Versace, Rosemary et sa bande de copines se déhanchent devant une vidéo diffusée par leur smartphone vissé sur un trépied.

Pour elles, venir ici un dimanche a son importance. « C’est pour nous détendre, on a un seul jour de repos par semaine. On se fait une cure détox », dit Rosemary, en riant. « Pendant le Covid, beaucoup parmi nous avaient interdiction totale de sortir ! Moi, je travaille de 7h du matin à 9 du soir, sans pause. Je m’occupe des enfants, je cuisine, je nettoie. Je fais un peu partie de la famille, mais d’autres aides à domicile souffrent. Leurs patrons ne sont pas gentils », souligne-t-elle. 

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Débardeur moulant, pantalon fleuri et baskets, Rosemary, 41 ans, prend du bon temps pour oublier les trois années passées. « D’habitude, je partais tous les deux ans chez moi aux Philippines. Mais avec le Covid, c’était impossible. Vous pouviez partir, mais pas revenir. À coup sûr, vous perdiez votre emploi », explique Rosemary.  

Au lieu de payer l’hébergement pendant les 21 jours de quarantaine, certaines familles ont préféré mettre leurs helpers à la rue. 

La crainte de perdre son emploi

Courbée en deux, Leila enroule du scotch autour d’un gros colis. En semaine, elle s’occupe 12 heures par jour d’un vieux monsieur pour un salaire de 700 euros par mois. Le dimanche est réservé à sa famille. « J’envoie du café, du chocolat, des fruits… Ça va aux Philippines, à ma famille ! Ça fait cinq ans maintenant que je n’ai pas pris de vacances. Impossible de rentrer chez moi à cause du Covid », indique Leila.  

La plupart des restrictions sanitaires sont aujourd’hui levées, mais Leila a entendu que plus de 140 000 Hongkongais ont déjà quitté la ville. Les uns pour échapper à la mainmise de Pékin, les autres pour suivre leurs entreprises, délocalisées vers Singapour ou ailleurs.

« Ça arrive tout le temps ! Si notre patron s’en va, nous aussi, on doit partir. À moins que l’on trouve un autre emploi », note l'employée de maison. 

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Le souhait d'un retour à la normale à Hong Kong

Une crainte partagée par Anna, assise seule sur le bord d’une fontaine publique, à côté d’un bar karaoké improvisé. « Mes amies sont déjà reparties chez elles aux Philippines pour toujours », raconte Anna. « La plupart des patrons sont des Occidentaux et ils sont en train de quitter Hong Kong. Celui d’une amie est reparti en Israël, il lui a dit que Hong Kong n’était plus un bon endroit pour vivre. D’autres sont retournés au Canada ou encore à Londres. »  

Employée de maison depuis une dizaine d’années, Anna revient tout juste d’un séjour chez elle. C’est la première fois qu’elle a pu revoir son fils. « J’étais tombée enceinte ici et partie aux Philippines pour accoucher. Mon fils avait deux mois, lorsque je suis repartie », se souvient-elle. Puis, elle ajoute : « Là, ça faisait trois ans que je ne l’avais pas vu. Il parle déjà beaucoup ! Il ne m’a pas tout de suite reconnu, mais maintenant, quand je l’appelle, il dit ‘oh, maman’. Au moins, il sait que je suis sa mère. »

Impossible de vivre aux Philippines avec sa famille. La mère et les huit frères et sœurs d’Anna dépendent de son salaire hongkongais. Son espoir : « Maintenant qu’il n’y a plus la quarantaine, peut-être au moins les touristes reviendront, n’est-ce pas ? J’espère que tout reviendra enfin à la normale à Hong Kong. »

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