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Arancha González Laya : « L’accord commercial avec les USA normalise la loi du plus fort »

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Cette semaine, nous recevons Arancha González Laya, ancienne ministre des Affaires étrangères espagnole, ainsi que doyenne de la Paris School of International Affairs à Sciences Po. Face à l'imprévisibilité de Donald Trump, une résolution des conflits qui piétine en Ukraine et à Gaza et une croissance économique très lente, la rentrée est morose pour les Européens. 

Arancha Gonzalez Laya, doyenne de PSIA Sciences Po et ancienne ministre espagnole des Affaires étrangères.
Arancha Gonzalez Laya, doyenne de PSIA Sciences Po et ancienne ministre espagnole des Affaires étrangères. © RFI / France 24
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Le 27 juillet à Turnberry, en Écosse, les États-Unis et l'Union européenne (UE) sont parvenus à un accord sur les droits de douane, après des discussions très difficiles entre Ursula von der Leyen et Donald Trump. Un taux plafond de 15 % a été décidé pour la majorité des exportations européennes vers les États-Unis. Ces derniers n’auront pas à s’acquitter de droits de douane pour leurs exportations vers l’UE. 

« Ce n'est pas un bon deal du point de vue économique puisque les termes de cet accord sont déséquilibrés », commente Arancha González Laya. « C'est surtout un mauvais deal d'un point de vue géopolitique, car nous normalisons des relations internationales basées sur la loi du plus fort plutôt que sur la loi des règles, des systèmes, des traités et des accords. Nous contribuons aussi à l'affaiblissement d'un ordre international. »

« Nous avons besoin des États-Unis et ils le savent très bien »

L’économiste estime que cet accord a été concédé aux États-Unis dans le but de garder leur soutien en Ukraine : « La volonté européenne est de placer la défense de l'Ukraine avant la défense des intérêts commerciaux de l'UE. Les Européens ne sont aujourd'hui pas capables de contribuer, seuls, à la défense de l'Ukraine contre la Russie. Nous avons besoin des États-Unis et ils le savent très bien. L’accord commercial est le prix à payer pour les garder de notre côté. » Elle s’interroge sur le fait de savoir si cela sera suffisant pour s’assurer de ce soutien : « Ce n'est pas non plus garanti. »

Selon Arancha González Laya, qui a occupé des postes à responsabilités au sein de l'Organisation mondiale du commerce, le coût de ces droits de douane affecte plus les Américains que les Européens : « Cela va augmenter l'inflation aux États-Unis. Je ne crois pas que ce soit un bon deal pour eux. Nous commençons déjà à observer une légère montée des prix aux États-Unis. » Elle admet cependant que ces tarifs douaniers ne sont pas non plus favorables à l’UE, car cela « représente un coût supplémentaire pour accéder au marché américain ».

« Il faut se montrer unis, renforcer la défense ukrainienne »

Cette semaine, la France a de nouveau convié la coalition des volontaires à Paris afin de discuter de son soutien à l’Ukraine. Alors qu’un accord de paix semble encore lointain, la juriste espagnole reconnaît « une fatigue » du côté des Ukrainiens, mais également de l’UE. « Poutine a menti à Trump quand il lui a dit qu’il allait négocier la paix avec Zelensky. Il ne l'a pas fait et je ne crois pas qu'il ait l'intention de le faire », estime Arancha González Laya. Selon elle, l’UE doit « renforcer la position de l'Ukraine dans cette guerre contre la Russie » : « Il faut se montrer unis, renforcer la défense ukrainienne, mais aussi montrer aux États-Unis que nous ne sommes pas des profiteurs, que nous sommes des acteurs, que nous sommes également prêts à mettre ce qu'il faut sur la table. » Pour ce faire, en 2024 et pour la première fois, une majorité des pays européens a consacré au moins 2 % de son PIB à la défense, conformément à l'objectif fixé par l'Otan. « Il y a des gros efforts européens », poursuit l’ancienne ministre des Affaires étrangères du gouvernement socialiste de Pedro Sánchez, qui est à la traîne dans les dépenses de défense.

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« L'Europe ne peut pas tolérer des violations des droits humains »

En ce qui concerne la guerre à Gaza, « les Européens se rendent compte de la situation insupportable dans laquelle nous nous trouvons », s’émeut Arancha González Laya. « Si nous sommes sérieux en Europe et si nous sommes responsables vis-à-vis des engagements que nous avons pris avec nos citoyens concernant la protection des droits et des valeurs, nous ne pouvons pas rester sans agir », considère-t-elle. « L’Espagne, avec l’Irlande et la Slovénie, ont reconnu la Palestine il y a un an et demi. Maintenant, c'est la France qui se joint à cet effort et en entraîne d’autres. Je crois que c'est important de montrer que l'Europe ne peut pas tolérer des violations des droits humains. »

« C'est un bon accord pour l'UE »

Après 25 années de négociations, la Commission européenne a validé cette semaine un accord de libre-échange entre l'UE et les pays du Mercosur, éliminant ainsi la quasi-totalité des droits de douane industriels entre les deux blocs. Selon Bruxelles, l'accord permettrait aux exportateurs européens d'économiser plus de quatre milliards d'euros de droits de douane par an. Pour Arancha González Laya, cet accord est « indispensable ». « D’un point de vue économique, cela nous permet de nous ouvrir à d'autres opportunités pour nos exportateurs.[...] Cela pourra en partie compenser les difficultés que nous aurons à accéder au marché américain. [...] Il y a également un intérêt géopolitique qui est de construire des partenariats avec d'autres pays, dans d'autres régions du monde, qui ne souhaitent pas un monde divisé entre les Chinois, les Russes et les Américains. »

Certains pays européens ainsi que des agriculteurs à travers l’Europe s'opposent à ce projet. Pour les rassurer, Bruxelles a promis de compléter l’accord par un acte juridique visant à renforcer les mesures de sauvegarde sur les produits européens sensibles. « Si jamais il y avait un déséquilibre fondamental dans les marchés européens suite à des importations massives, l'UE pourra y répondre. [...] C'est un bon accord pour l'Union européenne », estime Arancha González Laya.

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