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Josep Borrell: «l’Europe a montré sa faiblesse face à Trump, ce qui a un coût»

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Dans une semaine marquée par l’Assemblée générale de l’ONU à New York, Josep Borrell, l’ancien Haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, s’exprime sur les dossiers géopolitiques brûlants, dont certains divisent toujours les Européens.  

Josep Borrell, ancien chef de la Diplomatie européenne.
Josep Borrell, ancien chef de la Diplomatie européenne. © France 24
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« Cette année, le discours du président Trump, ça a été vraiment ahurissant. Trump cassant toute la vaisselle, c’est historique… J'ai raté quelque chose, vraiment ». Ironique, Josep Borrell qui participait encore l’an dernier à l’Assemblée générale de l’ONU, ne cache pas sa stupéfaction. Mais l’ancien chef de la Diplomatie européenne jusqu’en 2024, ancien ministre des Affaires étrangères de Pedro Sanchez et aujourd’hui président du Think Tank CIDOB est aussi un fervent défenseur de la cause palestinienne. Pour lui, la décision française de reconnaître le futur État palestinien est positive, mais bien trop tardive. « La France, il y a 30 ans qu'elle hésite ». Pourtant, cette question divise toujours les Européens, s'indigne Josep Borrell alors que « le Canada, la France, le Royaume-Uni, l'Australie, le Portugal, l'Espagne – il y a quelques mois déjà – ont rejoint le mouvement, l’opposition de certains pays comme l'Allemagne, l'Italie ou la Hongrie fragmentent l’UE ! ».   

Pour Josep Borrell, les récentes sanctions commerciales de la Commission européenne ne vont pas assez loin pour faire reculer Benyamin Netanyahu : « le coût pour Israël de cette annulation partielle de l'accord commercial, c'est 227 millions d'euros, ce n’est vraiment pas à la hauteur. Mais au moins, cela a cassé le tabou selon lequel on ne pouvait rien faire contre Israël.» 

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Une Europe prise en étau entre Trump et Poutine

L’ancien Haut représentant qui était aussi chargé de la sécurité, fustige aussi les décisions de Donald Trump à l’égard des Européens : augmentation des budgets de défense à hauteur de 5%, droits de douane unilatéraux de15% avec engagement d'achats d'armes aux Américains. « Il y a des vassaux heureux et il y a des gens qui sont très contents d'avoir quelqu'un qui les protège moyennant un paiement », analyse Josep Borrell. « L’ accord commercial ce n’est pas bon pour l'Europe et les 5% de dépenses militaires, c'est un acte de servitude vis-à-vis de Trump, l'Europe a montré sa faiblesse et la faiblesse a un coût. »

À propos de l’intrusion de drones repérés au-dessus de quatre aéroports du Danemark et des incidents qui se multiplient dans le ciel des pays de l'Union européenne, Josep Borrell commente : « Si ce sont les Russes – et c'est difficile d'imaginer que cela puisse être quelqu'un d'autre – ils sont en train de tester notre volonté d'agir et notre unité. Quelques jours avant l'invasion russe de l'Ukraine, je présentais la boussole stratégique pour la défense européenne, j’avais dit l'Europe est en danger, nous sommes en danger. Nous n'avons pas les capacités militaires pour faire face à une attaque. À l’époque, personne ne m’a écouté... nous étions dans la paix heureuse sous le parapluie militaire américain. Et maintenant, c'est évident que la Russie bénéficie de la bienveillance que Trump a démontré vis-à-vis de Poutine »

L’ancien Haut représentant commente le 19e paquet de sanctions : « La Commission européenne n'a pas la capacité de proposer des sanctions, mais seulement le Haut Représentant et les États-membres. C'est l'Union européenne à la fin qui doit l'approuver, et je ne sais pas si cette fois-ci ça va passer. Et ça devrait passer, parce que c'est vrai qu'on continue à financer la Russie en lui achetant des hydrocarbures et du gaz. Et c'est vrai aussi qu'on continue à financer la Russie d'une façon indirecte, en achetant des produits pétroliers qui sont distillés en Inde avec du pétrole russe. Si on ne peut pas importer du pétrole russe, on ne devrait pas non plus importer d'un tiers pays ce qu'on obtient à partir du pétrole russe.» Quant à la question de s’approprier des avoirs russes gelés, Josep Borrell affirme : «J’y serais tout à fait favorable. Mais pour cela, il faut d'abord qu'on ait une base légale solide qu'on n'a pas encore trouvée. » 

Enfin, Josep Borrell met en garde concernant les prochaines élections en Moldavie du 28 septembre, menacées par l’ingérence et l’influence russe. « Les gens, peut-être, ne savent même pas quelle est l'importance stratégique de ce petit pays qui est déjà à moitié occupé par les troupes russes. C'est un pays qui n'est pas membre de l'OTAN, qui est aux portes de l'Europe et qui, malheureusement, serait le prochain candidat à subir des attaques russes si l'Ukraine devait perdre cette guerre. »

 

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L’Espagne socialiste à contrecourant et à l’avant-garde

Josep Borrell termine en rendant hommage au gouvernement de son pays, l’Espagne «Ce pays est à contre-courant de la dépense militaire, il n'accepte pas l'imposition trumpienne des 5%. Il a été à l'avant-garde de la reconnaissance de l'État de la Palestine. Et surtout en matière migratoire, il est en train d'employer un modèle complètement différent du modèle par exemple de l'Italie de Giorgia Meloni, un système beaucoup plus humanitaire avec l’inclusion de forces du travail qui viennent de l'immigration. Ça nous a donné un élan économique et sans cela la société espagnole ne fonctionnerait pas».

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