Invité Afrique Midi

OMS: «Le retrait américain peut obliger les États africains à contribuer davantage aux dépenses de santé»

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À peine installé à la Maison Blanche, le président américain Donald Trump a annoncé que les États-Unis allaient se retirer de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Washington est le principal contributeur au financement de l'OMS dans le monde, via sa cotisation indexée sur le PIB et par des cotisations volontaires. Quelles conséquences pourraient avoir cette décision en Afrique ? Le professeur Yap Boum II, coordinateur adjoint de la réponse à l'épidémie de mpox en Afrique pour l'Africa CDC, l'agence de santé de l'Union africaine, est l'invité d'Afrique Midi.

Le président Donald Trump signe un décret retirant les États-Unis de l'Organisation mondiale de la Santé dans le bureau ovale de la Maison-Blanche, lundi 20 janvier 2025, à Washington.
Le président Donald Trump signe un décret retirant les États-Unis de l'Organisation mondiale de la Santé dans le bureau ovale de la Maison-Blanche, lundi 20 janvier 2025, à Washington. AP - Evan Vucci
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RFI : Que vous inspire la décision annoncée par le nouveau président américain ?

Professeur Yap Boum II : C'est une décision qui était attendue, qui était dans l'air. Le directeur général de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus, en a parlé cette semaine. Donc, ce n'est pas une surprise. Maintenant, l'impact que cela aura est assez important. Si je prends l'exemple de la réponse à l'épidémie de mpox, dans laquelle l'OMS et Africa CDC ont la coordination, sur un montant de financement attendu d'un milliard de dollars, les États-Unis contribuent à hauteur de 500 millions, donc la moitié. Ce qui veut dire que le retrait des États-Unis peut avoir un poids important. Maintenant, il faudra voir ce que veut dire un retrait des États-Unis de l'OMS. Est-ce que cela veut dire un retrait des États-Unis dans le support général de la santé dans le monde ? C'est deux choses différentes. Je pense qu'il y a besoin de comprendre, de voir quelles vont être les implications concrètes, afin qu'on puisse s'ajuster les uns les autres par rapport à cette décision.

Prudence, donc. Pour le moment, les États-Unis sont historiquement un contributeur majeur aux appels d'urgence de santé publique.

Oui. Sur le VIH, par exemple, les États-Unis sont les plus grands contributeurs pour la lutte contre le VIH/SIDA en Afrique et dans le monde. Et dans la réponse aux grandes épidémies, Covid-19 ou aujourd'hui mpox, c'est comme je le disais tout à l'heure, les États-Unis contribuent pour moitié aux financements. Cela aura certainement un impact majeur, en fonction de la manière dont cela va se mettre en place. Est-ce que l'OMS, c'est toute la santé ? C'est la question. Est-ce que ce sera l'opportunité pour d'autres agences, telle l'USAID ou d'autres organismes, de recevoir ces financements ? Aussi, est-ce que ce ne sera pas l'opportunité pour d'autres, des philanthropes africains par exemple, qui pourraient donner davantage pour l'Africa CDC ? Est-ce que ce n'est pas là l'opportunité d'une réorganisation de l'ordre mondial en termes de santé ? Je pense que, dans les semaines et mois à venir, nous en saurons davantage.

C'est-à-dire que vous n'excluez pas que différents acteurs prennent la relève ?

Tout à fait. Vous savez, comme on le dit, la nature a horreur du vide. S'il y a des crises – et il y en aura –, les besoins continueront de grandir. Alors, il faudra trouver des personnes, des institutions, voire des pays pour venir combler ce vide. Je pense que l'opportunité du meeting de Davos, qui se déroule en ce moment, est aussi l'occasion de rediscuter, de voir comment certains philanthropes peuvent prendre leur part des financements que les États-Unis pourraient abandonner. Et, je reviens au niveau africain, où je suis actuellement, à Kinshasa, en République démocratique du Congo, sur le mpox : comment est-ce que les entités africaines, les pays, les États membres, vont-ils s'investir davantage dans la santé de leur communauté ?

Vous sentez une volonté de la part des gouvernements africains, justement, de contribuer davantage au financement des structures africaines et notamment de l'Africa CDC ?

Bien sûr. Pour lancer la réponse à l'épidémie de mpox, les États membres sont ceux qui ont investi les premiers dans la réponse. En RDC, où je me trouve présentement, le gouvernement congolais est le premier à avoir débloqué des financements pour que la réponse se mette en place. Il y a cette volonté de souveraineté qui permet de répondre aux épidémies. Mais aujourd'hui, on n'a pas encore la masse critique pour le faire seuls. Donc, quelque part, cette pression (du retrait américain de l'OMS, NDLR) peut être un catalyseur pour les États membres, mais également pour les philanthropes, les investisseurs – on n'a jamais eu autant de milliardaires africains. C'est le moment de mettre davantage la main au portefeuille pour avoir une souveraineté nationale, voire continentale.

À écouter aussi, dans l'émission Priorité SantéInvestiture de Donald Trump: conséquences pour la santé américaine et mondiale

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