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Faustin-Archange Touadéra: «Personne ne doit être laissé pour compte»

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Le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra a été réelu dès le 1er tour avec 53,16 % des voix. Après trois semaines de suspense, la Cour constitutionnelle a validé les résultats de l’élection du 27 décembre. Une élection contestée par l’opposition, car plus de la moitié des 1,8 millions d’électeurs n’ont pas pu voter en raison de l’insécurité. Les groupes armés qui contrôlent les 2/3 du territoire ont fortement perturbé le scrutin. Selon la Cour constitutionnelle, le taux de participation est de 35 %. Malgré ces difficultés, le chef de l’État s’est dit satisfait du scrutin.

Le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra, le 24 octobre 2019 à Sotchi, en Russie.
Le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra, le 24 octobre 2019 à Sotchi, en Russie. AP - Alexander Ryumin
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Faustin-Archange Touadéra : Le processus n’a pas été facile, il y a eu beaucoup de défis. Mais nous l’avons mené à bien ensemble, avec la communauté internationale et aussi le peuple centrafricain qui a montré sa capacité, sa résilience. Ce peuple centrafricain a aussi montré sa volonté de dire non à la violence, à la prise de pouvoir par les armes et il a défié tous ceux qui, par des intimidations, par la violence, voulaient l’empêcher d’aller exercer son devoir, celui de choisir librement ses dirigeants. Donc, nous sommes heureux. Nous voulons d’abord féliciter le peuple centrafricain pour son courage, sa détermination à rester travailler pour la démocratie et pour le développement de la Centrafrique.

Face à la situation, les évêques, la classe politique et un bon nombre de Centrafricains appellent à un dialogue. Qu’en dites-vous ?

Mais vous savez que je suis un homme de dialogue. Depuis que j’ai pris mes fonctions, depuis 2016, c’est ce que j’ai fait. J’ai discuté avec les groupes armés pour que nous puissions avoir un accord de paix. Mais il faudrait un dialogue dans un cadre. Aujourd’hui, le processus terminé, c’est normal que nous puissions dialoguer pour dire comment reconstruire notre pays. Aujourd’hui, je viens de prononcer un discours dans lequel je tends la main à tous nos compatriotes pour la réconciliation, pour que nous puissions ensemble travailler pour notre pays. Aujourd’hui, personne ne doit être laissé-pour-compte. Pour ceux qui veulent travailler pour la paix, pour le développement de la République centrafricaine, je suis ouvert pour discuter et travailler pour cela. Je ne suis pas un homme fermé, mais pas pour ceux qui veulent entraîner le pays dans la violence, dans la violence aveugle. Non, cela, c’est la justice qui va s’en occuper.

Concernant le taux de participation, 34%, qu’en dites-vous ?

Mais vous parlez de taux de participation. Vous avez vu avec quelle volonté le peuple centrafricain s’est manifesté pour aller aux urnes, même sous les balles ils sont allés voter. Mais s’il n’y avait pas les ennemis de la paix, les ennemis de la démocratie, le peuple centrafricain devrait exercer son devoir. Alors, fallait-il donner raison à ceux qui ont empêché les Centrafricains d’exercer leur devoir civique, qui ont empêché les Centrafricains de choisir leurs dirigeants ?. Est-ce qu’il faut leur donner raison ? Je pense que non.


Mardi 19 janvier au soir, Faustin-Archange Touadéra a également accordé une interview à RFI et France 24.

France 24 : Au terme de ce scrutin qui a été pour le moins chaotique, quelles sont les leçons que vous retenez de ces élections ?

Faustin-Archange Touadéra : Chaotique, c’est trop dire. Nous avons eu des défis, des défis qui sont normaux dans le contexte d’un pays fragile et aussi avec des conditions de circulation assez difficiles. Donc, il y a eu des défis que, avec la communauté internationale, avec les institutions de la République, nous avons pu surmonter pour l’organisation de ce processus électoral. En tout cas, je suis très heureux et je voudrais remercier le peuple centrafricain qui m’a renouvelé encore sa confiance. Et je suis prêt, avec eux, pour relever les défis et reconstruire notre pays.

RFI : Que répondez-vous à ceux qui disent que 35 % de participation ne vous donne pas une légitimité suffisante ?

Mais si mes souvenirs sont bons, il y a bien sous d’autres cieux beaucoup d’élections où il y a eu un taux de participation moins [élevé] que ça. Si vous étiez là le 27, vous avez dû voir qu’il y avait une volonté manifeste des Centrafricains à aller aux urnes pour choisir leur dirigeant. Malheureusement, cette volonté a été annulée parce que, dans certains endroits, il y a eu des forces négatives de la CPC (Coalition des patriotes pour le changement) qui ont voulu empêcher les Centrafricains d’aller voter. C’est cela qu’il faut dire. Vous donnez de la voix à ceux qui veulent tuer les valeurs, c’est-à-dire aux groupes rebelles qui sont aujourd’hui pratiquement des terroristes, parce que si vous voyez ce qu’ils font, ils terrorisent la population. Ils empêchent les convois humanitaires, cela est un acte de terrorisme.

France 24 : Il y a un appel au dialogue national pour parler de l’opposition. Est-ce que vous êtes prêt aujourd’hui –on est dans l’après élection-, à vous asseoir à une table en face de l’opposition ?

Mais, c’est ce que j’ai toujours fait. Vous avez vu que, lors du précédent mandat, quand j’ai pris mes fonctions, j’ai commencé à discuter même avec les groupes armés pour les amener dans la paix et aller au DDR (désarmement- démobilisation-réintégration). Alors pourquoi ne pas discuter avec mes compatriotes ? Je suis aujourd’hui élu président de tous les Centrafricains. Discuter avec les compatriotes qui veulent la paix et qui veulent le développement de la République centrafricaine, je suis prêt. Je suis un homme de dialogue. Puisque le processus est terminé, aujourd’hui je veux rassembler tous les Centrafricains pour ceux qui le souhaitent, qui veulent le développement et qui veulent la paix. Nous allons pouvoir trouver un cadre d’échanges.

RFI : Vous êtes prêt à dialoguer avec l’opposition, avec les groupes armés également ou est-ce que cette porte-là est fermée ?

Vous comprenez que parmi les groupes armés, il y a eu 14 groupes armés dont les plus significatifs notamment sont l’UPC (Unité pour la paix en Centrafrique), MPC (Mouvement patriotique pour la Centrafrique), les 3R (retour-réclamation-réhabilitation) et les groupes anti-Balaka. Pour l’instant, c’est ceux qui constituent l’ossature de la CPC. Mais ils sont en train de commettre des actes, ils veulent déstabiliser le pays. Il y a des poursuites judiciaires en ce moment, donc c’est difficile. Mais, avec l’opposition démocratique, en tout cas celle qui ne s’est pas associée à la CPC, nous allons poursuivre les discussions et les échanges. Nous ne sommes pas des ennemis, nous sommes dans un cadre politique. Et moi, en tant que président de la République, je dois trouver un climat apaisé pour remplir ma mission.

 

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