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Anicet Georges Dologuélé (RCA): «On n’a pas noué une alliance avec Bozizé, c’était une déclaration d’intention»

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Il est arrivé officiellement deuxième à la présidentielle en Centrafrique, et réclamait l'annulation du double scrutin du 27 décembre. Finalement, hier, la Cour constitutionnelle a proclamé les résultats définitifs des législatives, 15 jours après ceux de la présidentielle. Que compte faire le désormais opposant Anicet Georges Dologuélé ? Quel regard porte-t-il avec le recul sur son alliance conclue avant le premier tour avec François Bozizé, qui a finalement appelé au boycott en soutien à la rébellion CPC ? Anicet Georges Dologuélé répond aux questions de Florence Morice.

L'opposant et ancien Premier ministre de la Centrafrique, Anicet Georges Dologuele.
L'opposant et ancien Premier ministre de la Centrafrique, Anicet Georges Dologuele. © VOA/Wikimedia.org
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RFI : Est-ce que vous regrettez d’avoir noué une alliance avec François Bozizé avant le premier tour de la présidentielle aujourd’hui ?

Anicet Georges Dologuélé : Je ne regrette pas d’avoir tentéde nouer une alliance, parce que finalement on n’a pas noué d’alliance, on n’a pas eu le temps. Il a fait une déclaration d’intention. On devait discuter, ici, à Bangui sur l’alliance, on n’a pas pu le faire parce que j’ai découvert qu’il était sur un autre schéma, donc on a laissé tomber.

Pourtant le jour du vote, alors qu’il venait d’annoncer son soutien à la coalition, vous vous prévaliez encore du soutien du KNK.

Parce que je parlais aux électeurs, j’avais l’espoir que les électeurs qui peut-être n’avaient pas entendu son dernier message puissent voter, je suis quelqu’un de pragmatique, je veux que les Centrafricains votent pour moi. N’oubliez pas que je suis un ancien banquier, toujours pragmatique.

Finalement, est-ce que vous n’estimez pas que cela vous a pénalisé, cette stratégie ?

Non, je pense que c’était un bon coup à tenter. Ça n’a pas eu lieu. Ce qui m’a pénalisé, c’était la mauvaise organisation des élections, c’est l’action d’empêcher que des gens votent dans de nombreuses localités où je sais que j’aurais eu beaucoup de voix. Ce qui m’a pénalisé, c’est le fait qu’on n’ait pas pu faire un vote normal, ça c’est le pire.

Sauf qu’aujourd’hui, le pouvoir de Touadéra vous accuse d’être le complice politique de la rébellion.

Ça fait cinq ans que je les fais chier, ils ont eu une opportunité de trouver un petit pou dans les cheveux, mais un petit pou imaginaire, il faut les laisser faire. Moi, je faisais l’accord par rapport non pas à monsieur Bozizé, mais par rapport aux militants et aux électeurs du Kwa Na Kwa, donc c’est deux choses complétement différentes.

Est-ce que l’électorat n’aurait pas souhaité que vous fassiez une condamnation plus ferme de cette entreprise armée ?

On n’arrête pas de me le reprocher. J’ai l’impression que c’est cette condamnation qui va arrêter le processus armé. Non. Vous savez que j’ai plusieurs fois condamné cette entreprise armée sous toutes les formes. Je pense que ce qu’il faut faire, c’est veiller à ce que la situation de guerre civile dans laquelle on se trouve soit stoppée. Et ça ce ne sont pas les condamnations de Dologuélé simplement qui vont le faire, il faut des actions réfléchies, des actions pensées, et ça je ne les vois pas.

Vous dites refuser de reconnaître la réélection du président Touadéra, mais aujourd’hui quels sont les leviers que vous avez concrètement ?

Je suis une personnalité politique qui compte dans le pays et je ne suis pas seul. Il y a un certain nombre d’acteurs politiques importants qui ne se reconnaissent pas dans cette élection.

La réélection de Touadéra a quand même été validée, il est soutenu aujourd’hui politiquement, militairement, par la Minusca, la Russie, le Rwanda. Comment est-ce que vous comptez peser face à ces soutiens ?

Il a beau être soutenu par la communauté internationale, nous sommes des Centrafricains, il a été élu président pour diriger la République centrafricaine.

Vous aviez demandé l’annulation de la présidentielle, parmi les arguments avancés par la Cour pour le refuser, il y a le manque de preuves, le défaut de preuves. Est-ce que l’opposition -et votre parti notamment- n’était pas assez préparé pour déposer ces recours ?

La loi exige qu’à la fin du dépouillement le président du bureau du vote donne une copie des feuilles de résultats à chaque représentant des candidats, ça n’a pas été fait nulle part. Ça signifie qu’aucun candidat n’avait la possibilité de déposer un recours qui soit pris en compte par la Cour constitutionnelle puisque le seul document qui fait foi, c’est une feuille de résultats dûment signée par les membres du bureau de vote.

Après sa réélection, le président Touadéra a dit tendre la main à l’opposition démocratique, est-ce que vous êtes prêt à dialoguer ? Est-ce que vous avez été contacté en ce sens ?

Il est hermétiquement fermé au dialogue. La main tendue, c’est parce que les Occidentaux la réclament. Le président Touadéra n’est pas, on va dire, formaté pour tendre la main.

Donc pour vous, il n’y a pas de réelle volonté de dialogue avec vous, de sa part, aujourd’hui ?

Mais c’est gros comme une maison, alors que nous avons beaucoup de problèmes dans ce pays, et c’est un euphémisme, il faut quand même en discuter. L’élection des députés, vous avez vu le chaos que ça a été ? C’est beaucoup plus chaotique qu’il y a cinq ans en fait. Pour faire un deuxième tour, il faut régler le problème de la CPC (Coalition des patriotes pour le changement) sinon les gens vont voter comment ?

Vous réclamez toujours une concertation, mais avec qui il faut dialoguer ? Le pouvoir avec l’opposition ? Le pouvoir avec l’opposition et les groupes armés de la CPC ? Qu’est-ce que vous préconisez ?

Nous avons parlé des forces vives de la nation, ce n’est pas à nous de déterminer le format de la discussion. Le format de la discussion est quelque chose qui se détermine ensemble, vous voyez, c’est l’idée d’un dialogue que nous mettons en avant.

Oui, mais pour vous est-ce qu’il faut les groupes armés déposent les armes avant de dialoguer ? Comment, quelle sortie de crise vous voyez ?

La crise n’aurait jamais dû avoir lieu. Ce n’est pas à moi de dire si le dialogue doit avoir lieu après la résolution de la crise ou maintenant. Je suis un acteur politique, j’ai dit il faut qu’on dialogue. Il y a un stress que vivent les Centrafricains qui est énorme, il faut qu’on dialogue. Le but du dialogue, c’est justement d’aller croiser les idées, et je ne suis pas seul, je suis chef de parti et je suis dans une coalition politique. Tout ça doit être discuté avant.

Est-ce que François Bozizé a encore un avenir politique dans le pays à vos yeux ?

Je pense que c’est à lui qu’il faut poser la question, c’est un aîné pour qui j’ai du respect, je n’ai pas à répondre à sa place.

L’un de vos porte-parole a été brièvement arrêté entre vendredi et samedi matin. Qu’est-ce qui lui était reproché ?

Le président Touadéra a été déclaré vainqueur des élections. Je ne comprends pas pourquoi on traque mes collaborateurs. Mon conseiller en communication, ça fait trois semaines qu’il est dans la clandestinité. On lui a envoyé la milice du président Touadéra qui s’appelle « les Requins » en pleine nuit, à 2h du matin, chez lui pour tenter de l’enlever.

Vous parlez de Christian Gazam Betty ?

Exactement. Et depuis, il ne vit plus chez lui. Là, il y a mon porte-parole qui a été brièvement arrêté, il ne sait pas pourquoi, ceux qui l’ont arrêté eux aussi ne savaient pas pourquoi. Ils ont reçu des instructions d’une personnalité, un ministre, ils sont partis l’arrêter, tout le monde était embêté, on a fini par le relâcher. Mais vous savez que les milices mènent des actions en douce dans les quartiers, enlèvent des gens, les tabassent et tout ça. Vous ne pouvez pas dire je tends la main et vous arrêtez… Vous savez que ce n’est pas seulement moi, le neveu de Tiangaye a été arrêté récemment, tabassé, mais pourquoi ?

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