Tchad: toujours caché, l'opposant Yaya Dillo Djerou affirme qu'il va «saisir la justice internationale»
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Yaya Dillo Djerou, candidat à l’élection présidentielle tchadienne du 11 avril prochain, a pris la fuite après ce qu’il décrit comme l’attaque de sa résidence par une unité de la garde présidentielle. Il vit aujourd'hui caché. Esdras Ndikumana, journaliste à la rédaction Afrique de RFI, a pu entrer en contact avec lui. Il nous donne ici sa version des faits, dans un entretien exclusif.

RFI : Il y a un peu plus d’une semaine, le 27 février précisément, des soldats d’élite à bord de camionnettes, de véhicules blindés et même de chars, tentent de vous arrêter à votre domicile où vous étiez retranché. Comment est-ce que vous parvenez à leur échapper ?
Yaya Dillo Djerou : Compte tenu de la marée humaine qui s’est entassée devant ma porte, beaucoup me suggéraient de m’évacuer, surtout des officiers issus de la chaîne sécuritaire. Et c’est comme cela qu’ils m’ont aidé à me mettre dans un endroit un peu sécurisé.
Pourquoi est-ce que ces officiers vous ont aidé ?
En réalité, Déby a utilisé les gens, sous prétexte qu’il y a un coup d’État qui est en cours. C’est après les dégâts qu’ils ont constatés, qu’ils sont venus chez moi pour des mobiles politiques et beaucoup se sont rétractés, y compris le chef. Dans la chaîne sécuritaire même du président Déby, beaucoup ne sont pas d’accord.
Le gouvernement tchadien assure que c’est vous qui l’avez poussé à utiliser les grands moyens, en refusant de répondre à une convocation de la justice, les armes à la main…
Le gouvernement Déby est toujours habitué à des mensonges enfantins. Je n’ai aucune arme et mes parents n’avaient aucune arme. Tous des civils, des étudiants, d’ailleurs… Donc il sait pertinemment qu’il n’y a rien dans ma maison. Quand ils disent qu’on a trouvé quatre ou cinq armes – certainement les armes qu’ils ont l’habitude de déposer chez moi – et ils pensent que c’est avec cela qu’on va se révolter contre une armée composée de plus de 60 000 hommes… C’est ridicule comme mensonge !
Plusieurs sources, notamment de la société civile, confirment pourtant la présence de nombreuses personnes armées autour de vous, ce jour-là…
Une maman âgée de 80 ans, est-ce qu’elle peut porter une arme et le gouvernement se défendre en légitime défense ? Imaginez ! Une personne sensée ne peut pas croire à ce genre d’allégations mensongères.
À ce propos justement, le gouvernement tchadien assure que votre mère a été tuée par une balle tirée dans l’intérieur de votre maison…
C’est une insulte à la mémoire de ma mère et de tous ceux qui sont morts. C’est une insulte honteuse du gouvernement. Comme il y a une menace de tirs dans la nuit du 27, mes parents sont venus demander ma sécurité. Des jeunes, des étudiants, y compris ma mère, sont devant la porte… À 5 heures du matin, la Garde prétorienne a brusqué ma porte et a raflé tout le monde, y compris les gens qui dormaient. Ma mère, je crois que du coup, on l’a abattue. Le gouvernement ne sait même pas mentir. Ce sont les mêmes civils qui dormaient dans ma concession, qu’ils sont venus rafler avec des balles réelles.
Le gouvernement vous accuse d’être responsable de la mort de deux agents de l’ordre. Quel est le bilan de cet assaut, selon vous ?
Aucun agent de l’ordre n’a été tué, parce que les gens n’ont pas d’armes chez moi. Quand ils ont raflé les gens, ils ont essayé de résister avec des cailloux, etc. Est-ce qu’il y a eu des blessés avec des cailloux ? Cela, je ne sais pas. Maintenant, chez moi, il y a eu deux morts et cinq blessés, y compris ma grande sœur.
Qui sont ces deux morts dont vous parlez ?
Mon fils et ma mère. Et les cinq blessés sont tous issus de ma famille immédiate.
Et depuis les violences du 27 février, vous êtes également sous le coup d’une enquête pour meurtre…
Nous ne détenons pas des armes. Personne n’a tiré. Il n’y a pas eu de policiers morts. Maintenant, ils ont tué ma mère, ils ont tué mon fils, ils ont blessé mes parents… Porter cette casquette est risqué pour Déby, car il a tué sa cousine. Donc il sait pertinemment que cela va l’amener loin et il essaie des astuces, comme d’habitude… Il ne pourra pas, parce que ce sont eux les criminels, ce sont eux qui ont tué ma mère.
Nous allons porter l’affaire devant les juridictions internationales. Nous allons saisir l’ONU dans les jours à venir, dans ce sens. Les crimes vont être portés à l’international et je pense qu’avec l’appui de tous ceux qui sont épris de droits humains, nous allons parvenir à les amener devant la Cour pénale internationale.
À ce jour, les forces de l’ordre continuent de vous rechercher activement. Où est-ce que vous vous cachez ?
Je ne suis pas loin. Pour des raisons de pratique et de sécurité, je préfère ne pas indiquer l’endroit où je me trouve. J’ai aussi un arrangement avec ceux qui me protègent.
Vous étiez candidat à la présidentielle du 11 avril. Quels sont vos projets, aujourd’hui ?
Nous allons continuer à nous battre, nous allons continuer à faire appel à la justice. Et par la suite, si les moyens légaux sont épuisés par les subterfuges du régime, nous allons prendre nos responsabilités prévues par le préambule de notre Constitution. Nous allons résister à la dictature. Nous allons résister à l’injustice.
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