Souleymane Badiel, syndicaliste burkinabè: «La fermeture des classes en 2020 a eu un impact négatif cette année»
Publié le :
Le mois d'août n'est pas fini, il est encore temps pour les scolaires de profiter des vacances. Élèves et enseignants ont essayé de récupérer d'une année qui a une nouvelle fois été bouleversée par la pandémie de Covid-19. Quelles leçons tirer de l'année scolaire qui vient de s'écouler ? Notre invité ce matin est un syndicaliste du Burkina Faso, Souleymane Badiel, secrétaire général de la F-SYNTER, la Fédération des syndicats nationaux des travailleurs de l'éducation et de la recherche.

RFI: L’année scolaire qui vient de s’écouler a-t-elle été de nouveau fortement perturbée par la pandémie de Covid au Burkina Faso ou les leçons de la première vague de l’épidémie ont-elles été tirées ?
Souleymane Badiel: Disons que durant l’année qui vient de s’écouler, il n’y a pratiquement pas eu de mesures prises par les autorités dans l’éducation en lien avec cette question. Par contre, les mesures prises en 2020 ont eu un impact considérable sur la gestion de l’année scolaire et les résultats scolaires de cette année.
Est-ce-à-dire que l’année scolaire 2020-2021 a payé le prix des mesures prises l’année dernière ?
Tout à fait. La preuve en est que les résultats des examens nationaux de fin d’année ont tous connu une baisse. Parfois une baisse assez considérable. Ainsi, le taux d’échec au BEPC est de l’ordre de 72%, et celui du CEP, qui sanctionne la fin des études au niveau du primaire, est de l’ordre de 49%.
On comprend donc que le fait que les établissements aient été fermés pendant près de six mois en 2020 a eu un impact considérable sur les résultats de l’année scolaire 2020-2021.
Que s’est-il passé finalement pendant ces six mois durant lesquels les élèves n’ont pas pu aller à l’école. Qu’est-ce qui a créé cet effet à retardement ?
Ce qu’il s’est passé, c’est que le gouvernement a tenté de mettre en œuvre l’apprentissage par le biais des technologies de l’information au travers d’enseignements à la télévision et de cours en ligne. Mais la difficulté qui s’est posée, c’est que les enseignants n’étaient pas formés à ce type d’enseignements. Deuxièmement, il y a l’insuffisance, sinon même l’indisponibilité de la connexion internet sur la grande partie de notre territoire. De nombreux enfants n’ont même pas accès à ce type d’outils au regard du niveau de pauvreté qui existe dans notre pays. Du coup, la plupart des élèves se sont retrouvés en réalité dans l’impossibilité de pouvoir continuer à apprendre pendant plus de six mois.
Le Coivd-19 au aussi créé des difficultés économiques. On a vu à certains endroits des enfants abandonner les études au profit d’activités génératrices de revenus. Est-ce un problème qui s’est également posé au Burkina Faso ?
Dans certaines localités, à la reprise, il y a des élèves qui ne sont plus revenus en classe, parce que la fermeture de leur classe pendant un long temps les a laissés à eux-mêmes, si bien qu’ils se sont adonnés à d’autres activités qui ne leur ont pas permis de reprendre les cours. C’est vrai que c’était un nombre réduit, mais c’est une réalité qui a existé chez nous également.
Craignez-vous que l’on sente encore les conséquences de 2019-2020 lors de la prochaine année scolaire ?
Ce n’est pas une crainte, c’est une certitude ! Les conséquences, on les aura encore quelques années.
Comment peut-on essayer d’atténuer les effets de cette rupture dans les parcours éducatifs ?
Il y a un véritable effort à faire au niveau des effectifs dans les classes, parce que nous avons parfois des classes, dans le primaire, le secondaire de 120 élèves. Vous comprenez que dans ces conditions, il est difficile, voire pratiquement impossible pour l’enseignant de pouvoir identifier les insuffisances réelles de chaque élève et de travailler à combler ces insuffisances.
Des assises de l’éducation sont en train de se mettre en place au Burkina Faso. Quels sont les thèmes que vous souhaiteriez porter lors de ces assises à l’issue de cette nouvelle année marquée par le Covid ?
Le Covid a montré que ce sont les structures publiques qui sont à même de répondre au mieux aux attentes des populations face à des catastrophes de cette nature-là. Pour nous, il faut que l’État joue son rôle régalien en finançant conséquemment l’éducation publique, en faisant en sorte que la privatisation outrancière puisse être ramenée dans des proportions plus raisonnables. Dans un pays comme le nôtre, où la pauvreté touche une grande partie de la population, cette option de privatisation ne permettra pas effectivement à notre pays de pouvoir avoir des ressources humaines de qualité pour répondre aux besoins de développement.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne