Invité Afrique

Elisabeth Moreno: «Nous pouvons écrire une nouvelle histoire entre la France et l'Afrique»

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Elle plaide pour une « page nouvelle » entre l’Afrique et la France. Elisabeth Moreno, ministre française chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Egalité des chances, vient d’achever une visite à Dakar, qui se poursuit ce mardi au Cap-Vert, alors que le sentiment anti-français gagne du terrain en Afrique, notamment auprès des jeunes.

Elisabeth Moreno, le 8 novembre à Dakar.
Elisabeth Moreno, le 8 novembre à Dakar. © RFI/Charlotte Idrac
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RFI : Lors de ces visites à Dakar et Praia, vous avez souhaité, encore une fois, rencontrer des membres de la société civile, qui ont été mis en avant lors du sommet de Montpellier. Mais ce nest pas la société civile qui prend les décisions politiques, est-ce que ces forces vives sont concrètement à même, selon vous, de faire évoluer la relation entre la France et les pays du continent ?

Élisabeth Moreno : Les relations avec les institutions, avec les États, entre la France et le continent africain, sont extrêmement bonnes aujourd’hui. Il ne s’agit pas de remplacer une relation par une autre. Il s’agit d’ajouter, de complémentariser, les discussions que nous avons avec le continent.

Il y a eu des critiques de ce sommet de Montpellier. Ici à Dakar, dans la presse, on a lu, par exemple : « Le président Macron na rien annoncé, un sommet pour rien », « un sommet cinéma … », quest-ce que vous répondez ?

Ce que je réponds, c’est qu’un sommet où l’on dialogue comme on ne l’a jamais fait auparavant, un sommet où l’on parle de sport, de culture, d’entreprenariat… Un sommet où l’on se dit les choses sans tabou, sans filtre… Je ne parlerais pas d’un sommet pour rien. En revanche, ce qui rendra cette rencontre fructueuse, c’est ce que nous allons en faire par la suite. Des idées ont été proposées, maintenant, il s’agit de mettre en œuvre ces initiatives et ces propositions et il faut continuer.

Oui, mais pour certains, ici, les personnalités qui ont été invitées à Montpellier, n’étaient pas représentatives. Et de fait, ce ne sont pas les jeunes en colère qu’on a vus manifester ici au mois de mars, au Sénégal, qui ont été sélectionnés. Qu’est-ce que la France a à dire à ces jeunes-là ?

Les onze jeunes qui étaient en discussion avec le président Macron, sont des jeunes qui font partie d’un panel de 4 500 personnes, qui ont été interviewées par Achille Mbembe et son équipe, pendant plusieurs mois. Ils ont manifesté leurs doutes, ils ont manifesté leurs inquiétudes… Donc si nous continuons cette discussion, si nous continuons ce dialogue, je suis intimement convaincue que nous pouvons écrire une nouvelle histoire qui est attendue par beaucoup, entre la France et le continent africain.

Il y a, sur le continent africain, des mouvements qui sont les porte-voix d’un sentiment anti-français, qui dénoncent par exemple, la persistance du franc CFA, la présence de bases militaires… Est-ce que vous les entendez, ces voix ?

Evidemment je les entends ! Vous savez, avant de rejoindre le gouvernement français, j’étais patronne du groupe Hewlett-Packard de tout le continent. Je n’ai pas attendu de prendre cette responsabilité pour me rendre compte qu’il y avait un sentiment de malaise. Cette jeunesse, c’est une jeunesse qui n’a pas connu cette partie de l’histoire qu’elle reproche. Quand je vois le président de la République faire ce travail de mémoire avec l’Algérie, avec le Rwanda… Quand je le vois rendre les œuvres d’art au Bénin, quand je le vois se battre pour que les dettes de l’Afrique -surtout après cette période de crise extrêmement importante- puissent être prises en considération différemment… Eh bien, j’ai envie de croire que cette jeunesse peut entendre ce que le président Emmanuel Macron a envie de mettre en œuvre. Et je veux dire à cette jeunesse, qu’elle a sa partie à jouer, que nous sommes prêts à l’entendre et à co-construire de nouveaux partenariats, sur une relation gagnant-gagnant, qui nous permettra, dans quelques années, de se rendre compte que la confiance peut se rétablir.

Vous avez évoqué l’Algérie. Il y a des tensions, on peut parler évidemment aussi de la relation difficile avec l’État malien… Est-ce que ce message de la France est audible, aujourd’hui, sur le continent ?

Nous avons une histoire commune, nous avons un destin commun. Nous ne pouvons pas délier nos histoires.

Mais certains le souhaiteraient ! En tout cas, expriment ce souhait

Mais en tout cas, la France ne souhaite pas ! Et nous, nous faisons notre part et nous tendons la main à tous ceux qui veulent travailler avec nous.

Vous assistez, ce mardi, à l’investiture du nouveau président du Cap-Vert -votre pays natal- José Maria Neves. Le Cap-Vert, réputé pour sa stabilité. Est-ce que ce pays que vous connaissez bien peut être une source d’inspiration pour les autres démocraties africaines ?

Mais il l’est déjà ! D’abord, je veux féliciter le président Neves. C’est quelqu’un qui connaît bien les relations internationales, c’est quelqu’un qui connaît bien la diaspora… Parce que j ne dirais jamais combien les diasporas africaines sont un atout, à la fois pour la France, mais également pour le pays de leurs parents. Je pense que c’est un trait d’union entre les deux rives de la Méditerranée. Vous savez, je vais vous raconter une anecdote que je n’ai pas beaucoup raconté : le jour où Jean Castex m’a contactée pour rejoindre le gouvernement, c’était le jour de la fête de l’indépendance du Cap-Vert. Moi, je suis extrêmement fière de ma double culture. Je suis extrêmement heureuse, aujourd’hui, d’être ministre -en France- parce que notre pays est pluriel. Mais je garde aussi des attaches très fortes avec le Cap-Vert. Et je veux juste dire à cette jeunesse qui doute, qui se questionne, qu’elle n’a pas à choisir entre l’un et l’autre. On ne choisit pas entre son père et sa mère. Il y a suffisamment de place dans nos cœurs, dans nos histoires et dans nos vies, pour que nous soyons multiples, pour que nous soyons divers… Et je les encourage à cultiver toutes leurs identités.

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