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Jean-Claude Kassi Brou (Cédéao): «Toute prise de pouvoir anti-démocratique est interdite, l'armée est apolitique»

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Suite au coup d’État militaire du 24 janvier au Burkina Faso, la Cédéao a tenu hier, vendredi 28 janvier, un sommet virtuel. Le Burkina Faso est suspendu des instances de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest. Deux missions vont être envoyées sur place : une des chefs d’état-major des armées de la Cédéao, puis une mission ministérielle. Les chefs d’État de l’organisation régionale se retrouveront ensuite à Accra, jeudi prochain, pour une nouvelle évaluation de la situation. Jean-Claude Kassi Brou, le président de la commission de la Cédéao, est notre invité ce matin. Il répond aux questions de Magali Lagrange. 

Jean-Claude Kassi Brou, le président de la commission de la Cédéao
Jean-Claude Kassi Brou, le président de la commission de la Cédéao © ecowas.int
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RFI: La Cédéao suspend le Burkina Faso de ses instances, sans autres sanctions, pour le moment. Diriez-vous que c’est une décision minimaliste ?

Jean-Claude Kassi Brou : Il s’agit d’une rupture de l’ordre constitutionnel. C’est une constance dans la Cédéao. Dans ces situations-là, on condamne parce qu’il y a une rupture des engagements au niveau du protocole, et la suspension des instances des institutions de la Cédéao a également été décidée. C’est toujours, dans la première phase, ce qui est fait. C’est automatique.

Quel message la Cédéao adresse-t-elle à la population burkinabè qui disait que ce régime n’était pas capable de régler ses problèmes ?

Oui, mais dans un pays où il y a une démocratie, quand il y a des difficultés, il y a des mécanismes internes. Mais imaginez-vous un instant qu’à chaque fois qu’il y ait un problème, ce soient des militaires qui viennent. Mais c’est un retour en arrière !

Est-ce que vous envisagez d’autres sanctions ? Des sanctions économiques ?

L’approche au niveau de la Cédéao est progressive. Vous savez, les sanctions sont vraiment des mesures et décisions de dernier recours, surtout les sanctions économiques et financières. Ensuite, les sanctions ont été appliquées dans beaucoup de pays et cela a permis, d’abord, de restaurer l’ordre constitutionnel. Je peux vous parler des sanctions au Liberia, dans les années 1990, en Sierra Leone, en Côte d’Ivoire, au Niger, au Burkina, en Gambie… Les sanctions, vraiment, c’est de manière progressive et on espère ne pas en arriver là.

Mais on a vu, au cours des derniers mois, plusieurs coups d’État dans des pays d’Afrique de l’Ouest. Les sanctions de la Cédéao, en tout cas, n’ont pas été dissuasives.

Oui, mais quand les sanctions maximales sont imposées, c’est vraiment de la responsabilité, de la faute, des autorités arce qu’elles sont informées que, s’il n’y a pas de progrès dans le cadre du processus de restauration de l’ordre constitutionnel, il va y avoir des sanctions. C’est lorsque les autorités n’ont pas pris les mesures que les sanctions sont imposées. Donc les sanctions actuelles sont de la responsabilité des autorités de la transition qui n’ont pas fait ce qui devait être fait. Il faut le dire !

Vous demandez aux autorités maliennes de transition un délai raisonnable, un calendrier raisonnable - ce sont vos termes - pour une levée progressive des sanctions. Est-ce que le dialogue est en cours avec les autorités maliennes de transition ? Est-ce que vous cherchez un compromis ?

Oui… Vous savez, la Cédéao a toujours dit qu’elle était disponible pour soutenir, accompagner, travailler avec les autorités maliennes.

Un compromis concernant le Mali, cela pourrait être quoi ? Quel délai vous semble raisonnable ?

Le calendrier de 4 ans qui a été proposé après une période de 18 mois - ce qui fait 5 années et demie sans élections - c’est totalement inacceptable. Nous l’avons fait savoir aux autorités maliennes, donc je crois qu’il s’agira maintenant de trouver une solution.

Mais à Bamako on a vu de vives réactions de la population malienne contre la Cédéao, contre les mesures, les sanctions prises… Est-ce que vous avez été surpris ?

Encore une fois, je voudrais répéter que les sanctions sont de la responsabilité des autorités de la transition militaire. Notre rôle est d’accompagner, de soutenir le pays, mais il faut que l’on sente vraiment qu’il y a des actions qui vont dans le sens souhaité, c’est-à-dire vers le retour de la démocratie dans le pays.

Plus globalement, si on ne regarde pas seulement le cas du Mali, on entend beaucoup de critiques à l’encontre de la Cédéao. On vous reproche d’intervenir tardivement, de vous être discrédités avec les questions notamment des troisièmes mandats, avec des dossiers comme la Guinée, le Togo… Que répondez-vous à ces critiques ?

D’abord, on intervient toujours très, très en avance. Prenons le cas du Mali. Le coup d’État au Mali est intervenu le 18 août 2020. Dès le début de la crise socio-politique au Mali, en avril 2020, il y a eu des missions ministérielles. La Cédéao a nommé un médiateur…

Mais on vous reproche aussi d’avoir fermé les yeux sur des troisièmes mandats, de provoquer de cette façon des situations difficiles, ensuite.

Ceux qui le disent, vraiment, ont une méconnaissance totale des textes de la Cédéao. Chaque pays vote sa Constitution.

Donc la Cédéao a encore un rôle à jouer ?

N’eut été le rôle de la Cédéao, je peux vous garantir qu’on aurait beaucoup de pays qui auraient beaucoup de difficultés.

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