Jean-Pierre Lacroix: l'attaque russe en Ukraine «est une épreuve pour l'Europe et pour la paix»
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Le secrétaire général adjoint des Nations unies chargé des opérations de maintien de la paix a achevé une visite de trois jours en République démocratique du Congo. Jean-Pierre Lacroix s’est rendu dans le territoire de Djugu, en Ituri, où les violences perpétrées par les groupes armés à l’encontre des civils ont provoqué des dizaines de milliers de nouveaux déplacés. Le numéro deux de l’ONU a également participé, hier, à Kinshasa, à la réunion d’évaluation de l'Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région signé le 24 février 2013. À l’issue de cette réunion, à Kinshasa, Jean-Pierre Lacroix a accordé un entretien à notre correspondant, Patient Ligodi, en s'exprimant d'abord sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Vladimir Poutine a lancé jeudi une invasion de l’Ukraine avec frappes aériennes et entrée des forces terrestres, y compris en direction de la capitale Kiev. Quelle est votre réaction ?
Jean-Pierre Lacroix : C’est une épreuve pour l’Europe certainement. C’est une épreuve, je pense, pour la sécurité et la paix, la sécurité internationale dans son ensemble, et qui aura des conséquences certainement sérieuses. D’ailleurs, on le voit déjà, d’une part avec les pertes en vies humaines, les souffrances que cela occasionne, mais aussi en ce qui concerne l’économie mondiale. Et c’est d’autant plus grave que le monde est en train de récupérer à peine, il commence tout juste à récupérer, des conséquences de l’épidémie du Covid-19.
Est-ce que ce n’est pas un échec pour les Nations unies, après tous les efforts de médiation que l’ONU a réalisés ?
La diplomatie a été très active ces dernières semaines, ces derniers mois. Quand il y a la volonté d’arriver à une issue pacifique, la diplomatie peut réussir. Mais c’est une condition qui est évidemment indispensable. Ceci étant, il faut espérer que, comme l’a demandé le secrétaire général M. Antonio Guterres, la raison revienne et que cette offensive cesse le plus rapidement possible. Le secrétaire général a été très clair puisqu’il a demandé l’arrêt des hostilités, le retour des troupes russes d’où elles viennent.
Est-ce qu’on peut envisager un jour une opération de maintien de la paix dans cette région du monde ?
Il est clair que nous n’en sommes pas du tout là. Les priorités sont ailleurs pour l’instant. Il est difficile de faire des pronostics. Je dirais, nous sommes tellement loin des conditions qui permettraient d’envisager cette hypothèse.
Selon l’ONU, plus de 27 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire grave et aigue en RDC. Le pays abrite près de 5,5 millions de déplacés, le tout avec un plan de réponse humanitaire qui n’est financé qu’à 39%. Qu’est-ce qui fait que la crise humanitaire congolaise ne mobilise pas autant la communauté internationale ?
L‘une des raisons pour lesquelles le secrétaire général des Nations unies voulait se rendre personnellement en République démocratique du Congo, c’était de faire ce plaidoyer pour que soient renforcés les efforts humanitaires à destination notamment de l’est du Congo. Et ce plaidoyer, il est donc important de le faire. Cela va de pair évidemment avec le renforcement des efforts sécuritaires, et aussi avec le traitement des questions de fond qui nécessitent souvent une approche régionale.
Des militaires burundais sont signalés depuis plusieurs mois dans certaines zones de la RDC pour des opérations contre les rebelles burundais sur le sol congolais. Cela vous inquiète-t-il ou vous y voyez un signe de bon rapport et de coopération entre les armées des deux pays dans la lutte contre les forces négatives ?
Sur le plan de la coopération régionale -c’était l’objet du sommet du mécanisme de suivi de l’Accord d’Addis-Abeba-, il y a une dynamique régionale en ce sens qu’il y a eu des efforts notamment de la part du président du pays dans lequel je me trouve, la République démocratique du Congo, pour renforcer ces contacts politiques, cette dynamique politique. Et cela est extrêmement positif. Lorsque ça se traduit par des coopérations sur le terrain qui sont mutuellement agrées et se font en bonne coordination et en bonne intelligence, c’est aussi positif, parce que cela permet d’améliorer la confiance et aussi la réponse sécuritaire. Maintenant, il y a encore des efforts à faire et il y a le fait que des groupes, qui opèrent en République démocratique du Congo, sont parfois des groupes qui viennent de l’étranger qui parfois transposent les tensions et les conflits internes aux pays voisins sur le territoire de la République démocratique du Congo. Et évidemment, c’est source de souffrance additionnelle pour la population. C’est aussi une source de méfiance entre les Etats de la région. Mais, tous les participants au sommet de tout à l’heure ont été unanimes pour dire que ce renforcement de la coopération des Etats de la région des Grands Lacs est indispensable. Les Nations unies soutiennent totalement ce processus. D’ailleurs une autre raison pour laquelle le secrétaire général des Nations unies aurait voulu se trouver à ce sommet s’il n’avait pas été retenu par les évènements de l’Ukraine, c’est précisément pour apporter un soutien très visible et fort à ces efforts régionaux. Mais ça fait partie certainement des priorités dans les mois à venir.
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