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L'opposant guinéen Cellou Dalein Diallo: «Il faut un cadre de dialogue où on peut discuter»

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C’est la fin de l’état de grâce pour le CNRD, la junte au pouvoir en Guinée. 58 partis politiques ont rendu publique une déclaration dans laquelle ils déplorent que « l’inclusivité et la justice, qui étaient au cœur de la profession de foi du CNRD à sa prise du pouvoir, ne semblent plus être la boussole de son action publique ». Pour en parler, RFI et France 24 reçoivent l’un des principaux opposants guinéens, Cellou Dalein Diallo, le président de l’UFDG (Union des forces démocratiques de Guinée).

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Cellou Dalein Diallo dans les studios de RFI et France 24, le 11 mars 2022.
Cellou Dalein Diallo dans les studios de RFI et France 24, le 11 mars 2022. © RFI/France24
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Interrogé par Laurent Correau de RFI et Marc Perelman de France 24, Cellou Dalein Diallo revient sur cette déclaration, mais aussi sur les procédures qui le visent devant la Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief) et devant les services des domaines de l’État : « Aucune procédure habituelle n’a été suivie », déplore l'opposant, estimant par ailleurs que les assises nationales annoncées par le gouvernement ne permettront pas de répondre aux problèmes soulevés par les partis. Extrait.

RFI / France 24 : Cette semaine, 58 partis d’opposition, dont le vôtre, ont signé une déclaration sur la transition, une déclaration qui affirme que la junte au pouvoir depuis six mois maintenant s’écarte de l’État de droit et traîne volontairement pour revenir à l’ordre constitutionnel. Est-ce que, d’après vous, le colonel Mamadi Doumbouya a décidé de se maintenir au pouvoir coûte que coûte ?

Cellou Dalein Diallo : Je ne peux pas dire ça. Pour l’instant, ce qu’on a déploré dans cette déclaration, c’est la marginalisation de la classe politique, à qui on prête des agendas cachés. Et visiblement, on ne peut pas l’associer à la définition du contenu de la transition. Est-ce que le colonel veut se maintenir au pouvoir aussi longtemps que possible ? On ne peut pas donner une réponse, mais 6 mois après le coup d’État, jusqu’à présent, on n’a pas la durée de la transition.

Justement, la mission conjointe Cédéao-ONU qui est venue à Conakry y a constaté le non-respect du délai de 6 mois qu’elle avait fixé en septembre dernier. Elle se dit également très préoccupée par l’absence de chronogramme acceptable. Qu’attendez-vous de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), plus de fermeté peut-être ?

Nous souhaitons que la Cédéao accompagne le processus pour qu’on puisse revenir à l’ordre constitutionnel dans un délai raisonnable.

Vous souhaitez un médiateur de la Cédéao ?

Oui. Absolument. Parce que la crise de confiance est tellement profonde en Guinée que parfois, pour qu’on puisse s’entendre, aplanir nos divergences, on a besoin d’une personne neutre acceptée par toutes les parties. On a besoin de se retrouver autour d’une table et de décider ce que l’on fait de la transition, quel est le délai convenable, quel est l’organe de gestion des élections, pour que tout le monde ait confiance en ce qu’il sera mis en place pour éviter les conflits avant ou après les élections.

Justement, le gouvernement a annoncé la tenue d’assises nationales le 22 mars prochain, est-ce que c’est un pas vers la solution ?

Ce n’est pas mon sentiment. Pour moi, il faut un cadre de dialogue où l’on peut discuter.

Cellou Dalein Diallo, vous êtes le principal leader de l’opposition. On imagine que vous avez tenté de dialoguer avec le colonel Mamadi Doumbouya. On a vu qu’au Mali, au Burkina, il y a quand même, ne serait-ce un véritable dialogue, au moins des canaux qui existent entre l’opposition et la junte. Est-ce que vous avez parlé au colonel Mamadi Doumbouya, est-ce que vous l’avez vu ?

Personnellement, je n’ai pas pu le rencontrer, pas faute d’avoir essayé, mais je n’ai pas eu de suite favorable.

Si le dialogue est impossible, l’opposition dit se réserver le droit d’utiliser tous les moyens légaux, y compris les manifestations. Mais, est-ce qu’on ne risque pas de revenir dans un cycle de violences ?

En Guinée, les manifestations ont bien sûr toujours été réprimées dans le sang, si bien que tout le monde pense que les manifestations sont violentes. Nous, nous voulons qu’on ait l’habitude d’organiser des manifestations bien encadrées et qui ne sont pas violentes, juste pour exprimer un désaccord, pour exprimer un ras-le-bol par rapport à certaines pratiques, à certains comportements qui sont contraires aux règles et principes de la démocratie, de l’État de droit.

Vous, vous avez été cité dans l’affaire dite « Air Guinée ». Vous avez été aussi obligé de quitter votre résidence à Conakry. Sans vouloir rentrer dans les détails de ces affaires, est-ce que vous avez l’impression que ce n’est pas une question de justice, mais de vendetta politique ?

Absolument. Dans la mesure où aucune procédure habituelle n’a été suivie. On a sorti les deux dossiers en même temps. On est allé exhumer un dossier d’Air Guinée vieux de plus 20 ans. Et ensuite, on m’a fait comprendre que je devais quitter mon domicile que j’ai acquis en toute légalité, dans le respect de toutes les règles à l’époque en vigueur.

Quel est le but ? C’est de vous écarter d’une éventuelle future élection ?

Pour salir d’abord ma réputation, sans doute, et pour peut-être trouver un moyen de me disqualifier. Je ne sais pas. Pour le moment, je suis au stade de l’interrogation. Pourquoi ces deux dossiers en même temps qui visaient ma personne ? Même si Sidya Touré était aussi visé par l’affaire du bâtiment qu’il a acquis dans les mêmes conditions en toute régularité.

Entretien en intégralité en son et en vidéo

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