Haroun Kabadi: «Il faut laisser les Tchadiens libres de décider de ce qu'ils veulent»
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Depuis le 15 avril, RFI vous propose une enquête collective sur la mort d'Idriss Déby, le président tchadien tué au combat l'an dernier lors d'affrontements avec les rebelles du FACT dans la région du Kanem. Dans les deux premières parties, nous vous expliquions les causes et les circonstances de sa mort, y compris les incertitudes qui entourent toujours certains détails. Hier dimanche, dans le 3e volet, il était question des premières heures de la transition, de la manière dont les militaires du CMT ont pris le pouvoir en dépit des règles constitutionnelles. Normalement, Idriss Déby mort, c'est le président de l'Assemblée nationale, Haroun Kabadi, qui aurait dû assurer la transition. Mais celui-ci a décidé de renoncer. Celui qui est aujourd'hui le président du Conseil national de transition, le Parlement transitoire, et secrétaire général du MPS, le parti de feu Idriss Déby, s'en explique ce matin sur notre antenne. Au micro de François Mazet, il évoque aussi le dialogue national à venir et la question d'un maintien au pouvoir du fils d'Idriss Déby.

RFI: Une question cruciale du dialogue est celle de l’éligibilité des acteurs de la transition dans les élections qui doivent être organisées à la fin. Pour vous, ces acteurs ne doivent-ils pas pouvoir se présenter ou doivent-ils tous pouvoir se présenter ?
Haroun Kabadi: Pour moi, c’est le Dialogue national inclusif qui décidera de ces questions. Parce que ce sont des questions qui seront discutées et c’est ce que retiendra le dialogue que nous mettrons en exécution. Donc, pour nous autres, il n’est pas question de dire à l’avance ce que nous voulons ou ce que nous ne voulons pas. Je pense que nous partons au dialogue avec un esprit totalement ouvert et nous allons discuter de toutes les questions. Pour, en tous cas, la robustesse même des décisions qui seront prises, il faut les discuter. Il faut que chacun apporte sa contribution dans les échanges que nous aurons et donc, si, déjà, le MPS dit que « ça c’est pas comme ça et ça c’est comme ça », je pense que ça ne marchera pas. Il faut laisser les Tchadiens libres de décider de ce qu’ils veulent.
La question que se posent tous les Tchadiens, forcément, le MPS a été le parti d’Idriss Déby Itno, doit-il devenir le parti de Mahamat Idriss Déby Itno ?
Non. Le MPS, c’est le parti des militants, et le moment venu, on décidera qui sera notre chef en termes de candidature aux élections ou de candidatures à ceci ou cela. Pour l’instant, le président Mahamat Idriss n’est pas notre candidat. Donc, les gens veulent forcer pour dire tout simplement que le MPS est en train de le préparer. Non. Nous ne réparons pas, en tous cas, le Général. Il a une mission, il faut qu’il accomplisse sa mission. Et c’est cette mission-là qui est la plus importante : la stabilité, la sécurité et la paix du pays.
Mais avec son bilan que vous jugez positivement depuis un an, ne serait-il pas un bon candidat ?
Évidemment. Il a quand même pu stabiliser ce pays. Maintenant, si un homme est capable de faire tout ça, c’est quelqu’un qui a le potentiel. Il a dirigé pendant un an, il peut diriger encore. Mais ça, c’est aux Tchadiens de le décider le moment venu. À ce jour, le Général, il est Général. Il préside le Conseil militaire de transition, c’est ça son travail. Demain, on verra.
Le chef de la transition, ça aurait pu être vous, ça aurait dû être vous selon la Constitution. Pourtant, vous avez décliné. Pourquoi ?
J’ai décliné parce qu’avec l’analyse de tout ce que j’ai fait au moment T, j’ai pensé que ma présence en tant que président de la république par intérim ne pouvait pas permettre, vraiment, de trouver la stabilité, la sécurité et la paix que nous avons aujourd’hui. Parce que nous étions en guerre et il n’y a que les militaires qui peuvent mener cette guerre. Les troupes étaient sur le terrain. Il fallait, quand même, que le moral des troupes soit au beau fixe pour qu’elles puissent combattre les forces rebelles. Après l’analyse de tous les éléments que j’avais, j’ai pensé que c’était mieux de mettre en place le Conseil militaire de transition et c’est ce que j’ai décidé. Les gens peuvent être d’accord ou ne pas être d’accord, mais c’est ça ma décision.
Pour vous, le moral des troupes a primé sur le respect des règles de droit ?
Effectivement. Vous avez vu comment ils ont chassé les rebelles. Ils sont revenus victorieux et tout le monde était content. Ai-je raison ? Ai-je tort ? Je ne sais pas. Mais, pour l’instant, je pense que j’ai raison.
À l’époque, on a beaucoup entendu qu’on ne vous avait pas laissé le choix finalement.
Mais moi, j’avais le choix. Je pouvais prendre le pouvoir pour 5 à 6 mois. Si le Tchad devenait une autre Somalie, qu’est-ce que vous alliez dire ? Tous les torts seraient sur Kabadi : « voilà, il aime tellement le pouvoir qu’il a pris maintenant le Tchad. Et en déliquescence totale. Maintenant, il ne peut même pas commander ». Maintenant, je pense que j’ai raison.
On en vous a pas séquestré, on ne vous a pas mis de pistolet sur la tempe. C’est ce que vous voulez dire ?
Tout le monde était là. Personne ne m’a séquestré. Personne ne m’a demandé quoique ce soit. J’ai décidé de moi-même après une analyse approfondie de tous les éléments que j’avais en son temps.
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