Clément Miérassa: une de nos préoccupations, «le silence des autorités sur les scandales financiers»
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Au Congo-Brazzaville, « l'amélioration du processus électoral est une quête permanente », a déclaré le Premier ministre Anatole Collinet Makosso vendredi 15 avril sur RFI. Dans trois mois, en juillet, auront lieu les élections législatives. L'opposition est-elle prête à faire confiance dans les propos du Premier ministre ? Ira-t-elle à ce scrutin ? Clément Miérassa préside la Fédération de l'opposition congolaise. En ligne de Brazzaville, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI : Vous dénoncez souvent la gabegie à la tête du gouvernement congolais, mais la facilité de crédit de quelque 450 millions de dollars que le Fonds monétaire international (FMI) vient d’accorder à votre pays, n’est-ce pas la preuve quand même que le gouvernement fait des efforts ?
Clément Miérassa : Vous savez bien que, dans ce cadre, nous avons eu un problème de dette cachée. Cette fois-ci, il semble qu’ils aient renoué avec le Fonds monétaire international. Mais des problèmes de gabegie ne sont pas réglés, parce qu’en matière de lutte contre la corruption, au moment où des pays comme l’Angola font des prouesses -l’Angola a pu recouvrer cinq milliards de dollars en 2019, a recouvré en début d’année 11 milliards de dollars-, mais au Congo, absolument rien ne se passe. Et une de nos préoccupations, c’est justement le silence observé par les autorités sur les graves scandales économiques et financiers.
Pour développer l’agriculture, le gouvernement va faire venir des fermiers rwandais qui vont exploiter quelque 12 000 hectares de terres arables pendant 25 ans. Est-ce que c’est un bon exemple de coopération Sud-Sud ?
Pour nous, ce n’est pas un bon exemple. C’est la négation de la capacité au travail des Congolais. Et en plus, cela se fait en violation flagrante des lois et règlements de la République, notamment l’article 219 qui dit que « Nulle cession, nul échange, nulle adjonction du territoire national n’est valable sans le consentement du peuple congolais appelé à se prononcer par voie de référendum ».
Mais le gouvernement dit qu’il n’y a aucune cession puisque ces terres seront exploitées par une « société de droit congolais soutenue par une holding rwandaise »…
Ça, c’est le gouvernement qui le dit. Nous suspectons qu’il s’agit d’une cession et nous regrettons que ces accords ne soient pas disponibles pour toute l’opinion nationale.
Dans trois mois, c’est-à-dire au moins de juillet, sont prévues les élections législatives. Est-ce que la Fédération de l’opposition congolaise y participera ?
Pour nous, je dois vous dire que, pour la concertation d’Owando, le ministre de l’Administration du territoire avait reçu la Fédération de l’opposition congolaise le 1er mars et lui avait proposé six places pour prendre part à cette concertation. Nous avons considéré que c’était une mascarade et nous avons décliné cette offre. Pour l’instant, tout ce qui se fait va dans le sens d’une élection qui ne sera ni transparente ni libre ni démocratique ni crédible. Donc, avant l’élection, nous aurons un conseil fédéral de notre fédération. Nous aurons également une convention. Je crois que nous irons dans le sens de ne pas participer à ces élections législatives qui se feront dans l’irrespect total des lois et règlements de la République.
Mais beaucoup disent que la nature a horreur du vide. Est-ce que d’autres partis d’opposition comme l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS) de Pascal Tsaty Mabiala et l’Union des démocrates humanistes-Yuki (UDH-Yuki) du défunt Guy Brice Parfait Kolelas ne vont pas y aller, eux, et ne vont pas prendre votre place dans le cœur des électeurs ?
Je ne me mets pas à leur place. Mais, quand je prends le cas par exemple de l’UPADS de Pascal Tsaty Mabiala, il vous souviendra que l’UPADS avait décidé de ne pas aller à l’élection présidentielle [de 2021]. Et il y a un autre leader de l’opposition qui avait déclaré qu’on ne peut pas aller à une élection dont les résultats sont connus d’avance. Mais les conditions n’ont pas du tout changé. Tout cela se fera dans l’irrespect total des lois et règlements de la République.
Mais à force de ne pas aller aux élections, est-ce que les électeurs ne vont pas finir par vous oublier ?
Mais s’ils nous oublient, vous savez bien que la Fédération de l’opposition congolaise souffre d’avoir deux de ses leaders charismatiques en prison. Vous savez bien qu’André Okombi Salissa et Jean-Marie Michel Mokoko ont déjà purgé six ans de prison, c’est extrêmement lourd. Vous savez également qu’il y a eu des démarches menées par le groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées. Je crois que c’est un problème qui préoccupe beaucoup de pays, qui préoccupe beaucoup de personnalités tant congolaises qu’extérieures. Et nous pensons qu’il faut que l’on aille vers effectivement leur libération effective. Nous continuerons notre combat là-dessus.
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