Ben Bourgel (ambassadeur d'Israël au Sénégal): notre objectif est «d’approfondir et d’élargir» nos relations avec l’Afrique
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Le Soudan, la RDC, le Tchad… sont quelques uns des pays du continent à avoir ces dernières années rétabli des relations avec Israël. Tel Aviv a récemment ouvert des ambassades à Rabat et Kigali. Le gouvernement israélien entretient aujourd’hui des relations diplomatiques avec 43 pays d’Afrique. Un vrai renouveau après des années de brouille. Le pays pourrait même disposer prochainement d’un statut d’observateur au sein de l’Union africaine. Un sujet toutefois sensible, certains pays comme l’Algérie, étant farouchement opposés à cette idée. Pour poursuivre cette opération séduction envers le continent, une conférence sur les défis d’Israël en Afrique est organisée ce mardi à Paris. Ben Bourgel, l’ambassadeur d’Israël au Sénégal, participe à l'événement. Il est notre invité pour justement évoquer l’évolution des relations entre Tel Aviv et le continent.

RFI : Votre pays a lancé, ces dernières années, une opération de normalisation avec les pays du continent, mais cela suscite une levée de boucliers de la part de certains d’entre eux. Est-ce que vous vous attendiez à ces réactions ?
Ben Bourgel : Je dirai que les relations entre Israël et l’Afrique sont des relations de longues dates, elles remontent à la période qui précède les indépendances. Déjà, en 1958, la ministre des Affaires étrangères d’Israël, Golda Meir, visitait les pays d’Afrique de l’Ouest et posait les bases d’une coopération qui a pris de l’ampleur dans les années 60 et qui vient en s’amplifiant ces 20 dernières années. Je ne parlerai pas à ce stade de normalisation à proprement parler, mais plutôt d’approfondissement et d’élargissement de nos relations. Et c’est un élargissement qui s’inscrit dans un contexte très simple d’un côté de convergence d’intérêts, mais aussi à beaucoup d’égard une convergence morale et historique. 15% de la population d’Israël est d’origine africaine, nous avons une frontière terrestre avec un pays d’Afrique et sur les 330 000 experts qui ont été formés en Israël, plus de 40% ont été formés en Afrique.
Mais quand on regarde en juillet dernier, Moussa Faki Mahamat, le président de la commission de l’Union africaine, vous avait accordé un statut d’observateur au sein de l’UA, mais certains pays s’y sont opposés. Résultat : un comité est chargé depuis de la question en vue du sommet de février 2023. Ce statut d’observateur, vous avez toujours bon espoir de l’obtenir.
Absolument. Ce statut a été accordé à Israël en juillet dernier, un certain nombre d’États s’y sont opposés malgré la majorité écrasante de membres de l’UA qui ont des relations diplomatiques avec Israël, mais quand on observe les priorités de la présidence de l’Union africaine pour cette année, que ce soit la lutte contre le réchauffement climatique, la stabilité, les questions de sécurité alimentaire, on ne peut que se rendre compte que le sens de l’histoire est d’avoir Israël qui obtient définitivement ce statut.
Ce rapprochement avec l’Afrique ne se veut pas que diplomatique, il est aussi et surtout économique. Quels sont les domaines sur lesquels vous souhaitez mettre l’accent ?
Les domaines de prédilection seront bien entendu l’agriculture, tout ce qui concerne la maîtrise de l’eau, la digitalisation qui est un sujet très, très saillant aujourd’hui dans les métropoles africaines. Nous sommes aussi ouverts à toute forme de coopération dans lesquelles nous pourrons trouver entente commune avec nos partenaires.
Coopération économique, mais aussi sécuritaire. En novembre dernier, un accord cadre de coopération sécuritaire a été signé avec Rabat. Votre objectif, c’est aussi de vendre vos technologies en la matière sur le continent, c’est ça l’idée ?
Je pense que les développements de ces dernières années ont prouvé aux uns et aux autres que l’instabilité, la menace terroriste, étaient des défis auxquels étaient confrontés non seulement les pays africains, mais aussi Israël, et nous sommes tout à fait disposés à dialoguer avec eux pour voir comment renforcer cette stabilité. En ce qui concerne les transferts de technologie, nous opérons dans le cadre de la légalité en Israël et des normes qui ont été établies.
On se souvient qu’il y a eu cette affaire Pegasus, du nom de ce logiciel espion qui a défrayé la chronique l’été dernier. C’est une société israélienne, NSO, qui commercialise ce logiciel. Certains ont accusé NSO, et au-delà Israël, de commercer et même d’aider les régimes autoritaires. Que leur répondez-vous, Ben Bourgel ?
Je leur réponds que le cadre de transfert de technologies qui est établi en Israël s’inscrit dans le cadre de la loi, que, lorsque cette loi semble avoir des failles, nous travaillons pour améliorer, et nous sommes parfaitement disposer à améliorer le cadre de notre législation.
Et là-dessus, il y a eu des choses qui ont évoluées depuis que cette affaire a éclaté en Israël dans sa relation avec certains États ?
Je pense qu’au-delà de l’affaire que vous mentionnez, peut-être la chose la plus importante pour nous est de voir comment nous pouvons identifier, œuvrer ensemble, pour travailler à la stabilité et à la sécurité dans la région, notamment au-delà des menaces jihadistes. Nous sommes très perturbés et très inquiets par ce qui pourrait être une percée iranienne ou une percée des milices chiites du Hezbollah, notamment dans les régions du golfe de Guinée et d’Afrique de l’Ouest. Et donc, c’est pour nous un point très important à soulever avec nos partenaires.
À travers ce soutien sécuritaire que vous apportez à Rabat, est-ce que vous ne contribuez pas tout de même à mettre le Maroc dans une position offensive à l’égard de l’Algérie ?
Je pense que ce soit le Maroc ou tous nos autres partenaires sur le continent africain, chacun, de manière souveraine, décide de la nature de ses relations diplomatiques et c’est peut-être ça la valeur ajoutée des accords d’Abraham, c’est qu’on sort d’un paradigme, qui était peut-être un paradigme manichéen d’être pour ou contre Israël, à une situation dans laquelle chacun fait en fonction de ses intérêts et de ses convergences de valeur.
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