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Arrestations au Mali: «La junte en veut à la Côte d'Ivoire par rapport aux sanctions de la Cédéao»

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Après l'arrestation de 49 soldats ivoiriens dimanche à l’aéroport de Bamako, que la junte au pouvoir qualifie de mercenaires, c'est le bras de fer entre la Côte d'Ivoire et le Mali. Abidjan assure de son côté que ce sont bien des soldats de l'armée régulière qui venaient sécuriser des sites de la Mission des Nations unies au Mali (Minusma). Mais rien à faire, Bamako ne veut rien entendre. Analyse d'Arthur Banga, historien et professeur à l'université Félix-Houphouët-Boigny d'Abidjan.

Des soldats ivoiriens lors de l'inauguration de l'académie militaire de Jacqueville près d’Abidjan, le 10 juin 2021.
Des soldats ivoiriens lors de l'inauguration de l'académie militaire de Jacqueville près d’Abidjan, le 10 juin 2021. © REUTERS / Luc Gnago
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RFI : Cette montée de tension entre le Mali et la Côte d'Ivoire survient alors qu'on était dans une période de désescalade dans la région, après la levée de sanctions de la Cédéao contre Bamako il y a une dizaine de jours. Qu'est-ce qui peut expliquer cette montée au créneau ?

Arthur Banga : D'abord il faut rappeler que nous sommes effectivement dans des incidents qui auraient pu se gérer plus simplement, plus diplomatiquement parce que finalement, ce ne sont que quelques erreurs administratives qui ont coûté cette montée de tension. En fait ce qui peut l'expliquer, c'est que déjà la junte malienne, je pense, en veut encore aux autorités ivoiriennes, parce que pour elle la Côte d'Ivoire a été en tête, en première ligne, dans le durcissement de la position de la Cédéao, je pense que ça peut expliquer en grande partie le ressentiment que peut avoir la junte malienne face aux autorités ivoiriennes. Elle trouve donc là une occasion de montrer son mécontentement et de pouvoir bander les muscles en quelque sorte.

Vous avez dit également que le Mali chercherait à s'en prendre à la France à travers la Côte d'Ivoire ?

Oui, quelque peu, parce que pour les Maliens, et encore plus pour la junte malienne, toutes les sanctions de la Cédéao et toute cette mise au ban de la communauté internationale est la volonté de Paris, et Paris a pu le réussir parce que selon eux Abidjan fait partie des alliés sûrs de Paris sur le continent. Et c’est une façon aussi de contester la puissance ou la position française en compliquant la vie des Ivoiriens, en contestant les autorités ivoiriennes, d'ailleurs c'est un message clair, emmené à Paris comme ils l'ont fait avec les Danois il y a quelques mois, mais c'est toujours dans le viseur, contester ou montrer sa différence et ses divergences avec le pouvoir à Paris.

Comment réagit-on du côté d'Abidjan à toute cette affaire ?

Pour l'instant, Abidjan privilégie la voie diplomatique, veut éviter la surenchère dans laquelle tombent les Maliens et donc garde pour l'instant le silence et préfère agir par voie diplomatique souterraine, et pour l'instant les autorités ivoiriennes estiment que cette voie est plus efficace, c'est la voie de la négociation et des négociations souterraines qui sont privilégiées par Abidjan.

La junte malienne est souvent accusée de faire dans le coup d'éclat, certains parlent même de populisme, qu'en pensez-vous ?

La junte malienne, comme toutes les juntes, ils ont besoin de légitimité les putschistes et donc une façon pour tous les putschistes de se légitimer, c'est mettre en évidence le nationalisme, patriotisme, et donc faire un peu de populisme. Aujourd'hui, ils ont su mobiliser au début des sanctions autour de ça, autour du nationalisme, autour du patriotisme, du panafricanisme, de la lutte contre l'impérialisme occidental et donc là en remettant encore un ennemi extérieur qui veut attaquer cette junte, ça lui permet de légitimer, de renforcer son emprise sur ses partisans. D'ailleurs, ça s'est fait aussi à l'interne n'oubliez pas qu'il y a quelques mois elle a accusé certains de coup d'État avant de les libérer, donc ce populisme fait partie des méthodes de la junte malienne.

Quelle peut être l'issue selon vous, de ce bras-de-fer entre les deux pays ?

Je pense que malgré tout, même si officiellement les Maliens contestent et sont très actifs, le fil de la discussion n'est pas rompu. Et pour ce que j'ai pu entendre les Ivoiriens détenus par les autorités maliennes sont dans de bonnes conditions, donc on peut espérer avoir une solution diplomatique le plus tôt possible. De toute façon, c'est la voie à privilégier parce que ces deux pays sont liés, n'oublions pas que la Côte d'Ivoire participe à la Minusma.

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