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Présidentielle au Kenya: «William Ruto a joué la carte du clivage social»

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William Ruto vainqueur de la présidentielle au Kenya : c'est l'annonce faite hier, lundi 15 août, à Nairobi par la commission électorale. Quelles sont les raisons de sa victoire ? À Nairobi, Francesca Di Matteo est la directrice adjointe de l'IFRA, l'Institut français de recherche en Afrique. 

Les partisans de William Ruto célèbrent sa victoire à Eldoret au Kenya, le 15 août 2022.
Les partisans de William Ruto célèbrent sa victoire à Eldoret au Kenya, le 15 août 2022. © AFP / SIMON MAINA
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William Ruto vainqueur de la présidentielle au Kenya : c'est l'annonce faite hier, lundi 15 août, à Nairobi par la commission électorale. Quelles sont les raisons de sa victoire ? À Nairobi, Francesca Di Matteo est la directrice adjointe de l'IFRA, l'Institut français de recherche en Afrique.

Pourquoi William Ruto a-t-il réussi cette percée électorale ?

Alors William Ruto a bien joué ses cartes, il a déjà mis en avant la situation économique et financière, il a beaucoup parlé de crise économique, il a parlé des problèmes de la classe populaire avec ce concept de la « hustler nation », donc les gens de la rue, et ça a vraiment bien pris parce qu'on est dans une situation économique très difficile.

La nation des débrouillards ?

Oui, je pense qu’on pourrait le traduire comme ça. En fait, le « hustler » ou le débrouillard, à Nairobi et au Kenya, c’est un concept qui était très péjoratif, je n’ai jamais entendu dire que c’était bien d’être un « hustler », mais il a bien réussi à retourner ce mot en le valorisant, donc en valorisant la débrouillardise, et de façon assez populiste comme on l’a vu parfois chez nous aussi en Europe.

Donc on peut dire qu’il a tenu un discours contre les élites, contre le système, et que ça a marché ?

Exactement, oui.

William Ruto n’est ni Kikuyu, ni Luo, il n’appartient à aucun des deux principaux groupes ethniques du pays, est-ce qu’on peut dire que le clivage social a pris le dessus sur le clivage ethnique ?

Oui, il n’est pas Kikuyu, pas Luo, mais il est Nandi, il fait partie de ce que le président Moi a appelé les Kalendjins, donc un regroupement de groupes ethniques qui représentent une grosse partie de la Vallée du Rift, donc il ressort quand même d’un groupe ethnique pas minoritaire, mais oui, il a joué la carte du clivage social, et comme il a dit dans son discours [de victoire], il a dit qu’il était content que la mauvaise ethnicité avait été écartée du jeu politique parce que selon lui c’étaient les programmes qui avaient eu une vraie emprise et un vrai succès chez les électeurs. Après, moi, ce que je pense, c’est qu’au niveau local, les clivages ethniques sont toujours assez vifs, à cause des incitations politiques des politiciens.

Alors le camp Raila Odinga conteste, mais comment peut-il le faire alors que les procès-verbaux des résultats sont tous en ligne ?

C’est ce qu’on se demande tous. Il y a sept commissaires dans la commission électorale, et quatre se sont retirés, ils n’ont pas voulu assister à la proclamation [de la victoire de Ruto], et ils ont dit que c’était parce que le décompte des votes avait été fait d’une façon très opaque, mais ils n’ont pas voulu donner de détails, ce qu’ils feront dans les jours qui suivent, donc on verra.

Est-ce que les divisions au sein de la commission électorale sont de nature politique ?

Oui, il semblerait qu’elles soient de nature politique. Il semblerait que les commissaires qui ont fait défection, ce sont des commissaires qui ont été nommés après la fameuse poignée de main, donc le « hand shake » de 2018, lorsque le président Kenyatta a serré la main à Raila Odinga. Il parait que ces commissaires ont été nommés à la suite de ce « hand shake » (poignée de main, en français), et de toute façon, on est sûr qu’il y aura un recours devant la Cour suprême, car le porte-parole de la coalition Odinga, il a dit qu’il n’acceptait pas ces résultats, qu’ils n’étaient pas fiables, que le processus n’a pas été transparent, et que la proclamation de Ruto était illégale, donc il semble évident qu’ils formeront un recours.

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