Élections en Angola: «Il y a une grande lassitude du pouvoir, notamment chez la jeunesse marginalisée»
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En Angola, les citoyens du pays sont appelés à élire leurs députés ce mercredi 24 août. Le candidat majoritaire deviendra le chef de l’État. Le pays est dirigé par le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) depuis son indépendance en 1975. Mais cette fois, le scrutin s’annonce serré avec une opposition revigorée autour de son principal parti, l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (Unita). Pour en parler, Didier Péclard, spécialiste de l'Angola à l’université de Genève, est au micro d’Alexandra Brangeon.
Cela fait 47 ans que le MPLA est au pouvoir, depuis l’indépendance de l’Angola, est-ce qu’il pourrait encore remporter cette élection, ou est-ce que l’opposition a une chance cette fois-ci ?
Écoutez, on est dans une situation assez paradoxale et assez tendue, parce que d’un côté, le MPLA est quand même très fermement installé au pouvoir, il a un contrôle total sur tous les leviers du pouvoir politique, économique, et cela, à tous les niveaux du pays. Il a pu injecter aussi des moyens disproportionnés dans la campagne pour les élections. En même temps, il y a une grande fatigue du pouvoir, une grande lassitude au sein de la population, et notamment au sein de la jeunesse marginalisée qui est très avide de changement. Et enfin le dernier point, face au MPLA, on a sept autres partis, mais le parti principal ça reste l’Unita, l’ancien parti rebelle qui a mené la guerre civile contre le MPLA qui s’est profondément réformé et qui est beaucoup plus fort qu’il ne l’était lors des précédents scrutins.
Et pourtant le président Lourenço a lancé plusieurs réformes en arrivant au pouvoir, ça n’a pas été suffisant ?
Effectivement, lorsqu’il a été élu en 2017, Joao Lourenço s’est présenté comme un candidat, disons, de la rupture de la continuité puisque évidemment il est issu du même parti, mais il était très important à ce moment-là pour le parti MPLA de se démarquer de la fin de l’ère du président précèdent José Eduardo dos Santos marqué par une corruption généralisée, par un enrichissement très important notamment de son clan familial et il était indispensable pour le MPLA de prendre des distances par rapport à ça. Joao Lourenço a surpris tout le monde en s’attaquant frontalement à José Eduardo dos Santos et à sa famille, cela au nom de la lutte contre la corruption. Mais en même temps, rapidement, les espoirs ont été déçus parce qu’on a vu que la lutte contre la corruption s’est finalement arrêtée à un cercle très restreint autour du clan Dos Santos, et qu’il n'y a pas eu de réforme fondamentale, il n’y a pas une plus grande transparence. Aussi, les pouvoirs sont restés tout aussi concentrés et l’exercice du pouvoir tout aussi autoritaire qu’il l’était à l’époque de Dos Santos. Si on ajoute à ça une profonde crise économique depuis le milieu des années 2010, suite à la chute des cours du pétrole, on a une situation qui est vraiment tendue pour le MPLA.
Et donc malgré les promesses de lutte contre la corruption, lutte contre la pauvreté du gouvernement, la population n’en a pas profité ?
Très largement pas, effectivement, l’Angola est actuellement le principal producteur de pétrole en Afrique subsaharienne, devant le Nigéria, et il dispose aussi d’importantes autres richesses, notamment minières, le diamant entre autres, et puis des sols qui sont très fertiles. Mais, s’il y a une très forte concentration du pouvoir politique, il y a une encore plus forte concentration du pouvoir économique et des richesses du pays aux mains d’une toute petite partie de la population, et on est encore dans un contexte où une partie importante de la population vit avec deux ou moins de deux dollars par jour.
Face au MPLA, il y a l’autre grand parti historique, l’Unita, avec à sa tête Adalberto Costa Júnior, est-ce que c’est une alternative crédible aujourd’hui ? Là aussi, il s’agit d’un parti qui existe depuis l’indépendance.
Effectivement, l’Unita est sorti très affaibli de la guerre en 2002, n’a jamais disparu politiquement, et s’est transformé véritablement en parti politique. Mais surtout, ce qui change cette fois, c’est que là où l’Unita était pendant longtemps un parti plutôt des campagnes, des zones rurales, est devenu un parti très fortement ancré dans le milieu urbain et notamment avec un fort soutien auprès des jeunes bien formés. Adalberto Costa Junior est né à Lunda, il a passé de nombreuses années à l’extérieur du pays, et il a su parler à cette jeunesse qui se sent profondément marginalisée, sans espoir et qui est vraiment avide de changement.
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