Le grand invité Afrique

Immigration: «Un des points de la rhétorique du bloc de droite en Italie, c’est les Italiens d’abord»

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En Italie, l’extrême droite a remporté les élections législatives de dimanche et Giorgia Meloni, la cheffe de Fratelli Italia, pourrait prendre la tête du prochain gouvernement. Durant sa campagne, elle s’en est pris aux migrants et à l’immigration illégale. Quelle politique migratoire pourrait-elle mettre en place ? Au-delà, quel avenir pour les relations entre Rome et les pays africains ? Maurizio Ambrosini, professeur en sociologie des migrations à l’université de Milan, est l’invité de RFI.

Des migrants se tiennent sur le pont du navire de sauvetage de l'ONG espagnole Open Arms alors qu'ils attendent de descendre du navire après avoir accosté au port de Messine, en Sicile, en Italie, le jeudi 22 septembre 2022.
Des migrants se tiennent sur le pont du navire de sauvetage de l'ONG espagnole Open Arms alors qu'ils attendent de descendre du navire après avoir accosté au port de Messine, en Sicile, en Italie, le jeudi 22 septembre 2022. © AP Photo/Petros Karadjias
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Que va changer l’arrivée de l’extrême droite dans la politique africaine de l’Italie ?

Maurizio Ambrosini : Pour ce que l’on peut dire à partir de leurs programmes électoraux, je crois que c’est que l’Afrique est importante pour l’Italie surtout sur les dossiers du contrôle des migrations. Ils ont annoncé dans la campagne électorale d’un côté un blocus naval. Giorgia Meloni avait fait cette proposition. De l’autre côté, la Ligue (du Nord) surtout avait insisté sur les accords avec la Libye et sur la prévention de nouvelles arrivées. Donc, je pense qu’ils signeront d’autres accords. Ils vont renforcer, financer davantage les accords avec la Libye, probablement avec la Tunisie pour prévenir des arrivées (en provenance) de la mer. Et ils essaieront d’envoyer des unités navales italiennes et ils essaieront de renforcer la collaboration avec les États sur la côte.

Comme d’autres gouvernements européens avant elle, Giorgia Meloni s’est dit favorable à la création de hotspots en Afrique pour évaluer sur place qui a le droit d’obtenir le statut de réfugié. Dans son idée, si on comprend bien, ces structures seraient créées par l’Union européenne ?

Oui. Les partis de droite essaient de se décharger des responsabilités de la gestion de l’asile sur l’Union européenne. Aussi cette proposition est adressée à l’Union européenne pour des raisons un peu économiques, mais surtout de stratégie politique. Si on n’arrive pas à le faire, comme je crois, ils pourront dire que c’est la faute de l’Union européenne.

En matière énergétique, l’Italie a multiplié ces derniers mois les accords avec des pays du continent africain pour sortir de sa dépendance au gaz russe. D’ici la fin de l‘année, l’Algérie devrait devenir le premier fournisseur de gaz du pays. Est-ce que cette stratégie d’ouverture vers le continent africain peut être remise en cause ?

Non. Je ne crois pas. Sur les aspects fondamentaux, je ne crois pas que le bloc de droite aura des marges de manœuvres importantes. Je suis moins sûr sur ce qu’il va arriver sur le dossier coopération internationale. La droite, dans sa rhétorique, en Italie, a souvent affirmé qu’il faut aider les migrants dans leur propre pays. Mais dans le passé, quand ils étaient au gouvernement, ils ont coupé les fonds pour la coopération internationale. J’ajoute que, un des points de la rhétorique du bloc de droite en Italie, c’est les Italiens d’abord. Cela signifie, moins de ressources pour les chercheurs d’asile, pour les immigrés et moins de ressources pour les Africains en Afrique ou pour les pays en voie de développement.

Est-ce que l’arrivée de l’extrême droite aux affaires peut pousser certains pays africains à revoir leurs accords passés avec l’Italie ?

C’est possible. Cela dépend jusqu’à quel point le gouvernement va pousser son hostilité avec les Africains, les Arabes, les musulmans... Mais, si je dois parier, je dirais plutôt non, parce que je pense qu’on va avoir une distance entre la rhétorique, les politiques déclarées et les politiques pratiquées. Par exemple, pour contrôler les arrivées de la mer, ils vont donner plus de fonds aux gouvernements du nord de l’Afrique et notamment aux plus imbriqués dans les départs des demandeurs d’asile. Et donc, c’est la contrainte des autres objectifs qui va obliger le gouvernement italien à une attitude de coopération avec les gouvernements de l’Afrique du Nord.

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