Législatives au Bénin: «Ce serait dommage que pour une énième fois, l'opposition soit écartée»
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Au Bénin, voilà bientôt sept ans que le président Patrice Talon est au pouvoir et que l’opposition ne peut pas participer aux élections nationales. La dernière fois, c’était en mars 2016. Et, lors des législatives du 8 janvier prochain, rien ne garantit que l’opposition pourra concourir. En effet, pour participer à ce scrutin, tous les candidats du parti Les Démocrates, le principal parti d’opposition, doivent être à jour de leurs impôts et obtenir, d'ici à ce mardi au plus tard, un quitus fiscal. Va-t-on vers de nouvelles élections à sens unique ? Entretien avec Komlan Léon Ahossi, deuxième vice-président du parti Les Démocrates.

En 2019, aucun parti d’opposition n’a pu se présenter aux élections législatives. Cette fois-ci, est-ce que votre parti Les Démocrates va pouvoir concourir ?
Komlan Léon Ahossi : Oui. En 2019, les partis d’opposition avaient exprimé le désir de compétir, mais ils n’ont pas pu. Ils ont été bloqués par un document appelé « certificat de conformité ». Pour les élections législatives de 2023, le parti Les Démocrates est partant. Nous avons fait toutes les formalités et nous attendons les derniers réglages.
Le 3 novembre, en effet, votre parti Les Démocrates a franchi la première étape, celle du dépôt des dossiers des candidats. Mais, maintenant, nous sommes « aux derniers réglages », comme vous dites, c'est-à-dire à la deuxième étape où chacun des candidats de votre parti doit obtenir d’ici demain, mardi, un quitus fiscal de la part de la Direction générale des impôts. Où en est-on ?
Oui, évidemment. Il y a toujours un petit document, un argument qui vient déranger les partis d’opposition. Le quitus fiscal pose problème parce que, en fait, la loi, le code électoral prévoit qu’on se mette en règle et que l’administration fiscale nous rappelle les choses que nous n’avions pas pu observer, et en une seule fois. Ce sont sur ces remarques que nous traînons en ce moment et nous espérons vivement que, d’ici à mardi, on trouvera la formule pour les surmonter.
C’est-à-dire que l’administration fiscale demande à chacun des 109 candidats de votre parti de payer tous ses arriérés d’impôts. Est-ce que tous vos candidats pourront être à jour de leurs impôts d’ici demain mardi ?
Oui. En fait, sur le montant, les intéressés ne font pas la même lecture que l’administration fiscale. Et cela fait qu’ils sont en pourparlers. Les discussions par rapport aux montants qu’on a demandés à 3 de nos collègues, les discussions sont donc ouvertes depuis jeudi et vont probablement prendre fin ce lundi pour leur permettre d’obtenir leurs quitus fiscaux pour que, pour une fois depuis 2016, l’opposition soit présente aux élections.
Vous nous dites que, sur vos 109 candidats pour les 109 sièges à pourvoir, il y en a 3 qui n’ont pas encore leurs quitus fiscaux. Si ces 3 là ne les obtiennent pas d’ici demain mardi, est-ce que les 106 autres candidats pourront quand même concourir ?
Non, ils ne pourront pas concourir. À défaut d’obtenir un véritable compromis politique, ils ne pourront pas concourir. Cela veut dire que la liste ne sera pas en lice.
C’est tout ou rien…
Voilà. Il suffit qu’un seul ne soit pas en règle et toute la liste tombe. Tel que le code électoral est rédigé, c’est tout ou rien.
Alors du côté de la majorité, on dit que la règle est la même pour tout le monde et que, si un candidat d’un parti de la majorité n’a pas son quitus fiscal, aucun autre candidat de ce parti ne pourra se présenter. Est-ce que vous entendez cet argument ?
En fait, c’est ce que dit la loi. Mais, malheureusement, ceux qui contrôlent la régularité des dossiers, c’est d’abord eux. Je dois vous dire que le président [Sacca Lafia] de la Commission électorale nationale autonome (Cena) est membre de l’un des partis qui soutiennent le chef de l’État. Cela veut dire déjà que, eux, savent ce qui se passe dans notre camp. Et nous ne pouvons pas savoir ce qui se passe de leur côté.
C’est-à-dire que vous n’êtes pas certain que, d’ici demain, tous les candidats du Bloc républicain ou de l’Union progressiste seront à jour de leurs impôts et auront leurs quitus fiscaux ? Et vous ne pourrez jamais le savoir ?
Non, on ne pourra pas le savoir. Ça, c’est clair. Mais je présume qu’on nous dira que c’est bon de leur côté.
Parce que l’enjeu de ces discussions, c’est : oui ou non la présence de l’opposition aux prochaines élections législatives ?
C’est ça le cœur du débat. Et ce serait dommage que, pour une énième fois, l’opposition soit subtilement écartée des élections.
Lors du premier mandat du président Patrice Talon, l’opposition n’a pas pu se présenter aux législatives. Espérez-vous que, lors de ce second mandat, vous pourrez y aller ?
Oui. Nous l’espérons parce que cela devient visible et cela gêne la conscience collective que, à chaque fois qu’il y a élection, c’est toujours l’opposition qui a des ennuis. Cela devient gênant. Et nous pensons que nos dirigeants devraient en tenir un peu compte pour décrisper l’atmosphère sociale, et surtout pour soigner un peu le visage de notre pays à l’international, parce que ça prouve qu’il n’y a que l’opposition qui ne sait pas faire. C’est gênant. De toute façon, nous, nous pensons que d'ici à ce soir, demain avant le dépôt des dossiers, nous trouverons le consensus.
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