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Louise Mushikiwabo (OIF): «Il y a une défiance citoyenne, il faut une grande prise de conscience aujourd’hui»

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À la veille de l’ouverture du XVIIIe sommet de la Francophonie à Djerba, la secrétaire générale de la Francophonie Louise Mushikiwabo a accordé une interview exceptionnelle à RFI et France 24. Dans cet entretien, la responsable revient sur les polémiques qui ont entouré le choix de la Tunisie pour accueillir ce sommet. Elle estime que les coups d’État à répétition, qui ont eu lieu dans plusieurs pays africains de l’espace francophone, sont « perturbants ». Dans un contexte de défiance citoyenne croissante, elle appelle également les dirigeants à « prendre conscience ». « Le sort de nos pays, explique-t-elle, dépend surtout de la qualité de la gouvernance de nos dirigeants. » Interrogée par Marc Perelman et Laurent Correau, Louise Mushikiwabo défend par ailleurs son bilan sur les dossiers politiques.  

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Louise Mushikiwabo, lors de l'entretien accordé à RFI et France 24, le 18 novembre 2022.
Louise Mushikiwabo, lors de l'entretien accordé à RFI et France 24, le 18 novembre 2022. © RFI/France 24
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Laurent Correau : La démocratie a subi des coups très durs au sein de la Francophonie ces derniers mois. Il y a des pouvoirs militaires de transition qui se sont installés dans plusieurs pays : au Mali, au Tchad, au Burkina Faso, en Guinée. Est-ce que vous diriez que c’est une maladie de l’espace francophone et que doit faire l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) face à cette situation ?

Louise Mushikiwabo : D’abord, c’est une situation qui me désole, moi, en tant que secrétaire générale de la Francophonie, parce que ce sont nos pays membres. Les coups d’État qui reviennent sur le continent, c’est quand même perturbant. Le passage de la gestion dans le pays de civils aux militaires et de militaires à d’autres militaires, personnellement, ça me désole parce que cela crée une certaine instabilité au niveau du pays et l’instabilité politique ne permet pas d’avancer sur d’autres plans, à commencer par le plan économique. Et en période aussi compliquée économiquement, telle que nos pays l’ont vécue avec la pandémie, on doit tout faire - et la Francophonie, et l’OIF en particulier, joue son rôle là-dedans. Il faudrait que l’on revienne un peu à la normale.

Marc Perelman : En parlant d’un pays qui est dans l’actualité pour de tristes raisons, le Tchad. Il y a eu des évènements tragiques le 20 octobre, lors des manifestations contre la prolongation de la période de transition, suivies d’une violente répression. On parle entre 50 et 200 morts. L’OIF a sorti un communiqué le lendemain des violences appelant au dialogue, au calme... On a quand même un petit peu l’impression que c’est le service minimum. Est-ce que vous êtes plus impliquée pour tenter de résoudre cette situation qui est exactement celle que vous venez de décrire ?

L.M. : Pour le Tchad, l’OIF s’est fortement impliquée. Depuis la crise, j’ai dépêché deux personnes qui ont travaillé depuis le mois de mars aux côtés des négociateurs qui étaient réunis à Doha. De toutes les crises que nous avons eues cette année, le Tchad est le pays où nous avons beaucoup investi. Nous continuons, nous restons présents que ce soit dans le chemin du retour à la Constitution… Mais vous savez, ce ne sont pas les organisations multilatérales ou internationales qui vont changer la vie politique de nos pays. Ce sont les dirigeants des pays et ce sont les citoyens des pays. Le sort politique est autre. Nos pays dépendent surtout de la qualité de la gouvernance de nos dirigeants.

L.C. : Et que doivent faire justement les dirigeants pour que cela change ?

L.M. : Prendre conscience. Ce sera le sujet du huis-clos politique de ce sommet. Il y a une défiance citoyenne dans le monde francophone et dans le monde en général. Il faut une grande prise de conscience aujourd’hui.

M.P. : Certains observateurs pensent que l’OIF porte moins d’attention à la défense de la démocratie, à la défense des droits de l’homme. Et certains estiment que c’est parce que vous venez d’un pays, le Rwanda, qui est lui-même vivement critiqué par les organisations des droits de l’homme et que vous avez en quelque sorte importé cette culture ici à l’OIF…

L.M. : Je n’aime pas être sur la défensive sur les questions politiques ou de démocratie, surtout pas par rapport à mon pays dont je suis très fière de la gouvernance politique et autre. Mais, je crois encore une fois que les responsabilités doivent être très clairement définies. Les décisions qui se prennent à l’OIF sont des décisions prises par les États. Donc, si les États n’arrivent pas à trouver une voie commune, un chemin clair, je pense que la responsabilité va aux États sur les questions démocratiques. Pour ceux qui sont honnêtes, il y a quand même un très bon bilan.

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