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«Le Rwanda dément» un soutien au M23 après un rapport de l’ONU, selon le porte-parole du gouvernement rwandais

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Selon un rapport d'experts mandatés par l'ONU, dont la publication est attendue dans les prochains jours, mais qui a fuité dans la presse ce jeudi, il existe des preuves d'une « implication directe » des forces de défense rwandaise dans l'est de la RDC. Après un premier rapport en août dernier, les experts des Nations unies accusent de nouveau le Rwanda de soutien au groupe armé du M23, un soutien toujours démenti par Kigali. Alain Mukuralinda, porte-parole adjoint du gouvernement rwandais, est l'invité de RFI.

Alain Mukuralinda, porte-parole adjoint du gouvernement rwandais.
Alain Mukuralinda, porte-parole adjoint du gouvernement rwandais. © France 24
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Un rapport d’experts, mandatés par l’ONU et transmis au Conseil de sécurité ce jeudi, accuse le Rwanda d’avoir fourni des armes, des munitions et des uniformes au groupe armé du M23. Comment réagissez-vous à ces accusations ?

Alain Mukuralinda : On a déjà entendu ces accusations, il y a 3, 4, 5 mois. Le rapport n’est pas encore sorti officiellement. On attend de voir concrètement les preuves dont on parle pour les examiner et pouvoir réagir en conséquence. Aujourd’hui, on se base sur des paroles, on se base sur des témoignages que le Rwanda n’a pas encore vus. Donc, c’est difficile de réagir. Mais ce qu’on a toujours dit, le Rwanda n’a pas besoin du M23 pour assurer sa propre sécurité et le M23 n’a pas besoin du Rwanda pour pouvoir soutenir ses revendications par rapport à son gouvernement.

Donc, quand on lit dans ce rapport que le Rwanda fournit des munitions, des uniformes et des armes au M23, est-ce que c’est faux ? Est-ce que le Rwanda le dément ?

Le Rwanda le dément, parce que, jusqu’à aujourd’hui, on nous a parlé des militaires qui traversaient les frontières, on n’en a pas vus. On a juste vu deux militaires qui ont été arrêtés et on a expliqué dans quelles conditions. On nous a parlé des uniformes aujourd’hui. On n’a vu que 3 ou 4 uniformes qui ont été exposés par le gouvernement congolais. On a expliqué comment ces uniformes ont pu arriver de l’autre côté de la frontière et on sait très bien qu’à l’est du Congo, les frontières sont poreuses. Les groupes qui pullulent là-bas exploitent et le sous-sol et le sol congolais. Pourquoi est-ce qu’ils n’auraient pas les moyens pour s’approvisionner en armes ? Mais, s’il y a des preuves, on va les examiner.

Dans ce rapport, on parle également de preuves substantielles d’une intervention directe de l’armée rwandaise en RDC entre novembre 2021 et octobre de cette année, est-ce que les Forces de défenses rwandaises (RDF) opèrent en RDC ?

Je pense que si, aujourd’hui, on parle de colonnes de militaires rwandais ou de commandos, on en parle depuis 5, 6 mois, on aurait pu quand même avoir des preuves tangibles. On n’en a pas. On n’en a pas parce qu’il n’y a pas eu ces mouvements qui traversent les frontières.

Aujourd’hui, vous démentez clairement le soutien du Rwanda au M23 ?

Nous le démentons et on rappelle aussi que, dans ce rapport, on parle du soutien des FARDC [Forces armées de la République démocratique du Congo] par rapport aux groupes rebelles, et notamment les FDLR [Forces démocratiques de libération du Rwanda]. On n’en parle pas. Aujourd’hui, on ne fait que parler du M23. Donc, il y a des raisons qui poussent à ce qu’on ne parle que d’une partie du problème, à ce qu’on ne parle que d’un seul mouvement alors qu’il y a plus de 130 mouvements. Donc, il faut faire attention et le Rwanda dément.

Après les États-Unis il y a quelques semaines, la France condamne à son tour pour la première fois le soutien du Rwanda au M23 à l’est de la RDC. Que leur répondez-vous ?

Je pense que c’est une erreur. C’est une erreur qui se répète. Donc, on est en train de se détourner du vrai problème qui se pose à l’est du Congo. Et également, cela a un impact négatif sur la sécurité des pays voisins et du Rwanda.

Vous dites que le massacre de Kishishe est une fabrication du gouvernement congolais. Et pourtant, un rapport préliminaire de l’ONU a comptabilisé 131 morts dans ce village du Nord-Kivu et, depuis ce lundi 19 décembre, RFI diffuse tous les jours les témoignages très précis de rescapés qui se sont réfugiés à Goma. Pour vous, la mort de civils congolais le 29 novembre dernier dans la localité de Kishishe, ce n’est qu’un mensonge ?

Dire qu’il y a eu des morts et dire comment ces gens sont morts, c’est deux choses différentes. On sait très bien que dans cette région, il y a eu des affrontements entre le M23 et les FARDC soutenues par les groupes armés. Il faut qu’il y ait des enquêtes. Or, les autorités congolaises disent elles-mêmes qu’elles n’ont pas encore pu faire des enquêtes. Alors affirmer des choses sur lesquelles personne n’a enquêté, quelqu’un de dépendant, je pense que c’est aller trop vite dans la besogne. Et c’est surprenant de voir que ces pays qui, aujourd’hui, condamnent et qui critiquent ont repris la narration du gouvernement congolais. Oui, il y a eu des affrontements. Oui, il y a eu des morts. Mais laissons la place à une enquête sérieuse et non partisane. Et après, on pourra toujours dire "voilà, le responsable est celui-là", suite à des enquêtes sérieuses.

Et donc, le gouvernement de la RDC multiplie les accusations contre le Rwanda, notamment avec la publication ce mois-ci d’un livre blanc sur « les agressions avérées de la RDC par le Rwanda ». Est-ce que le dialogue est rompu entre les deux pays ?

Non. Le dialogue n’est pas rompu, mais continuer à accuser un peu partout… dans des forums… je pense que cela démontre une façon de fuir ces responsabilités, une incompétence ou une incapacité totale de résoudre le problème qui se pose à l’est du Congo, et de chercher un bouc émissaire. Aujourd’hui, tout le monde admet que dans cette région, il y a plus de 130  mouvements qui se battent là-bas. Tout le monde est d’accord qu’il y a eu de graves abus contre la population congolaise, qu’il y a eu des discours de haine. Et personne n’en parle. Si on continue à ne prendre qu’une partie du problème, cela va encore durer 20 ans.

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