Le grand invité Afrique

Cardinal Fridolin Ambongo (RDC): le pape Benoît XVI reste «notre plus grand théologien»

Publié le :

Hier, samedi 31 décembre, Benoît XVI est mort à l'âge de 95 ans. Pour la première fois de son histoire, l'Eglise vit la disparition d'un « pape émérite », titre inventé au moment où iI renonce à son pontificat en 2013. Un pontificat salué pour ses nombreux apports à la doctrine de l'Eglise, mais par ailleurs souvent critiqué. Pour le cardinal Fridolin Ambongo en République démocratique du Congo (RDC), le théologien allemand a souvent été « incompris ». Sa disparition va surtout permettre de découvrir ce « grand pape » comme il dit. Pour retracer les moments forts de son pontificat, l'archevêque de Kinsahsa est au micro de Pauline Le Troquier.

Pour le cardinal Fridolin Ambongo, de République démocratique du Congo (RDC), le pape émérite Benoît XVI a souvent été « incompris ».
Pour le cardinal Fridolin Ambongo, de République démocratique du Congo (RDC), le pape émérite Benoît XVI a souvent été « incompris ». Tiziana FABI / AFP
Publicité

RFI : Votre Éminence, le pontificat de Benoît XVI a été relativement court, 8 ans par rapport aux 26 ans de son prédécesseur Jean-Paul II par exemple. Pourtant, ceux qui l’ont rencontré se souviennent d’un homme qui a fait beaucoup pour l’Église. ’est votre cas. Que retenez-vous de Benoît XVI ?

Fridolin Ambongo : Moi, je crois que le Pape Benoît XVI restera le grand Pape. Je retiendrai surtout sa grande connaissance en matière de théologie. Pour l’église catholique, le Pape Benoît XVI reste le plus grand théologien que nous avons aujourd’hui, je crois même le théologien qui a une vue systématique, globale, complète de notre doctrine catholique. Ça, c’est du point de vue de la théologie mais comme pasteur, je retiens de lui sa grande humilité, son grand amour, l’amour profond qu’il avait pour l’Église.

Benoît XVI a aussi prôné la tolérance zéro à propos de la pédophilie dans l’Église. C’est aussi quelque chose qui vous a marqué ?

Le premier à prendre ce dossier à bras-le-corps, c’est Benoît XVI. Je me souviens quand j’étais évêque dans mon premier diocèse de Bokungu-Ikela dans la province de l’Équateur, j’étais confronté à ce genre de problèmes. Je suis allé le trouver et je lui ai expliqué la situation qui se passait avec certains membres du clergé et lui-même m’a dit: « Monseigneur, retournez dans votre diocèse. S’il y a des prêtres qui sont dans des situations pareilles, je vous conseille de préparer leur dossier pour qu’ils soient renvoyés de l’État clérical ». Cela reste pour moi, je dirais, la preuve de la conviction profonde de cet homme à redorer l’image de l’Église sur des questions d’ordre moral.

L’un des moments forts du pontificat de Benoît XVI remonte au 12 septembre 2006. Le Pape visite sa Bavière natale, en Allemagne, et il prononce ce discours de Ratisbonne sur la foi et la raison. Là, il est accusé d’établir un lien entre islam et violence. Qu’en pensez-vous ?

Pour qui connaît le Pape Benoît XVI, on ne peut pas lui prêter des intentions comme une volonté claire de sa part d’établir un lien entre la violence et l’islam. Il était trop préparé, cultivé pour commettre une pareille erreur. Moi, je crois que ce qui s’est passé à ce moment-là, c’était tout simplement un problème de communication. Et cela fait partie de ce que je considère comme, de la part du Pape Benoît XVI, un Pape incompris.

Mais dans ce cas-là, est-ce que c’était juste une incompréhension de la part des croyants et responsables religieux, quand on sait par exemple que le président de la communauté pakistanaise en Italie a appelé Benoît XVI à retirer sa déclaration, que des manifestations ont eu lieu aussi dans plusieurs pays à majorité musulmane ?

On ne peut pas l’accuser d’établir un lien aussi à la légère. Benoît XVI n’était pas un fanatique, il n’était pas un va-t-en-guerre contre les autres religions, bien au contraire. C’était un homme d’une grande ouverture. Je crois que ce serait injuste de juger le pontificat de Benoît XVI sur le seul fait de cette déclaration. Nous apprendrons à le découvrir, à découvrir maintenant qu’il est parti, avec le recul, la vraie personnalité, la vraie pensée du Pape Benoît XVI.

Benoît XVI est connu pour être le Pape qui a renoncé à son pontificat. Officiellement, c’est pour des raisons de santé. Mais n’y avait-il pas, d’après vous, d’autres raisons d’ordre théologique ou des critiques devenues trop pesantes peut-être ?

Non. Je crois que la raison, c’est ce qui a été rendu public. Sur ce plan-là, on n’a pas assez de choses. Le Pape Benoît XVI était arrivé à la conclusion qu’il fallait initier des réformes à l’intérieur de l’Église. Il y a des choses qui devaient changer mais, connaissant sa personnalité, lui-même était sincère avec lui-même, il faut beaucoup de force, pas seulement spirituelle, morale, mais aussi une force physique.

Dix ans se sont passés tout de même entre la démission de Benoît XVI en 2013 et sa disparition, samedi, ce qui laisse imaginer que les raisons de santé qu’il évoquait, à l’époque, n’étaient peut-être pas les seules raisons ?

Les critiques ont été un peu trop sévères vis-à-vis du Pape Benoît XVI. Il a été critiqué et des fois, de façon exagérée. Je crois que c’est tout ça ensemble. À un certain moment, il était arrivé à la conclusion qu’il faut quelqu’un de plus costaud, de plus robuste que lui, sur le plan physique, sur le plan moral, sur le plan même psychologique pour affronter aussi ces critiques qui se faisaient contre lui. Je crois que tout cela a contribué à sa démission. Mais, le point de départ, pour sa démission, je crois, c’était la nécessité de réformes dans l’Église.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes