Le grand invité Afrique

28e édition du Fespaco au Burkina: la production du continent africain est «prolifique et dynamique»

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La 28e édition du Fespaco se tiendra à Ouagadougou au Burkina Faso du 25 février au 4 mars. Malgré les tensions sécuritaires, les autorités de transition ont donné leur accord. Créé en 1969, le festival panafricain du cinéma est le plus important du continent. Quinze films ont été sélectionnés dans la catégorie reine, celles des longs métrages. Le directeur général du Fespaco, Alex Moussa Sawadogo, est notre invité. Il revient sur le rôle politique du festival au Faso, mais aussi sur tout le continent. 

Alex Moussa Sawadogo, directeur général du Fespaco (ici en 2021): la prochaine édition -28e-du festival du cinéma africain de Ouagadougou est annoncée du 25 février au 4 mars 2023.
Alex Moussa Sawadogo, directeur général du Fespaco (ici en 2021): la prochaine édition -28e-du festival du cinéma africain de Ouagadougou est annoncée du 25 février au 4 mars 2023. AFP - OLYMPIA DE MAISMONT
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RFI: Le thème choisi pour cette édition est la culture de la paix. Le Fespaco est-il, une fois de plus, un vecteur politique pour prôner la paix ?

Alex Moussa Sawadogo: Oui, absolument. C’est plus qu’essentiel parce qu’aujourd’hui, en dehors même du continent africain, on voit que le monde est secoué par des questions de sécurité. En Afrique on parle beaucoup plus de la zone sahélienne mais en Europe aussi nous avons vu l’invasion de l’Ukraine. Nombreux sont ces créateurs, c’est-à-dire les réalisateurs, les producteurs qui essaient de contribuer, à travers leur art, au retour de la paix et de la sécurité dans de nombreux pays du continent et du monde.

Comment est-ce que les réalisateurs aujourd’hui évoquent ces thématiques de respect entre les communautés ?

Tout simplement, le film d’Abderrahmane Sissako, le très beau film Timbuktu qui justement était sur la question sécuritaire et le terrorisme dans la zone sahélienne. On a vu aussi des films récents de cette nouvelle génération. D’autres sont sélectionnés au niveau du Fespaco. Je pense au film d’Apolline Traoré, Sira, qui traite du terrorisme dans la zone sahélienne. Au-delà de ça, on a le court-métrage de la réalisatrice nigérienne Amina Abdoulaye Mamani qui parle aussi de la question, L’Envoyée de Dieu, très beau court-métrage d’ailleurs. On sent que ces réalisateurs vivent au quotidien avec ce problème, ce qui les pousse justement dans la création. Si j’ai pris ces deux exemples, c’est parce qu’Apolline Traoré vient du Burkina Faso et Amina Abdoulaye Mamani est du Niger, deux pays justement qui sont secoués par ce problème-là.

On dit toujours qu’il est difficile de développer le cinéma africain. 1 200 films ont été proposés au FESPACO cette année, vous en avez choisi 170. Tout le continent est représenté ?

Absolument, c’est là notre fierté. On voit que le cinéma africain aujourd’hui est en train de se développer dans des pays où, à certains moments, on ne pouvait pas parler de cinéma. Je prends le cas de l’Angola et je prends aussi tout simplement le cas de la République dominicaine dont le film a été sélectionné en compétition officielle. Cela montre que la production du continent africain est prolifique et en même temps elle est aussi dynamique. Cela montre aussi que cette nouvelle génération de réalisateurs qui, malgré les problèmes de production de cinéma ou malgré la prise en main de la politique du cinéma dans certains pays, arrive tant bien que mal à faire des productions qui peuvent concurrencer des films qui viennent de l’Occident.

C’était une volonté déjà lors du dernier Fespaco que vous présidiez. Cette année cette production, cette qualité, est encore meilleure ?

Comme je le disais, je suis tellement fier de cette sélection que nous avons, de cette cuvée de Fespaco 2023, parce que les qualités sont encore meilleures, ce qui montre qu’aujourd’hui, cette génération de réalisateurs a compris l’importance de prendre du temps, l’importance de passer dans certains laboratoires et l’importance aussi de passer par des systèmes de co-production entre l’Europe, l’Afrique, pour pouvoir avoir des productions qui aujourd’hui peuvent concurrencer, dans de grands festivals. Et je reviens au cas d’Apolline Traoré dont le film est sélectionné au Fespaco et, en même temps sélectionné à la Berlinale. Donc, cela montre que la qualité n’est plus un débat en matière de création, ce sont juste des moyens dont ces jeunes ont besoin pour réaliser des produits finis de très bonne qualité.

Vous citiez Abderhamane Sissoko qui était président du jury lors de la dernière édition. Cette année, c’est aussi un message que vous envoyez, c’est une productrice d’origine tunisienne. Quelques mots sur Dora Bouchoucha... Qui est cette productrice ?

Dora, c’est un modèle pour cette génération de producteurs. Si je parle de la production africaine, aujourd’hui c’est une dame qui arrive à faire la jonction entre l’Afrique du Nord, pour ne pas dire le monde arabe, et l’Afrique subsaharienne. Plus de trente films qu’elle a eu à produire, qui ont gagné des prix à la Berlinale, au festival de Cannes et dans d’autres festivals. C’est une productrice qui passe beaucoup de son temps à la transmission parce que vous savez très bien que sur le continent, aujourd’hui, une des difficultés que nous avons c’est la production. Donc elle a réussi vraiment à faire de très bons films, à produire de nombreux films. Elle est très importante et je crois qu’elle sera très bien entourée d’autres membres, de son jury, pour qu’on puisse vraiment à la fin du FESPACO être fiers du lauréat qu’ils auront à choisir.

Malgré les conditions économiques difficiles, malgré les conditions sécuritaires difficiles au Burkina Faso, il était pour vous inimaginable que le Fespaco n’ait pas lieu cette année ?

Absolument. Depuis la création du Fespaco, aucune édition n’a été annulée. Nous avons eu, il y a un an et demi, juste le report. Cela montre aussi que le Fespaco est une arme très forte, pas seulement pour le Burkina Faso mais pour le continent africain. Le fait de se retrouver au Burkina Faso, de parler le même langage, de se revoir et de discuter des maux qui minent le continent, pas seulement sécuritaires mais aussi de problèmes de cinéma, de culture et de politique également, c’est très important pour les créateurs africains. Et c’est ce pèlerinage qui va amener ces nombreux professionnels, ces amoureux, ces spectateurs du cinéma au Burkina. C’est une forme aussi de montrer que tous ces créateurs sont de cœur avec le Burkina Faso, soutiennent le Burkina Faso, soutiennent les pays voisins, pour ne pas dire au-delà, pour le retour de la paix.

Je tiens aussi à vous dire que les autorités burkinabè tiennent fermement à ce festival-là. Organiser un Fespaco 2023 c’est une forme de résistance, c’est une forme aussi de montrer aux yeux du monde entier que le Burkina Faso reste debout et restera debout et que le Burkina Faso mérite son Fespaco.

 

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