Alkache Alhada: au Niger, les mines et le pétrole nous donneront «des ressources pour transformer le secteur agricole»
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Au Niger, une ministre française a salué mardi 7 février « la trajectoire démocratique » de ce pays dans une région instable. Chrysoula Zacharopoulou, la secrétaire d'État française au Développement, assistait à l'ouverture du premier Business Forum organisé par le Niger avec l'Union européenne. L'objectif de Niamey est d'attirer de nouveaux investisseurs européens et d'atteindre d'ici quelques années un taux de croissance annuel à deux chiffres, avec l’aide du pétrole et de l’uranium. Explications d’Alkache Alhada, le ministre nigérien du Commerce.

RFI : Il y a deux mois, lors d’une table-ronde à Paris, vous avez réussi à obtenir 47 milliards de dollars de promesses de financement pour le plan de développement du Niger, le PDS, jusqu’en 2026. Alors pourquoi ce forum des affaires aujourd’hui à Niamey ? Que peut-il apporter de plus ?
Nous voulons développer et renforcer les relations avec le secteur privé pour que lui aussi intervienne dans le processus de transformation de l’économie nigérienne. Donc ce forum aura aussi pour objectif de faire en sorte que les hommes d’affaires européens découvrent les potentialités du pays, et les facilités également qui peuvent leur être accordées afin que des partenariats gagnant-gagnant soient établis entre les entreprises nigériennes et les entreprises européennes.
Pour prolonger justement ce plan de développement, ce PDES, quels sont les secteurs prioritaires ? On sait que le Niger dépend de l’agriculture à hauteur de 40% de son PIB. Pour l’instant, l’économie de votre pays n’est pas très diversifiée…
Oui, mais justement, ce que nous escomptons, c’est un changement. Et cette transformation va se faire sur la base des perspectives nouvelles qui s’offrent quand même à notre pays parce que, vous savez, il y a le secteur minier, déjà qui était assez bon, mais maintenant, avec le secteur pétrolier qui se développe nous escomptons dans les prochaines années, de 2022 à 2026, des taux de croissance annuels autour de 9,3% et peut-être à deux chiffres par la suite. Parce que nous estimons que le secteur minier et pétrolier va nous donner suffisamment de ressources pour pouvoir transformer l’économie, notamment le secteur agricole. Et il y a le projet du président de la République concernant la création de pôles agro-industriels pour aller vers la modernisation de ces secteurs.
Nous avons beaucoup de potentialités au niveau agricole. Vous savez, déjà il y a le projet Kandadji, un projet hydro-agricole où nous envisageons l’exploitation de 45 000 hectares de terre d’irrigation. Là, c’est à partir de l’eau du fleuve. Récemment, une étude a révélé qu’il y a un potentiel fabuleux qui va nous permettre de développer l’irrigation. Le Niger fait 1,267 million de km carrés donc nous avons suffisamment de terres arables une fois qu’on aura maitrisé l’eau pour pouvoir transformer l’agriculture et arriver non seulement à l’auto-suffisance alimentaire, mais aussi à l’exporter.
Dans le secteur agroalimentaire et agroindustriel, qu’est-ce que vous attendez des investisseurs européens qui sont à Niamey cette semaine ?
Des programmes sont en cours concernant le riz, et là-dessus je crois que nous avons la possibilité, si nous nous engageons dans de bons partenariats, d’atteindre l’auto-suffisance dans ce secteur-là, mais aussi dans la production de blé. Dans certaines zones, cela se fait actuellement. Vous savez, par exemple, nous avons la vallée de l’Irhazer où actuellement un projet est en cours avec un financement Orano, l’ancien Areva, sur mille hectares. C’est une vallée très importante aux confins du désert et où on tire l’eau à plusieurs mètres sous le sol. Et avec l’irrigation, on est en train de développer une production fourragère qui va servir pour le bétail, mais aussi des exploitations de blé.
Alors vous parlez d’Orano, la multinationale française de l’uranium. Qu’en est-il aujourd’hui de l’avenir de l’uranium au moment où l’on parle d’un rebond de l’énergie nucléaire ?
Oui, effectivement, les cours ont baissé avec Fukushima et tout cela. Il y a eu un désintérêt par rapport à l’énergie nucléaire, mais depuis ces dernières années, on constate un rebond, comme vous dites, qui se traduit par l’arrivée, ou le retour en tout cas au Niger, d’un certain nombre d’entreprises qui sont canadiennes, il y a également des Chinois. Mais aussi je crois qu’au niveau d’Orano même, on parle de plus en plus [du site minier] d’Imouraren. Avec les cours de l’uranium qui sont en train de remonter, ce secteur-là va incontestablement connaitre un rebond d’intérêt.
Le grand projet de la fin de cette année, c’est l’exportation du pétrole via un nouvel oléoduc de quelque 2 000 kilomètres de long à travers votre pays et le Bénin, jusqu’à la mer. Qu’en est-il de la fin des travaux ?
Alors la fin des travaux est prévue pour le mois de juillet et donc l’exploitation, du moins l’écoulement du brut sur le port de Cotonou, au plus tôt fin 2023 et au plus tard début 2024 pour écouler 100 000 barils par jour.
Vous savez qu’il y a aussi dans le pétrole une part de malédiction. Plusieurs pays pétroliers renoncent à toute autre forme de développement…
Vous savez aussi que le Niger est un pays très résilient dans un environnement très perturbé. Et donc cette exception dans ce domaine-là, nous allons la poursuivre dans tous les autres domaines inch Allah. Et donc je pense que la question de la malédiction, elle intervient lorsqu’il y a mal gouvernance, mal gestion. Or, nous, justement, une des particularités du pays, c’est qu’on est engagés dans un processus de bonne gouvernance, de stabilité politique, mais aussi de lutte contre la corruption. Et donc, on va faire en sorte que le pétrole ne soit pas une malédiction au Niger.
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