Musique: «Africa Mama», le 3e opus du virtuose guinéen Djéli Moussa Condé
Publié le :
Auteur-compositeur-interprète, grand chanteur et joueur de kora, le musicien guinéen Djéli Moussa Condé vient de sortir son troisième album solo. « Africa Mama » est un album acoustique qui signe un « retour aux sources », qui raconte l'Afrique.

RFI : Votre nouvel album est entièrement acoustique ou quasiment : voix et kora ou guitare accompagnées parfois de chœurs, de violons ou de cuivres. Après des années de jazz-pop africaine très électro, vous aviez envie d’un retour aux sources, celles de « Djeli », votre surnom qui veut dire griot, c’est ça ?
Djeli Moussa Condé : Oui, c’est ça… djeli c’est griot. Cet album-là, vraiment, c’est l’Afrique, c’est tous mes souvenirs. Cela fait plus de trente ans que je suis en Europe mais l’Afrique est toujours à mes côtés, toujours dans mon cœur et c’est pour cela que je voulais faire cet album acoustique, pour retourner aux sources, au pays.
Vous chantez en langue soussou, bambara, malinké, wolof. Quelques phrases en français évoquent la souffrance de l’esclavage, mais aussi la souffrance d’aujourd’hui, la violence, l’humiliation. Il y a aussi des morceaux plus légers comme « Patati patata ». Cet album, Mama Africa, raconte l’Afrique…
Oui, parce qu’il y a cette Afrique qui nous manque, une Afrique de chaleur, de poussière, de tous nos enfants, de nos repères. Après 400 ans d’esclavage, l’Afrique est beaucoup tombée. Elle se relève, elle tombe avec les pillages de diamants, d’or, de bauxite, la pêche industrielle… L’Afrique est toujours debout, l’Afrique veille tout le temps sur ses enfants. C’est de cette Afrique-là que je parle.
Vous abordez aussi, un petit peu, votre souffrance à vous ?
Oui, j’ai voyagé avec l’Ensemble Kotéba et puis je suis resté à Paris et la galère a commencé. De 1993-94 jusqu’à 95-96, j’étais dehors. Il y a une fois où on m’a attrapé et je me suis retrouvé en prison. Chaque fois qu’on m’a envoyé à l’aéroport, l’avion était plein [rires]. On me disait: « Ce n’est pas cette fois-ci, ce sera une autre fois. » Je vivais dans les cafés, j’avais mon public.
Vous êtes installé en France depuis près de 30 ans mais vous retournez régulièrement dans votre pays de naissance, la Guinée, où vous avez d’ailleurs composé cet album. Est-ce que la situation politique, là-bas, vous inquiète ?
Oui, ça m’inquiète… Parce qu’il y a la pauvreté. Il y a une dégradation de l’éducation, les hôpitaux ne fonctionnent pas, ça ne va pas. Ça ne va pas du tout, ça ne va pas.
Vous êtes un virtuose de la kora depuis tout jeune, un instrument traditionnel, mais votre musique n’est pas traditionnelle : elle mêle aux racines mandingues de l’afro-cubain, du blues américain, des accents cap-verdiens. Ces influences, vous les devez à vos voyages ? Aux artistes que vous avez accompagnés ?
Vous savez, Paris, c’est un carrefour de la musique. Avant que je sois chanteur, j’étais musicien et j’accompagnais beaucoup de musiques comme ça… le reggae, le hip-hop, jétais dans toutes les musiques. J’ai travaillé avec Manu Dibango, j’ai travaillé avec Salif Keïta, j’ai travaillé avec Hank Jones et Cheick Tidiane Seck. C’est tout ça qui a transformé ma manière de voir la musique et ma manière de voir aussi le monde. C’est tout ça aussi qui a changé ma manière de jouer la kora et ma manière de chanter.
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne