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RDC: le travail de la Monusco «continue malgré tout en appui aux FARDC»

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Dans plusieurs zones de l'est de la République démocratique du Congo (RDC), les groupes armés sévissent toujours plus forts. Les Forces démocratiques alliées (ADF) dans la région de Béni et le sud de l'Ituri, la Codeco et d'autres milices d'autodéfense communautaire dans le territoire de Djugu et le M23 dans le Nord-Kivu. Les violences contre les civils continuent malgré la présence des Casques bleus. La percée des rebelles du M23 dans le territoire de Rutshuru et de Masisi a fragilisé la collaboration avec les Forces armées de la RDC (FARDC), affirme Bintou Keita, cheffe de la mission de maintien de la paix. 

Bintou Keita, représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies au Congo et Cheffe de la Mission de l'Organisation des Nations unies pour la stabilisation en RDC (Monusco), le 27 février 2023.
Bintou Keita, représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies au Congo et Cheffe de la Mission de l'Organisation des Nations unies pour la stabilisation en RDC (Monusco), le 27 février 2023. © REUTERS/Arlette Bashizi
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RFI : Bintou Keita, vous êtes actuellement en visite dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) où les rebelles du M23 continuent de grignoter le Nord-Kivu, d’élargir leur sphère d’influence. Comment la Monusco travaille-t-elle alors qu’une partie de la province est impénétrable, même pour la force onusienne ?

Bintou Keita : C’est très compliqué, c’est complexe et c’est un travail qui continue en partenariat malgré tout, et j’insiste sur le malgré tout, en appui aux FARDC [Forces armées de la République démocratique du Congo, Ndlr]. Avec nos commandants de secteurs, il y a quasiment au quotidien un partage d’informations et une coordination. Il y a beaucoup d’autres choses qui sont faites pour soutenir justement, renforcer les bases de défense qui sont dans la zone, même lorsqu’elle est contrôlée par le M23, parce qu’il faut tenir les positions de défense. Et jusqu’à preuve du contraire, on est encore dans le petit Nord et nous comptons bien y rester d’une manière qui continue à soutenir les efforts des autorités congolaises.

Vous avez dit « malgré tout ». Cela veut dire que sa dégradation sécuritaire a fragilisé la collaboration entre Casques bleus et FARDC ?

Tout à fait, puisque depuis juillet, les 25 et 26 juillet, les incidents qui ont fait finalement le tour du monde, il est clair que la relation telle qu’elle était auparavant s’est détériorée. Dans cette détérioration et les sentiments anti-Monusco, il faut quand même que nous, on continue à livrer le mandat.

Vous parlez des « sentiments anti-Monusco ». À Goma, des dizaines de personnes sont décédées pendant les manifestations, est-ce que des sanctions ont été prises contre les bavures commises ?

Quand vous dites « les bavures ont été commises », déjà, je crois qu’il faut se rappeler l’environnement dans lequel nous sommes, où dans un contexte d’attaques directes contre la Monusco avec des morts de part et d’autre, des pillages, des incendies. C’est cet environnement dont il faut se rappeler. Nous avons une responsabilité en tant que Nations unies, en tant que Monusco, de faire des enquêtes approfondies, pour voir ce qui s’est passé, d’établir les faits. Et après, on prend les sanctions.

La principale revendication de ces manifestations, c’était le départ de la Monusco. Un plan de retrait a déjà été acté. Et, dans ce plan, il y a le programme de désarmement pour les groupes armés de l’est de la RDC appelé le P-DDRCS (Programme Désarmement, Démobilisation, Relèvement Communautaire et Stabilisation). Mais aujourd’hui, des milices qui s’étaient engagées à désarmer sont de nouveau sur le champ de bataille. Vous y croyez encore à ce P-DDRCS ?

Le P-DDRCS est un programme central, important, sur lequel le pays a tiré des leçons de plusieurs programmes de désarmement-démobilisation-intégration et que les principes qui sont dans ce P-DDRCS valent et méritent qu’on continue d’y croire, parce que, à moyen et long terme, qu’est-ce qu’il y a d’autres pour que les groupes armés à un moment donné se disent, il faut arrêter ? On n’aura pas un environnement parfait pour le P-DDRCS. Mais dans cet environnement même complexe que nous avons aujourd’hui, il y a également des opportunités.

Vous êtes également allée en Ituri, province où la situation humanitaire est catastrophique. La Monusco est sur place. Mais, chaque jour, des milices ou groupes armés continuent de tuer les civils, presque dans l’indifférence générale, disent les habitants. Qu’est-ce que vous leur répondez ?

Je partage ce sentiment. On a normalisé quelque chose qui en fait est anormal. Donc, même avec les efforts qui sont faits par les Nations unies, par la Monusco et d’autres partenaires, ils ont le sentiment qu’ils ne sont pas suffisamment vus, qu’ils ne sont pas suffisamment entendus et ils ont l’impression que le monde les a abandonnés.

Et peut-être qu’ils ne se sentent pas aussi suffisamment protégés ?

C’est vrai que nous sommes là, présents. Très souvent, j’entends ces griefs parce que la proximité semble être une proximité immédiate. Mais quand vous voyez les dispositifs et ce qu’il faut faire pour pouvoir protéger, ça n’est pas si facile. Donc, on les comprend.

► À lire aussi : RDC: en Ituri, la cheffe de la Monusco constate «une recrudescence de la violence»

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