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Adolphe Muzito (RDC): «Pas de ralliement au candidat Tshisekedi, mon parti et moi nous irons aux élections»

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Au Congo Kinshasa, le torchon brûle dans l'opposition entre Martin Fayulu et Adolphe Muzito. Leur alliance dans la coalition Lamuka, c'est terminé. Et tous deux annoncent qu'ils vont se présenter à la présidentielle à un seul tour programmée le 20 décembre prochain. Mais que répond l'ancien Premier ministre Adolphe Muzito à la rumeur propagée par les partisans de Martin Fayulu sur son éventuelle intention de rejoindre le camp du Président sortant, Félix Tshisekedi ? La réponse d’Adophe Muzito…

L'ex-Premier ministre de la République démocratique du Congo, Adolphe Muzito est un des leaders de la coalition Lamuka.
L'ex-Premier ministre de la République démocratique du Congo, Adolphe Muzito est un des leaders de la coalition Lamuka. AFP - EUGENE SALAZAR
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RFI : Adolphe Muzito, depuis la présidentielle de 2018, vous étiez ensemble - Martin Fayulu et vous - au sein de la coalition d’opposition Lamuka. Aujourd’hui, c’est la rupture. Qu’est-ce qui vous sépare fondamentalement ?

Adolphe Muzito : Ce qui nous sépare fondamentalement, c’est que lui pense que Lamuka, c’est pour lui. Moi, je pense que Lamuka ce n’est pas pour moi, ce n’est pas pour lui ; Lamuka, c’est pour nos deux partis, c’est pour la population. C’est une plateforme de résistance et non pas une plateforme électorale. En tant que plateforme de résistance, Lamuka est à la disposition de la population pour se mobiliser, exiger de bonnes élections, le respect du délai constitutionnel, de manière à que ce qu’il s’est passé en 2018 ne se répète pas en 2023. Donc, un espace de résistance, ça ne doit pas appartenir à une personne.

Est-ce qu’au fond, ce divorce, entre Martin Fayulu et vous, n’est pas naturel puisque vous êtes tous les deux candidats à la présidentielle de décembre prochain ? Il est bien normal que chacun vole de ses propres ailes ?

Oui, c’est tout à fait normal. Mais, à partir de ce moment-là, monsieur Martin Fayulu pouvait prendre l’initiative de quitter Lamuka ou d’organiser la séparation à l’amiable. Malheureusement, il a utilisé le mensonge pour m’exclure unilatéralement et frauduleusement et passer le flambeau de Lamuka, alors que c’était le tour de mon parti, à quelqu’un d’autre.

Les partisans de Martin Fayulu vous soupçonnent de ne pas être un véritable opposant et de préparer un rapprochement avec le camp du président Tshisekedi…

Ça, c’est du fétichisme. Ils ne peuvent pas, sur leurs propres inventions, sur la base d’un tel mensonge, m’exclure de Lamuka. Ça n’est pas vrai puisque nous aussi nous pensons qu’ils flirtent avec monsieur Kabila. Et d’ailleurs, pour moi ce n’est que de la supposition, mais pour lui [monsieur Fayulu], il a fait une alliance avec monsieur Kabila. Il a fait une alliance avec un proche de Kabila, Monsieur Matata, avec qui ils organisaient la marche il y a deux ou trois semaines.

Pourriez-vous, éventuellement, renoncer à votre candidature ?

Je ne renoncerai jamais à ma candidature. Mon parti et moi, nous irons aux élections à tous les niveaux.

Pas de ralliement au candidat Tshisekedi ?

Pas de ralliement au candidat Tshisekedi.

Moïse Katumbi, Martin Fayulu, Matata Ponyo, vous-même… les candidatures se multiplient dans l’opposition. Est-ce que vous n’êtes pas en train de vous fragiliser face à l’Union sacrée, le camp du président sortant Félix Tshisekedi ?

La fragilisation ne viendrait pas de ce que les candidatures soient éclatées au niveau de l’opposition, elle vient du fait que l’opposition jusqu’ici n’a pas un programme, il n’y a pas de projet politique sur la table. Moi, je m’apprête à présenter mon offre politique et je m’attends à ce qu’il y ait un débat, et sur fond de débat, on peut faire des alliances en portant des projets, des visions, des solutions. Il faut une politique de grands travaux, il faut doubler ou tripler en dix ans la production nationale pour sortir les Congolais du seuil de pauvreté. Pour ce faire, il faut de grands travaux, il faut une planification.

Dans une élection à un seul tour, comme aujourd’hui au Congo, plus il y a de candidats de l’opposition, plus cela fait le jeu du pouvoir, c’est mathématique…

Le pouvoir est très faible. Regardez un peu la coalition, la charte des forces de l’Union sacrée, qu’est-ce que représentent les trois, ou quatre, ou cinq leaders politiques ? Ils représentent plus ou moins 25% de l’électorat. Si monsieur Tshisekedi pense qu’avec cette coalition il peut gagner, je crois qu’il devrait réfléchir à deux fois. Et peut-être qu’il va recourir lui aussi, comme monsieur Kabila, à la fraude. Mais quand vous recourez à la fraude, un bien mal acquis ne vous profite pas parce qu’in fine, on va vous lâcher, comme ils ont lâché Kabila.

Vous dites que le pouvoir est très faible, mais l’Union sacrée vient tout de même de recevoir le renfort de deux poids lourds de la politique congolaise, Jean-Pierre Bemba et Vital Kamerhe…

Mais la question est de savoir quel programme ils vont présenter au peuple. Assis sur quel bilan ? Et moi, je dis que ces poids lourds - je ne sais même pas si vous parlez de poids lourds physiquement ou de poids lourds politiquement – moi, je m’attends à ce qu’ils présentent d’abord leur bilan. Actuellement, il y a de la surchauffe. Le dollar est en train de monter, le pouvoir d’achat de la population est en baisse avec l’érosion du franc congolais dans le pays.

Oui, mais tout de même, Jean-Pierre Bemba et Vital Kamerhe ont des militants, ils ont des partisans, et tous ceux-là vont voter Tshisekedi le 20 décembre prochain…

Oui, mais des militants à qui ils doivent présenter le bilan. Tshisekedi a promis de réduire la pauvreté, je voudrais bien qu’aujourd’hui il présente son bilan, le nombre d’emplois qu’il a créés. Moi, je considère que lui, comme Kabila d’ailleurs, ont créé de nouveaux pauvres.

À l’occasion des fêtes de Pâques, le cardinal archevêque monseigneur Ambongo a mis en garde les Congolais contre le projet de loi Tshiani sur la congolité, qui vise à écarter de la présidentielle tout candidat qui ne serait pas de mère et de père congolais. Tout le monde pense évidemment à Moïse Katumbi. Qu’est-ce que vous en pensez ?  

Je considère que monsieur Katumbi a soutenu ces institutions, qu’il reconnait ce Parlement illégitime, il y siège à travers son parti. Eh bien, qu’ils aillent jusqu’au bout de la logique, c’est-à-dire que la loi passe si la majorité est pour la loi, et qu’elle ne passe pas si la majorité est contre la loi.

Et vous-même, quelle est votre position personnelle sur ce projet de loi ?

Je suis contre ce projet de loi, je voterais contre si j’étais dans ce parlement illégitime et parce que je trouve que le moment n’est pas opportun. Je demande à monsieur Katumbi, et aux autres qui sont contre cette loi, de jouer dans le Parlement, par respect envers les institutions qu’ils ont acceptées, pour que le Parlement tranche.

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