Partenariat politique en Côte d’Ivoire: «L’objectif est de tirer les enseignements du passé» (P. Affi N'Guessan)
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En Côte d’Ivoire, le parti au pouvoir, le RHDP, et un parti de l’opposition, le Front populaire ivoirien, ont signé mardi à Abidjan, un accord de partenariat « pour la réconciliation nationale, la cohésion sociale, et la démocratie ». Ce texte laisse une porte ouverte à d’éventuelles alliances pour les élections municipales et régionales du 2 septembre. Comment expliquer ce rapprochement entre le parti au pouvoir et ce parti d’opposition de gauche ? Pour quelles alliances électorales ? Pascal Affi N’Guessan, le président du FPI, est notre invité.

RFI : Vous avez signé hier un accord de partenariat pour la réconciliation nationale et la cohésion sociale avec le RHDP. En parallèle, vous êtes aussi signataire de la cinquième phase du dialogue politique qui a été conclu l’année dernière. Sur le fond, qu’est-ce qui change par rapport à cet accord qui a été signé l’année dernière ?
Pascal Affi N’Guessan : Ce qui change, c’est que nous prolongeons et nous approfondissons le dialogue, en nous engageant sur des thématiques fondamentales pour le pays : celles qui concernent la réconciliation nationale, la cohésion sociale et la démocratie, qui sont des questions qui ont été effleurées au dialogue, mais qui n’ont pas fait l’objet d’engagements forts.
Ça n’a pas été qu’effleuré lors du dialogue politique, il y avait des points pour chaque aspect : réconciliation nationale, sur la question des prisonniers politiques, sur la question de l’amnistie, de la commission électorale, tout ça été très détaillé dans ce texte-là…
Oui, mais ça n’a pas fait l’objet d’engagements de la même nature que le partenariat que nous venons de signer avec le parti au pouvoir. Ce qui change dans la signature de ce partenariat, c’est que, de façon solennelle et par écrit, le parti au pouvoir s’engage avec un parti de l’opposition à travailler ensemble, alors que le Dialogue politique a fait l’objet d’un rapport qui a été signé, mais ce n’est pas une convention, ce n’est pas un contrat entre l’opposition et le parti au pouvoir.
Dans l’esprit de la réconciliation nationale, le 26 novembre dernier, Charles Blé Goudé est rentré en Côte d'Ivoire. Guillaume Soro, lui, est toujours en exil. Quel rôle peut-il jouer dans la réconciliation nationale ?
Il faut d’abord que le contentieux qui l’oppose à ses anciens partenaires, à ses anciens camarades de parti, soit soldé. Et je pense que tous les Ivoiriens ont un rôle à jouer. Et la réconciliation signifie que tous les fils et toutes les filles de Côte d’Ivoire se sont retrouvés, y compris Guillaume Soro. Donc d’une manière ou d’une autre, il faudrait un jour ou l’autre trouver une solution au problème Guillaume Soro.
En 2020, vous étiez partisan de la désobéissance civile. Aujourd’hui, vous êtes partenaire du RHDP. Qu’est-ce qui justifie ce revirement de votre part ?
Ce n’est pas un revirement. C’est la continuation de l’action politique, en prenant en compte les échecs du passé, en prenant en compte les dérives du passé. Et s’il y a un partenariat aujourd’hui, c’est parce qu’il y a eu désobéissance hier. S’il n’y avait pas eu de désobéissance civile hier, il n’y aurait pas eu de dialogue politique et aujourd’hui, il n’y aurait pas eu de partenariat. Donc dialogue politique et partenariat ont pour objectif de tirer les enseignements du passé, et de prendre des mesures, de manière à ce que plus jamais, nous ne retombions dans ce que nous avons vécu en 2020.
Vos détracteurs affirment, par contre, que l’on retourne un peu à l’esprit de parti unique, qu’il n’y a plus de voix critiques qui peuvent aujourd’hui s’exprimer…
Le partenariat n’exclut pas la critique. Le partenariat, d’ailleurs, vous donne des moyens, des instruments, d’agir, d’évaluer, de critiquer, parce que, justement, vous avez un engagement que vous avez pris ensemble. Est-ce que le partenaire respecte cet engagement ? Si ce n’est pas le cas, vous avez le droit – en-dehors du droit qui vous est reconnu par la République en tant que parti politique d’opposition – vous avez un autre droit supplémentaire lié à l’engagement que le parti au pouvoir a pris avec vous d’agir en faveur de la réconciliation et de la démocratie.
Sur le plan de la démocratie, cet accord indique que des alliances sont possibles si nécessaires. Quelles sont les régions, quelles sont les communes où vous voyez déjà des alliances possibles avec le RHDP ?
Elles sont nombreuses les communes dans lesquelles manifestement nous serons amenés à nous mettre ensemble, donc ça fera l’objet de négociations, et je ne peux pas préjuger des décisions qui peuvent être prises par nos responsables locaux dans chaque circonscription électorale.
Dans le Moronou, où vous êtes vous-même candidat, ça semble très compliqué d’avoir un accord avec le RHDP. Est-ce que vous n’avez pas l’impression qu’il y a un peu une alliance à sens unique ?
Non, pas du tout. Nous l’avons dit dans l’accord de partenariat, ce n’est pas un accord électoral, et les accords sur le terrain se feront si cela est nécessaire, et s’il y a une nécessité dans le Moronou, je ne le crois pas. Nous sommes bien établis dans cette région, nous avons un bon bilan. Manifestement, le Moronou, c’est une réalité différente des autres circonscriptions électorales du pays.
Vous organisez la fête de la liberté à Man, juste quelques jours après la fête des libertés organisée par Simone Gbagbo, un mois après la fête de la renaissance de Laurent Gbagbo. Qu’est-ce qu’il y a de différent par rapport à ces autres rassemblements politiques ?
Ce sont des manifestations politiques, que chaque parti conçoit pour avoir une opportunité de s’exprimer, une opportunité de mobiliser ses militants. Ces occasions donnent l’opportunité aux leaders des partis politiques de décliner leur vision, vision autour de la mobilisation pour des élections locales apaisées, et qui constituent véritablement un défi pour nous, parce qu’il s’agit pour le Front populaire ivoirien de sortir de sa situation de convalescence qu’il a vécu jusqu’à présent. De montrer qu’il est un acteur incontournable sur l’échiquier politique national, et donc de gagner des circonscriptions électorales. Et donc, c’est le défi que nous avons à relever.
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