Le grand invité Afrique

Salon international du livre d'Abidjan: «Près de 50% de la population est alphabétisée»

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La capitale économique ivoirienne accueille depuis le 9 mai et jusqu'au 13 mai, le Salon international du livre d'Abidjan (Sila). Le grand rendez-vous du livre ivoirien dans toute sa diversité et toutes ses formes. Qui sont les amoureux du livre en Côte d'Ivoire, que lisent-ils et comment lisent-ils ? Entretien avec Sarah Mody, la directrice éditoriale des toutes jeunes éditions Nimba.

Salon international du livre d'Abidjan (Sila) 2018 (photo d'illustration).
Salon international du livre d'Abidjan (Sila) 2018 (photo d'illustration). © AFP/Sia Kambou
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RFI : Qui sont les lecteurs ivoiriens ? Quel portrait auriez-vous envie de faire d’eux ?

Sarah Mody : Les lecteurs ivoiriens aujourd’hui ont de multiples visages : cela peut être le fonctionnaire qui a une quarantaine d’années et qui passe en librairie après le travail pour acheter un livre pour son week-end, cela peut être le jeune étudiant qui va aller après ses cours à l’université, qu’il soit à Bouake, Korhogo, San Pedro, et qui va passer en librairie par terre ou dans une librairie officielle pour prendre un livre qui a été ordonné par le professeur, cela peut être aussi une femme qui va chercher des outils pour accroître ses compétences pour trouver un emploi… Aujourd’hui, les lecteurs ivoiriens, c’est tout le monde. Premièrement, tous ceux qui sont alphabétisés - on frise 50 % de la population, donc c’est déjà la moitié - et potentiellement aussi, ceux qui sont en passe de le devenir.

Est-ce qu’en Côte d’Ivoire aujourd’hui, on lit seulement à Abidjan ou est-ce qu’on lit aussi à l’intérieur du pays ? Est-ce que le livre est accessible à l’intérieur du pays ?

C’est vrai qu’on voit souvent la Côte d’Ivoire et la croissance en Côte d’Ivoire à travers le prisme d’Abidjan, qui est une mégalopole, qui concentre plus de six millions d’habitants. Toutes les maisons d’édition qui naissent aujourd’hui en Côte d’Ivoire naissent à Abidjan, mais le lecteur lui par contre, il est disséminé. Le défi, c’est d’aller vers lui. Nous, dans l’expérience de Nimba Editions, en sortant des librairies, on a proposé des livres en dehors d’Abidjan, notamment à San Pedro, à Korhogo, à Abengourou. Et les chiffres qui sont sortis de ces expériences - qui ont autour de 2 ans - nous montrent que le lecteur en province est aussi connecté, aussi au fait des sorties que l’Abidjanais, qu’il demande aussi des livres du même acabit et surtout, dès que le livre est accessible, c’est quelque chose vers lequel il va.

Qu’est-ce qui se lit actuellement en Côte d’Ivoire, qu’est-ce que les lecteurs ivoiriens recherchent le plus ?

Les parents vont vraiment vers une offre très diversifiée. Ils veulent vraiment proposer à leurs enfants un panel très large de tous les livres qu’on peut leur proposer. Donc, ils vont vers des livres documentaires, de l’album, du livre musique sonore. Et le public plus adulte, aujourd’hui, on dira qu’il est très « pratique » dans tous les sens du terme, c’est-à-dire qu’il va vers une offre qui va lui donner des compétences, qui va l‘aider par exemple à mieux parler, qui va l’aider à chercher du travail, qui va l’aider à acquérir des compétences en marketing, qui va l’aider à améliorer aussi sa vie, qui va être axé sur le bien-être, la santé. Donc, ça va être des lectures qui sont pratiques et qui vont tout de suite avoir un impact sur le quotidien et aussi sur la romance, la romance locale c’est-à-dire qu’on rêve d’amour, mais on rêve d’amour tropical. On est vraiment sur des collections qui fonctionnent, mais qui donnent à voir des couples africains.

Il y a un type de lecteur intéressant, puisqu’il y a une demande particulière en matière de contenu, ce sont ces « repats », ces personnes d’origine ivoirienne qui sont de retour au pays. Que veulent lire ces « repats » ?

Les « repats » sont très en demande de littérature jeunesse qui leur permette de faire de la transmission des cultures ouest-africaines. Il y a une vraie attente de livres qui vont partager un peu d’histoire, qui vont partager un peu de culture, qui vont aussi donner envie à leurs enfants de découvrir le pays dans lequel ils vivent à présent et d’aller plus loin aussi dans le plaisir de la lecture. Ils ont l’habitude « d’une certaine offre éditoriale », ils sont consommateurs de livres importés et ils attendent des livres édités sur place qu’ils offrent quelque chose d’équivalent, mais avec ce petit plus de culture locale.

Quelle est la part que prend le livre numérique dans la lecture en Côte d’Ivoire ?

Le livre papier est encore roi dans la production éditoriale en Côte d’Ivoire, mais il y a évidemment une population qui est extrêmement jeune, qui est équipée, qui est très connectée et elle l'est par son téléphone. L’idée pour nous, c’est évidemment d’amener le livre dans le téléphone. Donc, très vite, l’offre que nous avons proposée physiquement a été en parallèle proposée sur une plateforme numérique à des prix qui sont modiques. Les formules qui marchent aujourd’hui sont des formules d’abonnement, qui permettent de lire à partir de 150 francs CFA [0,23 euro] l’abonnement, [qui permettent] d’avoir accès à des catalogues d’éditeurs africains. De Dakar, par exemple, je peux lire des livres qui sont parus au Cameroun. D’Abidjan, je peux lire des livres parus au Maroc. Et là, on brise toutes les frontières et on peut, en un clic, lire le roman qui est paru hier dans telle capitale ouest-africaine.

Il y a un genre qui connait un renouveau relativement inattendu, c’est celui du conte. Que se passe-t-il pour le conte dans la littérature jeunesse ?

C’est l’art premier du récit et c’est quelque chose qui est très ancré dans nos cultures locales. Plusieurs maisons proposent des choses : Il y a des contes à colorier, il y a des contes qui sont interactifs. Il y a vraiment dans le paysage ivoirien beaucoup de choses qui sont faites pour dire « voilà, on a ce patrimoine-là, dépoussiérons-le. Il enchante les oreilles des petits et des grands ». Il y a vraiment une diversité éditoriale sur ce genre très précis.

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