Inondations en RDC: «Il faut une réponse humanitaire et du gouvernement à la hauteur de la catastrophe», alerte MSF
Publié le :
Ce sont des témoignages terribles qui remontent au fil des jours de la zone de Kalehe, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), où des pluies torrentielles ont provoqué des glissements de terrain et une coulée de boue dévastatrice. Les chiffres donnent le vertige : on parle encore de milliers de disparus et de déplacés. Les secours sont à pied d'œuvre pour retrouver les corps et soulager les vivants. Parmi les organisations présentes sur le terrain, Médecins sans frontières (MSF), qui a évacué des blessés graves et soutient les structures sanitaires locales. Sébastien Loth est son chef de mission pour le Sud-Kivu et le Maniema.

RFI : Sébastien Loth, on parle de 5 000 disparus, des centaines de corps ont déjà été retrouvés. Que s’est-il passé et comment expliquer ce bilan ?
Sébastien Loth : Nous faisons face réellement à une catastrophe. Il y a eu de très fortes pluies, qui ont touché la zone du territoire de Kalehe la nuit du 4 au 5 mai. Ces pluies ont entrainé une augmentation des eaux au niveau des rivières qui sont avoisinantes, l’eau a débordé et a tout emporté sur son passage. Ce sont des villages qui sont à flanc de montagne, qui sont aussi au bord du lac Kivu, donc l’eau a augmenté, et emporté les habitations, les champs, le bétail, ainsi que les habitants.
Donc on parle vraiment de rivières qui sont sorties de leur lit, c’est ça la principale cause de ce qui est en train de se passer ?
C’est l’une des principales causes. On va dire qu’il y a aussi le fait que la plupart des habitations ne sont pas très solides, ce sont des habitations en bois, ou des murs en terre, qui ont été facilement emportés. Il y a eu des éboulements, donc l’eau a bougé les rochers, a bougé une partie de la montagne sur le village et l’a emporté.
Quelle est l’ampleur de la zone concernée ? Est-ce qu’on parle d’un village, d’un ensemble de villages, de tout un territoire ?
On parle d’un ensemble de villages, c’est principalement deux aires de santé : l’aire de santé de Bushushu, et l’aire de santé de Nyamukubi. Plus de 15 000 habitants.
Est-ce que les secours parviennent à retrouver des survivants encore maintenant ? Ou est-ce qu’il s’agit plutôt à l’heure actuelle de rechercher les corps ?
À l’heure actuelle, c’est principalement rechercher les corps malheureusement. On n’a pas retrouvé de survivants dans les derniers jours, et actuellement, il y a peu d’espoir de retrouver encore des personnes vivantes, ou même des blessés. Ce sont principalement des habitants qui ont été ensevelis sous des kilos de boue, qui ont été entrainés jusqu’au lac Kivu, qui potentiellement se sont noyés en arrivant au niveau du lac Kivu, donc très peu de chances malheureusement de retrouver des survivants à l’heure actuelle.
Beaucoup de personnes ont été entrainées comme ça, par le flot de boue vers le lac Kivu ?
Oui, les autorités ont repêché un certain nombre de corps au niveau du lac Kivu. Encore aujourd’hui, quinze corps ont été repêchés. La veille, plus de 120 corps avaient été retrouvés au niveau du lac Kivu, sur l’île qui est en face du secteur qui avait été touché.
À quelles scènes vos équipes assistent-elles sur place, pendant ces opérations ?
Il y a des kilomètres de boue. La plupart des maisons ont été emportées. On parle de plus de 2 000 logements qui ont été emportés dans la ville de Bushushu, un chiffre équivalent au niveau de Nyamukubi. La ville de Nyamukubi a été rasée aux trois quarts, celle de Bushushu à 50%. On observe aussi dans les rues des habitants désœuvrés, des enfants qui ont perdu leurs parents, qui marchent dans les décombres, donc c’est une vraie scène de désolation.
Quelles sont les difficultés auxquelles les équipes humanitaires font face dans les zones concernées ?
Déjà, il y a la problématique de l’accès. La boue a coupé la route qui mène entre Bushushu et Nyamukubi. La route qui permet, depuis la capitale de la province, Bukavu, d’atteindre Nyamukubi a été complètement coupée. Donc le seul moyen d’atteindre cette zone est de passer par la voie lacustre, donc de prendre un bateau, ce qui complique énormément l’assistance. De plus, au niveau des structures médicales qui sont présentes, elles ont été complètement surchargées avec un grand nombre de blessés, et avec peu d’intrants médicaux pour soigner les patients.
Où sont les survivants, Sébastien Loth ? De combien de déplacés parle-t-on dans cette crise ?
C’est une question à laquelle il est assez difficile de répondre car la zone comprend 15 000 habitants. Mais il y avait également des populations qui étaient là la veille de la catastrophe pour le marché, donc la zone était beaucoup plus peuplée à ce moment-là. Il y avait aussi des populations déplacées, qui avaient été déplacées depuis le Nord-Kivu récemment. Un chiffre exact est difficile à estimer. Mais on parle de plusieurs milliers de déplacés. Actuellement, les survivants sont soit réfugiés dans les collines avoisinantes, dormant à la belle-étoile ou occupant les restes des maisons qui sont encore debout. Certains se sont déplacés dans les villages avoisinants, mais un chiffre exact n’est pas clair.
La coordination des affaires humanitaires de l’ONU, OCHA, estime à près de 3 000 le nombre de familles sans abri. Est-ce également le chiffre sur lequel vous travaillez ?
Oui, nous pensons que c’est même un minimum.
Quelles sont vos principales craintes pour la suite ?
Il y a un fort risque d’épidémie. Nous sommes dans une zone où le choléra est endémique. Il y a aussi le fait que beaucoup de cadavres sont encore ensevelis sous la boue, ce qui pourrait accentuer la propagation de maladies. Il y a aussi la problématique de la réponse, ce sont des populations qui ont absolument tout perdu, donc il faut une réponse humanitaire et du gouvernement à la hauteur de la catastrophe, pour apporter nourriture, eau et besoins de première instance.
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne