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Soudan: Volker Perthes (ONU) réclame «un cessez-le-feu stable et sûr pour les citoyens»

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L'Invité Afrique ce dimanche matin est l'envoyé spécial de l'ONU pour le Soudan et chef de la mission Unitams. Volker Perthes, espère toujours que la trêve humanitaire se concrétise sur le terrain à Khartoum et met en garde contre une escalade du conflit. Il affirme que les discussions continuent à Djeddah, le but étant d'arriver à un cessez-le-feu. Il lance un ultime appel aux deux belligérants pour cesser immédiatement les combats à Khartoum. Volker Perthes joint par Houda Ibrahim. 

Le représentant spécial de l'ONU pour le Soudan, Volker Perthes, s'exprime à la suite de la signature d'un accord initial entre les dirigeants militaires et civils visant à mettre fin à une crise profonde causée par le coup d'État militaire de l'année dernière, dans la capitale Khartoum le 5 décembre 2022.
Le représentant spécial de l'ONU pour le Soudan, Volker Perthes, s'exprime à la suite de la signature d'un accord initial entre les dirigeants militaires et civils visant à mettre fin à une crise profonde causée par le coup d'État militaire de l'année dernière, dans la capitale Khartoum le 5 décembre 2022. AFP - ASHRAF SHAZLY
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RFI : L’accord de Djeddah est un accord uniquement humanitaire, un accord a minima. Il a même déjà été violé, est-ce que pour vous, c'est un demi-échec ?

Volker Perthes : Ce n’est pas un échec, ni un demi-échec. Les attentes sont toujours très élevées au Soudan et même dans certains autres endroits. Disons que cette entente sur les principes humanitaires est un premier pas, pour ce qui pourrait devenir un accord stable et réel de cessez-le-feu. Jusqu'à présent, près d'un mois après le début de la guerre, nous n'étions pas encore parvenus à un accord conjoint des deux côtés sur une trêve, et cette fois, il y a un accord sur quelque chose, même s'il se limite aux seuls principes humanitaires. Il y a un accord pour continuer les pourparlers, et cela est peut-être plus important.

Est-ce que l’échec successif des cessez-le-feu ne doit pas obliger la communauté internationale à prendre des mesures plus contraignantes contre les deux parties ?

Forcer les deux parties à appliquer les trêves en passant par l’ONU ou par nos partenaires de l'Union africaine ou de l'IGAD est presque impossible. Si vous voulez parler d’une résolution internationale contraignante, cela appartiendra aux membres du Conseil de sécurité et non pas au secrétariat de l'ONU de le faire. Mais, disons que ce qui importe maintenant, c'est de parvenir à un accord sur un cessez-le-feu avec un mécanisme de surveillance et de contrôle. Si nous obtenons un mécanisme convenu, nous aurons des moyens supplémentaires pour mettre en œuvre un tel accord.

Allez-vous pouvoir mettre en place un tel mécanisme de surveillance des trêves ou du cessez-le-feu ?

C'est ce que nous attendons des médiateurs saoudien et américain. Que la discussion soit bel et bien engagée et qu’elle soit sérieuse sur la mise en place d'un mécanisme de contrôle et de surveillance d'un cessez-le-feu. Les discussions de Djeddah se poursuivent.

À quel horizon les premières aides humanitaires pourront-elles rejoindre Khartoum ? Comment va s’organiser l’aide humanitaire ?

Le flux d'aide vers Port-Soudan a déjà commencé. Mais la distribution de cette aide semble poser problème. Des problèmes de sécurité en premier lieu, car comment les citoyens de Khartoum accèdent-ils aux établissements de santé et aux établissements humanitaires ? Et comment ces établissements accèdent-ils à une aide médicale ou toute autre aide des Nations unies ? Nous avons besoin de couloirs sûrs et besoin d’une trêve humanitaire. Si les combats continuent, il nous sera impossible d'atteindre les citoyens ou les installations humanitaires, à Khartoum ou ailleurs. Parallèlement, nous étudions l'envoi de ravitaillement au Darfour via le Tchad. Les pourparlers se poursuivent avec les autorités tchadiennes.

Vous avez mentionné ces derniers jours la présence de mercenaires étrangers dans les rangs des Forces de soutien rapide. Qui sont-ils et avez-vous une idée de leur importance, sachant que les deux parties se livrent aussi à une guerre de l’information ?

J'ai parlé de ceux qui recherchent des opportunités et qui disent qu'ils soutiennent telle ou telle partie au conflit, mais je n'ai aucune preuve de l'intégration de ceux qui recherchent des opportunités, ou de mercenaires, au sein d'une force donnée, et je n'ai pas de chiffres. Nous ne sommes pas une agence de renseignements, et je crois que les États membres de l'ONU, qui sont actifs dans la région, possèdent plus d'informations.

Avez-vous connaissance de la présence d’enfants soldats étrangers engagés dans les combats ?

Pendant longtemps, il y a eu de nombreux enfants de moins de dix-huit ans dans plus d'une force ou organisation armée au Soudan. Même avant le début du conflit actuel, nous avons travaillé avec presque toutes les forces sur le terrain, en coopération avec l'Unicef. Nous avons même pu, quelques jours avant la guerre, retirer certains de ces enfants des différentes forces où ils sont utilisés. Nous ne parlons pas d'une organisation armée ou d'une force spécifique. La plupart des organisations armées au Soudan utilisent encore des enfants.

Vous avez déclaré que le maréchal libyen Khalifa Haftar était impliqué aux côtés des Forces de soutien rapide, mais que son soutien n’était pas décisif ?

C'est vrai, c’est ce que j'ai dit. Mais les choses bougent, bien sûr. Malheureusement, et encore une fois, je n'ai pas d'informations basées sur les services de renseignements et je n’ai pas d’informations précises à cet égard.

Des pays de la région, en l’occurrence les Émirats et l’Égypte, sont engagés, d’une manière ou d’une autre, aux côtés des parties en lutte au Soudan. Quelles sont vos informations et quel est votre message aux pays impliqués dans cette crise ?

Tout d'abord, M. le Secrétaire général a clairement indiqué que la crise au Soudan peut affecter les pays voisins, et des tensions ont commencé dans ces pays, notamment avec les vagues de réfugiés et de déplacés. Car un certain nombre de pays voisins sont pauvres et vivent dans des situations dangereuses. Tous les pays voisins ont aidé les déplacés et les réfugiés, quoique de manière différente. Le secrétaire général des Nations unies a mis en garde contre le danger d'entraîner certains pays dans le conflit soudanais, et je partage son inquiétude. Si la guerre continue, elle risque de se transformer en une crise régionale.

Qu’est-ce qui fait que des combats violents ont éclaté également au Darfour de l’Ouest, à Al-Geneina surtout ?

Malheureusement, ce n'est pas la première fois que nous voyons des affrontements à Al-Geneina, et plus largement dans l'ouest du Darfour. Des tensions de longue date entre différents groupes existent. Les deux parties qui se combattent sont au Darfour. La raison principale pour cette reprise des affrontements réside dans l'absence des forces de sécurité sur lesquelles les citoyens peuvent compter. Elles sont préoccupées par la guerre à Khartoum. Et ce sont les forces censées se soucier de la sécurité du citoyen. Il y a un véritable chaos dans certaines parties du Darfour, y compris à Al-Geneina.

Des témoins d'Al-Geneina nous ont affirmé que des éléments armés venant de la Centrafrique, du Niger et du Tchad appartenant à la même tribu que le chef des Forces de soutien rapide ont traversé la frontière et sont entrés jeudi à Al-Geneina...

Si c'est le cas, c'est très dangereux. Presque tous les groupes sociaux du Darfour s'approvisionnent depuis l'Afrique centrale, depuis la Libye et depuis le Tchad… Il y a des mouvements saisonniers entre le Tchad et le Darfour. Il est donc parfois difficile de faire la différence entre ceux qui sont Soudanais et ceux qui sont Tchadiens, car ils appartiennent à une tribu située des deux côtés de la frontière. Mais vous avez raison, chaque flux frontalier qui vise à faire évoluer la situation ou à piller est très dangereux et rajoute de l'huile sur le feu.

Quel est votre message aux belligérants au Soudan ?

Je veux juste répéter ce que je dis presque tous les jours depuis le début des combats aux deux camps qui s’affrontent : vous devez être conscients que même si vous obtenez une victoire militaire, après une longue bataille, cela peut entraîner la perte du pays. Donc cette guerre doit se terminer immédiatement. Commençons par un cessez-le-feu stable et sûr pour les citoyens.

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