Le grand invité Afrique

Cent ans de l'Académie des sciences d’Outre-Mer: «Nous ne sommes dans la dépendance d'aucune institution»

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L’Académie des sciences d’Outre-Mer (Asom) fête ses 100 ans ce vendredi 26 mai par un grand colloque à la Sorbonne, à Paris. Cette société savante a compté parmi ses membres de grands scientifiques comme Alexandre Yersin, le vainqueur de la peste. Mais à quoi sert aujourd’hui cette académie, au temps du changement climatique et des grandes pandémies ? Le professeur Roland Pourtier a longtemps enseigné la géographie à l’Université de Libreville, au Gabon, et a publié récemment « Congo, un fleuve à la puissance contrariée » chez CNRS Éditions. Aujourd’hui, il préside l’Asom. Entretien.

Roland Pourtier est le Président de l'académie des sciences d'outre-mer.
Roland Pourtier est le Président de l'académie des sciences d'outre-mer. © Académie des sciences d'outre-mer
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RFI : Roland Pourtier, vous voulez porter une certaine idée de la France dans sa relation au monde. Peut-on dire que vous craignez un repli de la France sur l'Hexagone et sur son étranger proche ?

Roland Pourtier : Non, je ne vois pas de raison particulière pour le redouter, en tout cas du point de vue des activités de l'Académie des sciences d'Outre-mer, il n'y a pas cette inquiétude parce que nous avons au contraire cette conception d'un Outre-mer qui est très élargi, pour faire face notamment aux problèmes mondiaux que posent le développement en général, le réchauffement climatique, bien entendu, les migrations de population, etc. Et tout cela nous amène à nous intéresser à une grande partie du monde et pas du tout à un repli sur l'Europe.

Alors, il y a eu de grands noms africains comme Houphouët, Senghor, Émile Zinsou. Il y a aujourd'hui parmi les membres de votre Académie, les présidents Diouf, Macky Sall, Ouattara, et Issoufou. Mais est-ce que c'est vraiment une société savante, ou est-ce que ce n'est pas plutôt une antenne du Quai d'Orsay ?

Ah non, c'est vraiment une société savante, qui a l'avantage d'être très pluridisciplinaire avec toute la gamme des sciences qui est représentée et nous tenons beaucoup à notre indépendance d'esprit. Nous avons dans notre académie une volonté affirmée de rester dans l'objectif de la science, de la recherche de la vérité et nous ne sommes dans la dépendance d'aucune institution.

Et dans vos travaux scientifiques, est-ce que vous êtes en partenariat avec des académies africaines ?

Absolument. Au mois de mars de cette année, nous étions à Madagascar avec l’Académie des lettres, des arts, des sciences de Madagascar sur des thématiques qui concernent les problèmes spécifiques du développement, du changement climatique, de l'évolution de la biosphère des océans, et cetera.

Et en Afrique de l'Ouest, quels sont vos projets ?

Déjà, dans l'immédiat, puisque la Convention va être signée dans la soirée, c'est de renforcer nos liens. Et là, en l'occurrence avec la Côte d'Ivoire, à travers l'Académie des sciences, des arts, des cultures d'Afrique et des diasporas africaines, c'est une convention qui permettra de faciliter les échanges, en particulier les échanges avec les étudiants.

Roland Portier, vous voulez être l'académie du grand large, mais beaucoup d'étudiants et d'universitaires africains qui veulent échanger avec vous se plaignent de ne pas avoir de visa pour venir en France ?

Alors c'est un problème politique qui relève des autorités françaises et non pas d'une société savante, mais mon opinion, c'est que bien entendu, pour l'avenir des relations avec les pays du Sud, il est indispensable de faciliter l'obtention des recherches pour les étudiants. Tout ça doit être bien sûr encadré. Un des problèmes de la venue d'étudiants - qui sont quand même très nombreux à venir en France -, c'est que beaucoup d'entre eux restent ensuite en France et ne retournent pas dans leur pays pour les faire profiter de la formation qu'ils ont obtenue.

Que fait aujourd'hui votre société savante pour lutter contre les grandes pandémies ?

Eh bien, déjà, elle travaille en relation étroite avec l'Institut Pasteur et avec d'éminents chercheurs dans le domaine de la santé, comme le professeur Marc Gentilini ou Pierre Saliou. Et puis pour notre commémoration à la Sorbonne, le professeur Delfraissy, qui est bien connu, fera partie des intervenants pour souligner à quel point ces questions sont importantes.

Roland Pourtier, vous êtes géographe, vous avez enseigné au Gabon, vous êtes un spécialiste de l'Afrique centrale. Est-ce qu'aujourd'hui, d'éminents chercheurs africains prennent le relais de grands chercheurs européens comme vous ?

Oui, je peux citer par exemple un de mes anciens étudiants du Gabon, Marc-Louis Ropivia, qui s'est fait une spécialité en géopolitique, je peux citer Martin Kuété au Cameroun, au Congo Kinshasa, il y a Francis Lelo Nzuzi, qui travaille aussi en relation avec le grand historien Isidore Ndaywel, ou encore Cheikh Tidiane Wade au Sénégal. Je pense que la relève est assurée aujourd'hui dans ces domaines de la géographie et naturellement de l'histoire. Nous sommes dans une ère de coproduction et de travail en collaboration étroite, sans qu'il y ait de hiérarchies comme cela a pu être le cas autrefois.

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